Quand le patriotisme économique se réinvite dans la présidentielle

Quand le patriotisme économique se réinvite dans la présidentielle

Comme en 2012, le « produire en France » et la défense des intérêts nationaux font des émules chez les candidats à la présidentielle.
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Le patriotisme économique et la défense de l’industrie française sont dans toutes les bouches des candidats, ou presque.

Ce jeudi, c’est Benoît Hamon qui s’est saisi de ce thème récurrent dans les programmes. Le socialiste a pris le relais de son ancien adversaire dans la primaire Arnaud Montebourg dans la promotion du « made in France ». C’est ainsi qu’il déclare ne pas exclure des « nationalisations temporaires » qui pourraient maintenir des emplois industriels. « Pour une économie renforcée face à la mondialisation », il veut surtout « accorder la priorité au made in France ». Dans la présentation de son projet, il précise que « 50% des marchés publics seront réservés aux PME ». Le critère de sélection est basé sur la taille de l’entreprise, et non sur la nationalité, pour ne pas entraver les règles européennes ou celles de l'OMC, qui interdisent tout favoritisme. Convaincu que ce choix favorisera les circuits courts, il souhaite ajouter des « clauses sociales et environnementales ».

REPLAY. Benoit Hamon "50% des marchés publics seront réservés aux petites et moyennes entreprises"
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« Une forme de patriotisme économique »

Cette rhétorique du « patriotisme économique » se retrouve aussi dans la campagne de François Fillon, qui dénonce les effets de la concurrence déloyale. Le 13 mars, lors de la présentation de son projet, le candidat de la droite a déclaré « assumer une forme de patriotisme économique, renouvelé et modernisé », pour que la France « reste une puissance industrielle de premier rang » :

« Il ne s’agit pas de protectionnisme mais de défense et de promotion de nos intérêts, dans le respect de la réciprocité. Toutes les grandes puissances ont cette volonté. J’estime que nous devons lutter à armes égales. Il n’est pas normal que dans certains de nos secteurs d’excellence industrielle comme la défense ou les équipements de transport, le marché européen soit ouvert à tous, alors que les grands marchés nord-américains ou asiatiques sont fermés à nos entreprises. »

La question d’un protectionnisme est clairement évoquée dans le programme de Jean-Luc Mélenchon. La France insoumise réclame ainsi un « protectionnisme solidaire pour produire en France » et propose d’adopter des « mesures anti-dumping d’urgence sur les industries stratégiques » et d’augmenter les droits de douane pour les produits issus des « pays aux droits sociaux limités ». Le programme prévoit aussi de réviser le Code des marchés publics « pour favoriser les entreprises de l’économie sociale et solidaire » et « l’activité locale ».

Certains s’arrogent le « vrai patriotisme économique »

Marine Le Pen, qui a fait de cette question l’un des piliers de son programme économique, réclame une taxation des produits « issus d’usines délocalisées à l’étranger », se vante de proposer un « vrai patriotisme économique en se libérant des contraintes européennes ». C’est ce point qu’avait souligné son directeur de campagne David Rachline le 12 janvier sur BFMTV et RMC : « Tous les candidats parlent de patriotisme économique sans remettre en cause l’UE. C’est impossible ». Le programme du Front national prévoit de réserver les marchés publics aux « entreprises françaises, si l’écart de prix, avec leurs concurrentes à l’étranger, est « raisonnable ».

Le « vrai patriotisme économique », Emmanuel Macron a lui aussi apporté sa propre définition le 3 mars, lors d’une matinale de RTL. « Le vrai patriotisme, c’est d’être compétitif, de savoir produire, d’avoir de l’excellence. Le problème français, c’est un problème de spécialisation, un problème d’innovation, d’investissement », considère le candidat d’En Marche. L’ancien ministre de l’Économie estime que « le bon niveau de protection » ne situe pas en France, mais en Europe :

« Il faut protéger au niveau européen. […] Quand j’étais ministre, j’ai défendu des mesures anti-duming face à la Chine sur l’acier. Je propose de faire un « Buy European Act », sur l’achat et la production, face aux États-Unis, à la Chine, à la Russie, on peut le faire ».

Ce « Buy European Act » est un écho au « Buy American Act », une disposition fédérale américaine, dont la création remonte aux lendemains de la grande crise de 1929, et qui garantit, dans le cadre de certains contrats publics, une part minimum de 50% pour les entreprises nationales.

Le « made in France » et le protectionnisme déjà un thème de campagne en 2012

Ce mécanisme avait été déjà été défendu durant la dernière campagne présidentielle, par un certain… Nicolas Sarkozy. Notamment lors de son grand discours à Villepinte. Il faut dire qu’en 2012, les principaux protagonistes de la campagne présidentielle s’étaient déjà saisi du thème du « made in France ». À l’image du président sortant, d’autres s’étaient engouffrés dans ce créneau. On se souvient que François Bayrou avait faire du « produire en France », l’un des moteurs de sa campagne, défendant notamment la création de labels pour les produits fabriqués dans l’Hexagone, pour développer leur consommation.

Déjà à l’époque, Marine Le Pen faisait de la « réindustralisation de la France » l’une de ses priorités, défendant l’application d’une loi « Achetons français ».

François Hollande, dans sa campagne, avait appelé lui aussi à un « patriotisme industriel ».  Dans le premier de ses 60 engagements, celui de la création d’une Banque publique d’investissement, il était notamment favorable à des « participations dans les entreprises stratégiques pour le développement local et la compétitivité de la France ».

Dans son troisième engagement, il promettait d’engager « un mouvement de relocalisation » avec les grandes entreprises, et d’instaurer pour les entreprises qui se délocalisent un « un remboursement des aides publiques reçues ». À la treizième promesse, on pouvait lire son désir de « faire obstacle à toute forme de concurrence déloyale » venue de l'étranger, et de mettre en place une « contribution climat- énergie aux frontières de l’Europe ».

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