Raz-de-marée En Marche à l’Assemblée : quels contre-pouvoirs pour l’opposition?

Raz-de-marée En Marche à l’Assemblée : quels contre-pouvoirs pour l’opposition?

D’après les projections des instituts de sondage, La République en marche remporterait plus de 400 sièges au Palais Bourbon à l’issue du second tour des législatives, qui se tiendra dimanche. De quoi assurer à l’exécutif une majorité absolue, au détriment de l’opposition. Cela pourrait-il perturber le fonctionnement de l’Assemblée et compliquer l’exercice de certains contre-pouvoirs ?
Public Sénat

Par Alice Bardo

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« Au lendemain de l’élection présidentielle, on se demandait si Emmanuel Macron allait avoir une majorité. Aujourd’hui on se demande s’il va y avoir une opposition », résume Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public à l’université Lille II. Et d’ajouter : « Il y en aura une mais elle sera sûrement réduite à peau de chagrin ». Selon lui, La France insoumise aura des élus, le Front national disposera au moins d’un siège et « quelques élus socialistes ne soutiendront pas systématiquement le gouvernement, voire seront dans une opposition régulière ». Idem pour Les Républicains.

« Ils vont devoir travailler davantage »

Mais ce n’est pas le nombre qui fait le rôle. Autrement dit, peu importe combien de députés seront dans l’opposition, « ils disposeront des droits attribués par le règlement de l’Assemblée » quoi qu’il en soit, précise le constitutionnaliste. L’opposition peut notamment poser la moitié des questions d’actualité au gouvernement, avoir un droit de tirage pour les commissions d’enquête, disposer de la moitié du temps de parole lors des principaux débats, fixer l’ordre du jour d’une séance par mois ou encore présider certaines instances telle la commission des finances. « Mais elle va manquer d’hommes et de femmes pour exercer ces droits (…) Donc ils vont devoir travailler davantage », prévient-il.

Au-delà, l’exercice de certains contre-pouvoirs pourrait être vain, à commencer par celui de la motion de censure, moyen de contrôle exercé sur le gouvernement qui doit être déposée à minima par 58 députés et adoptée à la majorité absolue. Mais là encore, cela ne changera pas des autres législatures puisqu’une seule motion de censure a abouti dans l’histoire de la Ve République. Pour exemple, sous le précédent quinquennat, communistes et frondeurs n’avaient pas réussi à atteindre le seuil des députés nécessaire pour en déposer une contre la loi Travail.

La motion de censure, un « ultime recours »

Jean-Philippe Derosier rappelle qu’il s’agit de toute façon d’un « ultime recours » et que les questions d’actualité, la création d’une commission d’enquête ou encore la mise en minorité de certains projets de loi sont également d’efficaces contre-pouvoirs. Et surtout, leur exercice ne sera pas impacté par un nombre réduit de députés de l’opposition.

Deux autres pouvoirs octroyés aux parlementaires pourraient être menacés par un raz-de-marée de La République en marche à l’Assemblée, dont la possibilité pour 60 députés de saisir le Conseil constitutionnel afin qu’il se prononce sur la conformité des lois à la Constitution. Une initiative qui peut contraindre le gouvernement à revenir sur certains points qui font débat. Dans l’hypothèse où REM aurait près de 400 députés au Palais Bourbon, le seuil de 60 députés serait particulièrement difficile à franchir.

Enfin, depuis 2015, 185 députés peuvent proposer d’organiser un référendum. Mais à l’issue du second tour des législatives, il est peu probable qu’un groupe d’opposition dispose d’autant de membres, et une initiative commune aux Insoumis et aux socialistes, ou entre le FN et le PS est inenvisageable.

Pour Jean-Philippe Derosier, il ne faut toutefois pas exclure la possibilité que les rangs de l’opposition s’étoffent au cours des cinq ans à venir : « Peut-être qu’au fil du quinquennat les députés de l’opposition seront rejoints du fait d’une explosion ou d’une dissidence au sein de cette majorité très large mais néanmoins hétéroclite, hétérogène. »

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