Rapport du Défenseur des droits : Toubon pointe le traitement des étrangers en France

Rapport du Défenseur des droits : Toubon pointe le traitement des étrangers en France

Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, est de plus en plus sollicité, selon le rapport annuel de son autorité administrative indépendante. Le traitement des étrangers en France est pointé du doigt, alors que la loi immigration du gouvernement est en cours d’examen.
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C’est un instantané des maux de la société. Le rapport d’activité de l’année 2017 du Défenseur des droits montre une hausse de 7,8% en un an des réclamations et de 17,3% depuis 2015. Au total, ce sont 140.000 demandes d'intervention, près de 94.000 dossiers de réclamations et quelque 51.000 appels aux plateformes de conseil.

Jacques Toubon, Défenseurs des droits depuis 2014, et dont la nomination avait fait débat, a depuis totalement occupé la fonction. Son autorité administration indépendante touche à de nombreux sujets : « Replis identitaires, relégations sociales, culturelles et économiques, discriminations (qui) continuent » a-t-il énuméré ce matin sur France Inter. Le rapport d’activité pointe des sujets très divers.

Étrangers : « En 2017, la France a enfermé 275 enfants dont de nombreux nourrissons »

Le traitement des étrangers en France interpelle largement l’autorité. « Le Défenseur des droits reste encore très préoccupé par les conditions de vie des exilés à Calais et par les « traitements inhumains ou dégradants » qu’ils subissent » peut-on lire. « En ce qui concerne les enfants étrangers, le Défenseur des droits s’est fortement mobilisé contre l’enfermement d’enfants en centres de rétention administrative. En 2017, la France a enfermé, pour la seule métropole, 275 enfants dont de nombreux nourrissons » souligne le rapport.

Autre point, qui avait déjà fait polémique, concernant les mineurs étrangers non-accompagnés : « Le Défenseur des droits a confirmé son opposition aux examens d’âge osseux qu’il estime inadaptés, inefficaces et indignes ».

L’accès aux services publics pour les étrangers, en particuliers non-communautaires, est également jugé sévèrement par le rapport du Défenseur des droits : « La logique de suspicion qui alimente de nombreuses pratiques, notamment de guichet, s’ajoute aux interprétations restrictives du droit applicable, qui résulte lui-même de textes restrictifs, et vient décupler les effets de l’inhospitalité de services publics qui sont souvent saturés ».

Ce matin, lors de son audition en commission à l’Assemblée, la remarque d’un député LREM qui a jugé « caricaturale » la position de Jacques Toubon sur le projet de loi immigration du gouvernement, a vertement énervé le Défenseur des droits. « Il n'y a pas de caricature à proclamer les droits fondamentaux ! Si les droits fondamentaux sont caricaturaux, à ce moment-là il y a un problème » a répliqué Jacques Toubon, avant d’ajouter quelques instants après : « Les droits fondamentaux, ça n'est pas dans l'éther. Les droits fondamentaux c'est sur les trottoirs du boulevard de la Villette ! ».

Des propos salués par la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie et la présidence du groupe communiste du Sénat, Eliane Assassi :

Des services publics en recul à l’ère du numérique

Le numérique est souvent présenté comme une avancée. Une évidence et un progrès. Pour l’État, c’est aussi une source d’économie. Pour les administrés, il peut être source de difficulté et, pointe le rapport, du recul des services publics. « Le recul de l’accueil dans les services publics à l’ère de la dématérialisation est une énorme difficulté pour le public et particulièrement pour les personnes âgées, précaires, en situation de handicap ou étrangères. La confiance, qui est un élément essentiel de la relation entre les usagers et les administrations, s’est dégradée du fait de procédures administratives de plus en plus dématérialisées et complexes » souligne l’autorité, qui remarque « la réduction de l’accueil des usagers et la difficulté d’obtenir des informations par téléphone avec un renvoi automatisé quasi systématique ».

« Il est nécessaire de conserver des lieux d’accueil physique sur l’ensemble du territoire et de veiller, à chaque fois qu’une procédure est dématérialisée, à ce qu’une voie alternative - papier, téléphonique ou humaine - soit toujours proposée en parallèle » préconise le rapport.

« On voit le service public se réduire, par exemple sur les caisses de protection sociale. Accueil, orientation et renseignement sont de plus en plus renvoyés à des sites internet » a ajouté ce matin Jacques Toubon, auditionné par les députés. « La dématérialisation et la numérisation sont la traduction de ce désengagement (de l’État), qui présente des inconvénients sur le plan social et heurte une mentalité sur le plan national » souligne-t-il.

Police : « Les jeunes perçus comme noirs, arabes ou maghrébins déclarent à 80% avoir été contrôlés au moins une fois »

On le sait. Mais le Défenseur des droits le rappelle : un jeune noir ou arabe aura en moyenne beaucoup plus de chance de connaître un contrôle de police. « La grande majorité de la population déclare ne jamais avoir été contrôlée (84%) » explique l’autorité indépendante, qui ajoute : « Les contrôles seraient principalement subis par les jeunes (40%) et particulièrement les jeunes perçus comme noirs, arabes ou maghrébins qui déclarent à 80% avoir été contrôlés au moins une fois par les forces de l’ordre ».

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