Que retenir du premier tour des législatives ?

Que retenir du premier tour des législatives ?

Quels enseignements tirer au soir du 1er tour de ces élections législatives : percée de la NUPES, majorité d’Emmanuel Macron en danger, le sort des ministres, les défaites surprises et les élections dès le 1er tour, ainsi que les consignes de vote pour le 2nd tour. Retour sur les temps forts de la soirée électorale.
Louis Mollier-Sabet

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  • Une abstention record pour un 1er tour des législatives

Le premier tour des élections législatives n’aura pas mobilisé les Français. Selon la projection Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, LCP-AN / Public Sénat, l’abstention s’élève à 52,8 %. C’est un nouveau record pour ce type d’élection, après le premier tour des législatives en 2017. En cinq ans, elle est 1,5 point plus élevé (51,3 %). Pour un second tour, le record avait été battu en 2017, avec une abstention historique à 57,36 %.

La participation a un effet direct sur la qualification au second tour. En effet, pour y accéder le 19 juin, les candidats doivent soit arriver premier et second de leur circonscription, soit obtenir les voix de 12,5 % des électeurs inscrits.

  • La NUPES peut-elle empêcher Emmanuel Macron d’avoir la majorité ?

Au coude à coude avec la majorité présidentielle – 25,6 % contre 25,2 % d’après notre sondage Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, LCP-AN / Public Sénat – la NUPES sera au moins la première force d’opposition à Emmanuel Macron lors de la prochaine législature. Les grands gagnants de l’opération à gauche seront – dans tous les cas – LFI, qui passerait d’un groupe de 17 députés à plus de 100 sièges à l’Assemblée nationale. Le PS arrivera probablement à maintenir un groupe d’une trentaine de députés, un résultat plutôt favorable après le score d’Anne Hidalgo à la présidentielle (1,78 %). De même, les écologistes, qui n’avaient pas de groupe sous la précédente législature, devraient assez largement dépasser le fameux seuil des 15 députés.

Notre projection Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, LCP-AN / Public Sénat, donne à l’union de la gauche entre 150 et 190 sièges La question à laquelle le 2ème tour devra répondre, c’est si cette percée de la Nouvelle Union Populaire pourra mettre en danger la majorité d’Emmanuel Macron. Que celle-ci soit absolue ou relative, ce qui obligerait le Président de la République à gouverner avec LR, ou bien même que, comme le dit Jean-Luc Mélenchon, les projections de ce dimanche soir, ne fassent que « finir d’étourdir » la majorité présidentielle. Il faudrait pour cela que la NUPES crée la surprise dans les circonscriptions où elle se maintient en vue du second tour de dimanche 19 juin prochain.

  • Les ministres en danger : Amélie de Montchalin, Stanislas Guerini et Clément Beaune

La règle est connue : les ministres battus devront démissionner. Et la défaite est possible dimanche prochain pour Amélie de Montchalin, ministre de la Transition écologique, en ballotage défavorable dans l’Essonne, avec 31,46 % des voix, contre 38,31 % des voix pour Jérôme Guedj, candidat socialiste de la NUPES.

De même, dans la 7ème circonscription de Paris, Clément Beaune, ministre chargé de l’Europe est devancé par Caroline Mecary (NUPES), qui rassemble 40,43 % des voix, contre seulement 35,81 % pour le député sortant.

Stanislas Guerini est dans une situation semblable dans la 3ème circonscription de Paris, avec 32,5 % des suffrages, contre 38,66 % pour Léa Balage El Mariky, la candidate investie par la NUPES, qui arrive en tête avec 38,66 % des suffrages.

  • Les défaites cinglantes : Éric Zemmour et Jean-Michel Blanquer, éliminés dès le 1er tour

Il avait longtemps hésité à se présenter, en sachant qu’une candidature aux législatives, même dans une circonscription favorable, serait risquée. Éric Zemmour avait finalement jeté son dévolu sur la 4ème circonscription du Var, où il a été éliminé dès le 1er tour, en finissant en troisième position derrière Sereine Mauborgne (Ensemble) et Philippe Lottiaux (RN), qui ont respectivement réuni 28,51 % et 24,74 % des voix. Le candidat Reconquête ! à la présidentielle échoue donc à 800 voix du 2nd tour, avec 23,19 % des voix.

La campagne a aussi été difficile pour Jean-Michel Blanquer, parachuté, lui aussi, dans le Loiret. L’emblématique ministre de l’Education nationale du premier quinquennat d’Emmanuel Macron manque de peu son ticket d’entrée pour le second tour, dans l’élection législative de la quatrième circonscription du Loiret, qui comprend notamment le canton de Montargis. Le candidat de la majorité présidentielle « Ensemble ! », n’a récolté que 6 600 voix (18,89 % des suffrages exprimés), contre 6789 pour le candidat arrivé deuxième, Bruno Nottin, le candidat de la NUPES (19,43 % des voix). Dans cette circonscription qui était tenue jusque-là par Jean-Pierre Door (LR), le candidat du Rassemblement national Thomas Ménagé est arrivé nettement en tête du premier tour avec 31,45 % des voix.

  • 4 candidats LFI et 1 candidat Horizons élus dès le 1er tour

Si l’issue de ces élections législatives est suspendue au second tour du 19 juin prochain, la question est déjà réglée dans quelques circonscriptions. Pour ce faire, il faut réunir plus de 50 % des suffrages exprimés et 25 % des inscrits. La forte abstention a donc rendu difficile des élections au 1er tour, mais 3 candidats présentés par LFI ont tiré leur épingle du jeu. Certains sortants ont été réélus dès le 1er tour, comme Alexis Corbière dans la 7ème circonscription de Seine-Saint-Denis (62,94 %) ou Danièle Obono dans la 17ème circonscription de Paris (57,07 %).

D’autres ont réussi à conquérir des circonscriptions, comme Sophia Chikirou, ancienne conseillère en communication de Jean-Luc Mélenchon, qui est élue dans la 6ème circonscription de Paris, et Sarah Legrain, dirigeante de la France Insoumise dans la 16ème circonscription de Paris. Du côté des autres forces politiques, le centriste Yannick Favennec (Ensemble), candidat investi par Horizons, a été réélu au 1er tour dans la 3ème circonscription de la Mayenne, avec 57,13 % des suffrages.

  • 2nd tour : le « ni-ni » très clair du RN

En position d’arbitre dans les circonscriptions marquées par le duel entre la majorité présidentielle et la Nupes, Marine Le Pen a logiquement appelé au « ni ni ». « Dans les circonscriptions qui voient au second tour un duel entre la République en Marche et la Nupes, j’invite les électeurs à ne pas choisir entre les destructeurs d’en haut et les destructeurs d’en bas. A ne pas choisir entre ceux qui veulent vous priver de vos droits et ceux qui veulent vous priver de vos biens. La France n’est ni une salle de marché, ni une ZAD », a-t-elle lancé, avant d’inviter les électeurs à « agir en conscience », « en fonction du sens patriotique » si un candidat autre que le Rassemblement national fait face à un candidat LREM ou Nupes au second tour.

Sur TF1, le président par intérim du RN, Jordan Bardella, a fait savoir de son côté qu’il voterait « blanc » dans le scénario d’un second tour entre un candidat du parti présidentiel et de l’union de la gauche et il appelle les électeurs de son parti « au sursaut », jugeant qu’il n’y a « pas de fatalité » à l’alternative entre majorité présidentielle et union de la gauche. La majorité présidentielle sera présente dans une majorité de circonscriptions au second tour des législatives. C’est la configuration la plus répandue après ce premier tour électoral, ce 12 juin. Mais La République et ses alliés ont aussi été balayés dans quelques territoires, laissant parfois la place à des duels entre la NUPES (Nouvelle union populaire écologique et sociale) et le Rassemblement national (RN). La 4e circonscription du Loiret, avec l’élimination de Jean-Michel Blanquer, en est un exemple.

  • 2nd tour : la confusion dans la Macronie

Dès les premières minutes de la soirée électorale, plusieurs ténors du gouvernement ont botté en touche à la question d’un éventuel appel à faire barrage à l’extrême droite. « Je crois que ce sont des débats locaux et ça n’est pas ce soir un enjeu national », s’est dérobée la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, sur France 2. La secrétaire d’État a notamment affirmé que « très peu de circonscriptions » étaient dans ce cas de figure. Son prédécesseur, Gabriel Attal, devenu ministre des Comptes publics, s’est montré moins gêné, mais pas plus tranché. « On verra quelles sont les situations locales qui se présentent, quels sont les candidats qui sont en place. Il y a des positions qui seront prises », a-t-il répondu au même moment sur TF1. Distancé dans sa circonscription parisienne par l’avocate NUPES Caroline Mecary, Clément Beaune s’est montré clair. « À titre personnel », le ministre des Affaires européennes a appelé à privilégier les candidats de la coalition de gauche face au RN. « Je n’ai jamais mis de signe égal entre la NUPES, que je considère comme étant l’extrême gauche, c’est-à-dire Jean-Luc Mélenchon aujourd’hui, et le Rassemblement national », a-t-il argumenté sur BFMTV.

Les positions précautionneuses de la majorité présidentielle ont fait bondir à gauche. D’autant qu’Élisabeth Borne a renvoyé dos à dos « les extrêmes ». L’ancien candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot, a fait part de sa colère sur Twitter. « Les écologistes se sont massivement mobilisés pour faire battre Le Pen à la présidentielle. Entendre Olivia Grégoire et Gabriel Attal refuser de donner une indication de vote en cas de duel NUPES RN est absolument scandaleux ! » Au Sénat, la socialiste Laurence Rossignol a elle aussi fait part de son incompréhension. « Emmanuelle Wargon confirme qu’en cas de duel RN/NUPES, il n’y aura pas de consigne de vote. Au cas par cas. Ces gens n’ont aucune colonne vertébrale, aucun principe » s’est exclamée l’ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. Contactée par l’AFP, La République en marche a confirmé qu’elle ne donnera pas de consigne nationale, mais seulement « au cas par cas » dans les circonscriptions où s’opposeront des candidats du Rassemblement national et de la NUPES lors du deuxième tour des législatives. « C’est le Front Républicain, contre les extrêmes », a expliqué le parti présidentiel, en faisant valoir que « certains candidats de la NUPES sont extrêmes : ce sera en fonction de la personnalité de la NUPES qui est qualifiée, notamment si c’est quelqu’un qui a les valeurs de la République ». « Mais nous ne soutiendrons aucun candidat RN », a ajouté le parti présidentiel. Signe que l’absence de position claire au sein de LREM ne fait pas l’unanimité, Maud Bregeon a voulu s’exprimer en fin de soirée sur BFMTV. « Pas une voix ne doit aller au RN. Partout, nous appelons à faire battre l’extrême droite ». Précision importante : elle insiste sur sa fonction, à savoir porte-parole du parti.

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