Propos polémiques : « Jean-Luc Mélenchon se Zemmourise », dénonce Xavier Iacovelli

Propos polémiques : « Jean-Luc Mélenchon se Zemmourise », dénonce Xavier Iacovelli

Le chef des Insoumis, candidat déclaré à la présidentielle, a affirmé dimanche : « Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. » De tous bords politiques, les sénateurs condamnent ces propos.
Public Sénat

Par Pierre Maurer avec AFP

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Voilà Jean-Luc Mélenchon retombé dans la polémique. Celle qui pourrait bien le suivre jusqu’à la fin de sa carrière. Invité dimanche de « Questions politique » sur France Inter, le patron des Insoumis, candidat à la présidentielle, a lié terrorisme et élection présidentielle. « Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. Ça a été Merah en 2012 (auteur jihadiste des tueries de Toulouse et de Montauban, notamment dans une école juive), ça a été l’attentat la dernière semaine sur les Champs Elysées (en 2017, un jihadiste assassine le policier Xavier Jugelé). Avant, on avait eu Papy Voise (Paul Voise, un retraité agressé chez lui à Orléans en avril 2002), dont plus personne n’a jamais entendu parler après. Tout ça, c’est écrit d’avance », a déclaré l’ancien socialiste, ministre du gouvernement Jospin.

Ces propos ont aussitôt provoqué l’indignation, dans la classe politique mais aussi auprès de proches de victimes d’attentats, tels Latifa Ibn Ziaten, dont le fils militaire a été tué par Mohammed Merah, et qui a dénoncé des propos « inadmissibles », réclamant du « respect pour les victimes ». Patrick Klugman, l’avocat de Samuel Sandler, qui a perdu son fils et ses deux petits-fils, tués par Mohammed Merah, a menacé l’Insoumis de poursuites judiciaires s’il ne retirait pas ses propos, « d’une extraordinaire gravité ».

« Jean-Luc Mélenchon a les deux pieds dans le complotisme »

Coutumier des polémiques, le leader Insoumis n’avait déjà pas réussi à effacer des mémoires la perquisition houleuse au siège de son parti en 2018, lors de laquelle il avait lâché « la République, c’est moi ! ». Ce nouveau « dérapage » est unanimement dénoncé. Plusieurs membres du gouvernement, à l’image de Marlène Schiappa, ont accusé lundi Jean-Luc Mélenchon de tenir « des propos complotistes » et « honteux » qui « manquent de respect aux familles de victimes » des attentats terroristes. Invité de la matinale de Public Sénat, Laurent Saint-Martin, le rapporteur du Budget et tête de liste LREM aux régionales en Ile-de-France, a dénoncé une sortie « gravissime ». « La France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon avaient déjà franchi un certain nombre de lignes jaunes républicaines ces derniers mois. Là, je crois qu’on a franchi une ligne rouge écarlate dans les valeurs de la République. C’est du complotisme […] C’est honteux, c’est scandaleux, c’est très dangereux pour la démocratie. Jean-Luc Mélenchon était un républicain. Il nous a démontré depuis plusieurs mois et plusieurs semaines qu’il s’en éloignait. Il en est définitivement sorti hier », a-t-il estimé.

Peu ou prou, la même réaction du côté du sénateur LREM, Xavier Iacovelli. « Jean-Luc Mélenchon a les deux pieds dans le complotisme. Il est complètement sorti du champ républicain. C’est très malheureux. Je l’ai connu membre du Parti socialiste, créateur du Parti de gauche. C’était un vrai républicain qui luttait contre toutes les formes d’extrémismes. On observe une dérive de sa part depuis quelques mois », affirme ce cadre de Territoires de progrès, à gauche de la Macronie.

« Il sait parfaitement ce qu’il fait »

Loin de revenir sur ses propos, Jean-Luc Mélenchon a assumé et souligné le caractère prévisible des attentats : « Les meurtriers attendent le meilleur moment pour faire parler d’eux », a-t-il écrit sur les réseaux sociaux, tout en déplorant « un buzz affligeant ». Publiquement, l’ensemble de son parti fait bloc derrière son chef. Ce qui témoigne d’une « stratégie » réfléchie selon Xavier Iacovelli. « J’ai espéré au départ que ce ne soit qu’un simple dérapage. Mais quand je vois que c’est confirmé et défendu, je pense que c’était une stratégie pour aller parler à un électorat sorti du champ républicain. Cela arrive parfois quand on est en plateau d’être exalté, d’avoir un pas de côté. La seule argumentation possible, ça aurait été des excuses. J’ai l’impression que Jean-Luc Mélenchon se Zemmourise. Son absence d’excuses ne me satisfait pas », tance l’ancien socialiste.

Xavier Iacovelli : "Jean-Luc Mélenchon se Zemmourise"
03:42

A droite, la sénatrice LR Valérie Boyer observe elle aussi une stratégie derrière les propos du patron des Insoumis. « On voit bien que Jean-Luc Mélenchon, qui est quelqu’un de cultivé et d’intelligent, ne fait pas ça par hasard. Il fait ça pour ramasser quelques voix et flirter avec les indigénistes, les islamo-gauchistes », critique la sénatrice des Bouches-du-Rhône. « Ceux à gauche qui pensent s’allier au deuxième tour avec Jean-Luc Mélenchon, vont-ils le faire ? Il faut un front républicain contre l’extrême-gauche, il a dévoilé sa pensée profonde. Je voyais ce matin ses camarades distiller sa Pravda : pas de reniement mais une explication de texte. Si c’était un dérapage isolé, ce serait un ‘détail’pour reprendre une formule très malheureuse, mais c’est une succession d’actions totalement indécentes. Il faut dire stop. Tous ces donneurs de leçon politique feraient bien de balayer devant leur gauche. Jean-Luc Mélenchon est un apparatchik. Il sait parfaitement ce qu’il fait. J’attends de voir ce que le CSA va faire », poursuit-elle. Au Sénat, ses collègues LR Philippe Tabarot et Stéphane Piednoir ont également dénoncé les propos de Jean-Luc Mélenchon.

A gauche, les condamnations ou les simples réactions sont plus difficiles à obtenir. Chez les socialistes, la sénatrice Laurence Rossignol a fustigé des propos « honteux, indignes pour les victimes de Merah et totalement parano/complotistes. » Elle a ajouté : « Il y a beaucoup de gens bien à LFI. Je n’imagine pas qu’ils puissent être d’accord avec ces propos, ni même les traiter comme des petits dérapages dont on s’accommode ».

« Appel au meurtre »

Chez les Insoumis, les cadres ont pourtant, et sans surprise, soutenu leur leader. « Jean-Luc Mélenchon n’est pas complotiste. Ce qu’il a voulu dire, c’est que nous n’acceptons pas l’instrumentalisation de ces faits gravissimes qui arrivent la dernière semaine d’un scrutin important », a-t-elle insisté. Mais un certain malaise était perceptible lors du passage dans la matinale de Cnews de la candidate à la présidence de la région Île-de-France. « A l’évidence, certains ont été sincèrement blessés par les propos tenus », a-t-elle déclaré, évoquant un « propos ramassé » qu’il était aisé de « mal interpréter ». Pour le journaliste de Libération, Lilian Alemagna, auteur d’un livre sur Mélenchon, l’ancien sénateur est coutumier du fait : « A chaque fois, Mélenchon utilise la même technique : s’approcher d’une ligne rouge pour se rendre audible de certains électorats qui ne voteraient pas forcément pour lui ».

Plus tard dans la journée, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé, lors d’une intervention filmée, un « appel au meurtre » et a annoncé porter plainte après la publication par un youtubeur d’extrême-droite, Papacito, d’une vidéo mettant en scène une attaque armée fictive contre un électeur de LFI. Appel soutenu par le député LREM Sacha Houlié : « La vidéo et les propos de Papacito sont extrêmement graves. Ils tombent sous le coup de la loi et appellent une implacable sanction. Le retrait de ce contenu s’impose. Soutien républicain à Jean-Luc Mélenchon et à ses équipes ». Plusieurs heures auparavant, ce cadre de l’aile gauche de la majorité présidentielle avait vilipendé les mots de l’Insoumis : « Le champion insoumis en roue libre et plein délire complotiste. Un attentat, une attaque, ne profite à personne, jamais. Être candidat à la présidentielle ne requiert pas forcément de sombrer dans l’élucubration. »

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