Réécriture de l’article 24 par une commission indépendante : « Qu’on nous laisse faire notre boulot ! » demande le Sénat

Réécriture de l’article 24 par une commission indépendante : « Qu’on nous laisse faire notre boulot ! » demande le Sénat

L’annonce par Jean Castex de la réécriture de l’article 24 de la loi « Sécurité globale » par une commission indépendante a passablement agacé les sénateurs. Ils rappellent au gouvernement que « la navette parlementaire est en cours et que la liberté d’appréciation du Sénat est totale ». Gérard Larcher appelle le Premier ministre à renoncer.
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« Je ne vais pas me plaindre. Je dis depuis plusieurs jours que ce texte devait être réécrit et le Premier ministre en convient finalement ». Le sénateur LR membre de la commission des lois, Philippe Bas se veut pragmatique en apprenant la création prochaine de « la commission Burguburu », chargée par le Premier ministre du très controversé article 24 de la proposition de loi « Sécurité globale ».

Deux jours après le vote du texte par l’Assemblée nationale, le Premier ministre a annoncé lors d’une réunion avec les représentants de syndicats d’éditeurs de presse et de collectifs de journalistes, qu’une « commission indépendante » présidée par Jean-Marie Burguburu, président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) » sera « chargée de proposer une nouvelle écriture ».

Cette semaine marquée par la diffusion de deux vidéos choquantes de violences policières présumées aura eu raison de la détermination de l’exécutif, jusqu’alors arc-bouté sur le bien-fondé de cet article qui prévoit la pénalisation de la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention, lorsque celle-ci a pour but de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique ».

« C’est une procédure extraterrestre »

La forme de ce recul fait néanmoins désordre. « Du grand n’importe quoi, c’est une procédure extraterrestre, on n’a jamais vu ça en pleine navette parlementaire. Si le texte était mal ficelé, il fallait peut-être s’en rendre compte avant de le déposer au Parlement s’agace la vice-présidente centriste, Nathalie Goulet. Effectivement, s’il n’est pas rare pour un gouvernement de s’appuyer sur une commission d’experts dans la rédaction d’un texte de loi, il est beaucoup plus  rare d’y recourir une fois le texte voté par l’une des deux chambres. « L’inconvénient de ce texte c’est que c’est une proposition de loi, il n’y a pas eu d’étude d’impact, ni d’avis du conseil d’Etat qui aurait mis en évidence son écriture juridique très incertaine » relève Marc-Philippe Daubresse, le rapporteur LR du texte au Sénat qui tient à préciser : « Il n’y a rien de démocratique dans une commission d’experts. On n’en a pas besoin. Le Sénat est reconnu pour savoir trouver un équilibre entre libertés individuelles et respect de l’autorité. Qu’on nous laisse faire notre boulot ! »

La commission des lois plutôt qu’une commission indépendante

Pour la sénatrice socialiste, Marie Pierre de la Gontrie, « à ce stade de l’examen du texte », c’est à la commission des lois du Sénat, et non à une commission indépendante, de faire une réécriture de l’article 24.


« Le parlement de plus en plus méprisé par le gouvernement. C’est à la représentation nationale qu’il revient de débattre et d’écrire la loi, pas à une commission ! » tweete de son côté la présidente du groupe communiste au Sénat Éliane Assassi.


D’autant plus que, comme le révèle, Marc-Philippe Daubresse, la commission des lois du Sénat a déjà commencé ses auditions et comptait d’ailleurs entendre Jean-Marie Burguburu. « Ça révèle une grande cacophonie. La proposition de loi sécurité globale ne sera pas examinée au Sénat avant février, voir mars. Et en plus, il pourrait être télescopé par le projet de loi séparatisme qui comporte des dispositions connexes (sur les images des forces de l’ordre).

« Le plus grand mépris pour le travail du Parlement »

Si certains à la Haute assemblée, comme le président du groupe PS, Patrick Kanner, voit dans la mise en place de « la commission Burguburu », « le plus grand mépris pour le travail du Parlement », d’autres préfèrent rester philosophes. « Je ne vais pas refuser au gouvernement d’utiliser des moyens pour sauver la face. Mais la navette parlementaire est en cours et la liberté d’appréciation du Sénat est totale » prévient-il. Même sentiment du côté du président LR de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet. « Le Sénat est saisi, la commission des lois va faire son travail et va réécrire l’article 24 avec deux objectifs : le respect de la liberté de la presse, et la sanction de l’usage détourné de l’image d’agents publics dans l’exercice de leurs fonctions ».

 

Gérard Larcher demande à Jean Castex de renoncer

Dans un communiqué, Gérard Larcher  demande au Premier ministre de renoncer à sa décision. « C’est au Parlement, dans le cadre d’un débat démocratique et public, de rédiger ou réécrire les textes de loi. Ce rôle ne revient pas à une commission ou un comité d’experts de plus qui n’a aucune légitimité démocratique (...) Si le Premier ministre persistait, le Président du Sénat considérerait les travaux de cette commission comme nuls et non avenus » prévient-il. « Comme pour tous les textes dont elle est saisie, la commission des lois entend mener sa réflexion en toute liberté, et ne se sentira nullement tenue par une solution « prête à l’emploi » qu’on chercherait ainsi à lui imposer » complète François-Noël Buffet dans un communiqué publié à la mi-journée.

 

Suite à la diffusion en cascade, ces derniers jours, de violences policières présumées, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sera auditionné lundi à ce sujet par la commission des Lois de l’Assemblée nationale. Ce ne sera pas le cas « dans l’immédiat » au Sénat indique François-Noël Buffet. « On va attendre les résultats des enquêtes administratives et ajuster en fonction ».

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