Retraites : quel est le coût des concessions faites par le gouvernement aux Républicains ?

Retraites : quel est le coût des concessions faites par le gouvernement aux Républicains ?

Comptant sur le groupe les Républicains pour arriver à faire passer la réforme des retraites à l’Assemblée sans 49-3, la majorité présidentielle négocie depuis le début de la réforme des retraites avec la droite. Deux concessions principales ont pour le moment été faites par Élisabeth Borne et son gouvernement pour assouplir la réforme, pour un coût anticipé d'un peu plus de 2 milliards d'euros.
Louis Mollier-Sabet

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Lors de la présentation de la réforme des retraites le 10 janvier dernier, Bruno Le Maire avait annoncé que le report de l’âge légal rapporterait 17,7 milliards aux caisses de retraite en 2030, pour un déficit de 13,5 milliards d’euros prévu à cet horizon. Cela laissait plus de 4 milliards au gouvernement pour financer des « mesures d’accompagnement et des droits nouveaux », notamment sur les carrières longues et la revalorisation des petites retraites.

1,1 milliard pour appliquer la hausse du minimum contributif aux retraités actuels

Mais un mois plus tard, la facture s’est alourdie. Premièrement, la droite a obtenu, avant la présentation du texte en conseil des ministres, que la revalorisation du minimum contributif (« mico »), concerne aussi les retraités actuels, et pas seulement ceux qui liquideraient leur droit à la retraite à partir de l’entrée en vigueur de la réforme. Initialement, le gouvernement envisageait cette revalorisation uniquement pour les nouveaux retraités, l’étude d’impact précisant simplement qu’elle concernerait 180 000 à 200 000 de nouveaux retraités par an à partir de 2024, pour un gain moyen de 400 euros par an, soit environ 33 euros par mois.

L’extension du dispositif finalement actée après les négociations avec LR toucherait d’après le gouvernement 1,8 million de retraités actuels, pour environ 5 millions de retraités dont la pension brute est inférieure à 1200 euros mensuels. Tous les retraités touchant moins de 1200 euros ne seront finalement pas concernés, puisqu’il faudra avoir cotisé une carrière complète et être éligible au « minimum contributif » (de base et majoré) pour toucher cette revalorisation. Ensuite celle-ci sera comprise entre 0 et 100 euros (en moyenne environ 57 euros, d’après l’étude d’impact du gouvernement). À noter qu’une telle augmentation ne garantit donc pas nécessairement d’arriver à 1200 euros mensuels, comme le résume un article de Checknews, cité par l’économiste Michaël Zemmour sur France Inter ce matin.

Toujours est-il que la mesure, telle que calibrée par le gouvernement avec 1,8 million de bénéficiaires, a été chiffrée par Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, à 1,1 milliard d’euros, portant à 2 milliards le coût de l’ensemble des mesures de revalorisation des petites retraites, d’après le rapport de la députée Renaissance Stéphanie Rist sur le projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale. Il faut notamment y ajouter la revalorisation des retraites des agriculteurs, et des mesures de lutte contre le non-recours contre le minimum vieillesse. D’un point de vue budgétaire, ce milliard supplémentaire vient rogner sur les économies prévues par le gouvernement, puisque les 4 milliards de marges dégagées étaient déjà utilisées dans le projet initial de l’exécutif présenté le 10 janvier dernier, notamment pour financer les départs anticipés pour invalidité.

L’extension du dispositif « carrières longues » à ceux qui ont commencé à travailler à moins de 21 ans

Ce dimanche, rebelote. Élisabeth Borne annonce dans le JDD que, pour éviter un recours au 49-3, elle « bouge » et répond à l’une des demandes des députés LR : que les personnes ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans puissent partir à la retraite à 63 ans, et non 64 ans, comme prévu initialement dans le projet de loi. Pour ce faire, la Première ministre a proposé « d’étendre le dispositif de carrières longues à ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans », qui pourront ainsi « partir à 63 ans, conformément aux règles prévues par le dispositif. »

Aurélien Pradié, chef de file des députés LR a priori les plus hostiles aux mesures d’âge, ne s’est pas montré convaincu par la main tendue d’Élisabeth Borne sur notre antenne ce mardi matin : « La ligne rouge que j’ai posée il y a quelques semaines n’a pas varié : ceux qui ont commencé à 21 ans ne peuvent pas être pénalisés. Or ce qu’a annoncé Mme Borne ne suffit pas. Elle propose d'étendre un dispositif très spécifique des carrières longues, or il faudra avoir cotisé 5 trimestres avant 21 ans. Aujourd’hui, la moitié des Français qui ont commencé à travailler avant 21 ans ne sont pas éligibles au dispositif de carrière longue. […] Voilà pourquoi je résiste encore, et je ne le fais pas pour le plaisir de faire le malin. »

De 600 millions à 1 milliard pour la proposition d’Élisabeth Borne sur les carrières longues

Le député LR fait référence aux règles de calcul du dispositif « carrières longues », qui prévoit que si un actif a cotisé 4 trimestres – 5 s’il est né avant septembre – avant la fin de l’année civile où il atteint un certain âge, il pourra partir plus tôt. La réforme prévoit que, si vous remplissez les critères de cotisation, vous pourrez partir à 58 ans si vous avez commencé à travailler avant 16 ans, à 60 ans si vous avez commencé avant 18 ans, à 61 ans si vous avez commencé avant 20 ans, et donc, avec cet ajout, à 63 ans si vous avez commencé à 21 ans. Mais pour bénéficier de ce dispositif, il faut bien avoir cotisé 4 ou 5 trimestres avant – respectivement – la fin de l’année civile de vos 16, 18, 20 ou 21 ans, et non pas avant votre anniversaire, comme le dit Aurélien Pradié.

Avant dimanche dernier, la réforme ne prévoyait donc rien pour les actifs ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans, qui auraient par conséquent dû travailler 44 années, contre 43 années pour ceux qui avaient commencé un an plus tard. En l’état actuel des annonces du gouvernement, ils devront donc aussi cotiser 43 ans, à condition d’avoir validé 5 trimestres avant la fin de l’année civile de leur 21ème anniversaire. Une mesure chiffrée par Élisabeth Borne à 600 millions d’euros au début de l’application de la réforme, qui montera progressivement en charge à 1 milliard d’euros, pour 30 000 bénéficiaires.

Plus de 2 milliards de dépenses ajoutés à la réforme des retraites par LR

Pour cotiser « un trimestre », il faut avoir cotisé au moins 150 fois le montant du SMIC horaire, sachant que l’on ne peut pas cotiser plus de quatre trimestres par an. Aurélien Pradié aurait d’après le JDD déposé un amendement pour que tous ceux qui ont cotisé un trimestre avant leur 21ème anniversaire puissent partir à taux plein au bout de 43 annuités cotisées, sans considération d’âge légal. Le député du Lot a par ailleurs dénoncé sur Twitter « une tromperie qui ne respecte ni les Républicains ni les Français. » Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, a réagi sur publicsenat.fr : « Aujourd’hui, je ne sais pas si certains visent l’amélioration ou la démolition [de la réforme]. »

La position d’Aurélien Pradié a donc du mal à convaincre dans son propre camp, et semble loin d’enchanter l’exécutif. Dans la même interview donnée au JDD, Élisabeth Borne lui répond : « Je ne sais pas s’il a mesuré toutes les conséquences de son amendement… mais il coûte 10 milliards d’euros. » La Première ministre explique en effet, que dans ce cas, « tous ceux qui ont fait un job d‘été avant leurs 21 ans […] partiraient avant l’âge légal. D’où le coût », ajoute-t-elle. Au total, de plus de deux milliards d’euros lâchés à LR avec l’extension de la revalorisation du minimum contributif aux retraités actuels et l’extension du dispositif « carrières longues » à ceux ayant commencé à cotiser avant 21 ans, l’exécutif passerait donc à plus de 12 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en appliquant la proposition d’Aurélien Pradié… soit un peu moins du déficit du régime des retraites anticipé pour 2030 (13,5 milliards d'euros), que cette réforme vise à combler.

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