Réforme de l’assurance chômage : « Il faut tout remettre à plat », conseille la sénatrice Puissat (LR)

Réforme de l’assurance chômage : « Il faut tout remettre à plat », conseille la sénatrice Puissat (LR)

Le désaveu du Conseil d’Etat sur l’un des points majeurs de la réforme de l’assurance chômage décidée en juillet 2019 doit être l’occasion de revenir à une véritable concertation, estime une sénatrice de droite spécialiste de ces questions. Sa collègue Monique Lubin (PS) appelle au retrait total.
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C’est un nouveau revers pour le gouvernement dans la tortueuse route de la réforme de l’assurance chômage, qui n’avait pas obtenu le soutien des partenaires sociaux, avant d’être reportée à plusieurs reprises en raison de la crise sanitaire. Le Conseil d’Etat a annulé le 25 novembre deux dispositions très contestées du décret publié en juillet 2019, du temps de l’ancienne ministre du Travail Muriel Pénicaud. Le premier tient à une raison de forme. Très contestée par les organisations patronales, l’instauration d’un bonus-malus sur les cotisations d’assurance-chômage payées par les employeurs dans des secteurs très gourmands en CDD (restauration, transports ou encore plasturgie) a été annulée par la plus haute juridiction administrative car elle estimait que le dispositif renvoyait à un arrêté. Il aurait fallu un décret.

Le deuxième couperet est plus retentissant : il tient cette fois sur le fond. Ce sont les nouvelles modalités de calcul de l’allocation qui posent problème pour le Conseil d’Etat, celles que dénonçaient déjà les syndicats. Il estime que la nouvelle disposition « porte atteinte » au principe d’égalité entre allocataires. Dans la réforme, il s’agit de calculer le salaire journalier de référence (paramètre servant de base au calcul des allocations mensuelles), non plus sur le total des salaires divisé par les jours travaillés sur les 24 derniers mois, mais sur l’ensemble des jours calendaires. Y compris ceux qui n’ont pas été travaillés. Pour le gouvernement, il s’agissait d’inciter à la reprise d’emplois stables plutôt qu’à l’enchaînement de contrats fractionnés.

Le montant peut « varier du simple au quadruple »

Un tel changement des règles aurait été moins favorable aux « permittents », des travailleurs précaires qui alternent période de travail courte et période de chômage. Selon le Conseil d’Etat, le montant du salaire journalier de référence aurait pu donc « pour un même nombre d’heures de travail, varier du simple au quadruple », ce qui aurait entraîné « une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt général poursuivi ».

Dans un communiqué, le ministère du Travail a rappelé que l’application des dernières mesures de la réforme restait de toute façon reportée. Le nouveau calcul de l’indemnisation aurait dû entrer en vigueur au 1er avril 2020. Avant d’être successivement différé au 1er septembre, puis au 1er janvier 2021, et enfin au 1er avril 2021.

« Cela remet en cause l’équilibre financier recherché à travers cette réforme »

Au Sénat, certains estiment que la décision du Conseil d’Etat était courue d’avance. « Je me suis dit que c’était un nouvel avatar d’un décret qui, de toute façon, n’a été ni concerté et peut-être mal préparé », témoigne Frédérique Puissat (LR). La sénatrice de l’Isère suit de très près les réformes liées au travail et aux règles de l’indemnisation du chômage. Elle avait été l’une des rapporteures de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel en 2018. Elle rappelle que la mesure qui a été annulée par le Conseil d’Etat n’est pas une mesure parmi d’autres dans la réforme prise dans sa globalité. « C’est quand même ce qui constitue le cœur de la réforme. Et ça remet en cause, même le gouvernement s’en défend, l’équilibre financier recherché à travers cette réforme », estime-t-elle.

Pour sortir de l’impasse, et même si le gouvernement compte sur les partenaires sociaux pour faire émerger des solutions après la décision du juge et tenir compte de la crise économique, Frédérique Puissat préconise les grands moyens. « Il faut vraiment tout remettre à plat […] Si cette réforme n’est pas revue sur le fond avec les partenaires sociaux, ce sera une réforme qui accouchera dans la douleur et créera un certain nombre de difficultés. »

Une genèse difficile, c’est aussi l’histoire du décret de l’été 2019. Le gouvernement a repris la main après l’échec des partenaires sociaux six mois auparavant (relire notre article). L’échec s’expliquait surtout, selon les partenaires sociaux, par les contours trop stricts de la négociation, notamment budgétaires, fixés dans la lettre de cadrage du gouvernement. « Il est urgent que le gouvernement se remettre à discuter de sorte que les partenaires sociaux trouvent un accord. Ils se sont déjà entendus dans le passé, le désaccord c’est l’exception », rappelle Frédérique Puissat.

« C’est une réforme particulièrement injuste qui pénalise fortement les demandeurs d’emploi »

Au groupe socialiste du Sénat, la décision du Conseil d’Etat sonne comme une victoire. « Il conforte ce que nous disions depuis le débt ! C’est une réforme particulièrement injuste qui pénalise fortement les demandeurs d’emploi. Les nouvelles modalités de calcul font que le montant des indemnités était forcément revu à la baisse », réagit la sénatrice PS des Landes, Monique Lubin. Elle et ses collègues « continuent à demander le retrait de sa réforme dans sa globalité ». La sénatrice estime aussi que l’exécutif paye aujourd’hui le prix de sa méthode. « C’est aussi un retour de bâton sur le fait que le gouvernement est passé en force en force sur sa réforme. »

Même si la sénatrice a senti un « frémissement » lors de l’audition de la ministre du Travail Élisabeth Borne la semaine passée, au sujet d’une meilleure prise en compte des personnes en situation précaire, Monique Lubin doute que l’heure soit aux concessions. « Quand j’entends Bruno Le Maire [le ministre de l’Economie, ndlr] expliquer qu’il faudra bien payer les conséquences financières de cette crise, on voit que le gouvernement n’a pas envie de calmer le jeu. »

Se posant en défenseuse du paritarisme, Monique Lubin estime que le gouvernement a pris trop de place dans ces discussions. « En matière de réforme de l’assurance chômage, il faut redonner la place aux partenaires sociaux », préconise-t-elle. Frédérique Puissat y ajoute la place du Parlement. « On demande depuis toujours à ce que les parlementaires soient davantage autour de la table. On s’aperçoit que sur cette réforme, il y a un impact sur la participation de l’Unedic à Pôle Emploi et les financements de ce dernier relèvent du Parlement », souligne-t-elle.

Dans l’état actuel des discussions, le gouvernement a proposé quelques ajustements. Il s’est dit favorable au report d’un an supplémentaire de l’entrée en vigueur du bonus-malus. Et il pourrait revenir sur le passage de quatre à six mois de travail pour l’ouverture de droits, mais seulement pour les moins de 26 ans. Quant au seuil de rechargement des droits, il pourrait passer à quatre mois (au lieu des six prévus dans la réforme). La dégressivité des droits pour les plus hauts salaires pourrait également intervenir à un stade moins précoce de la période d’allocation. Les aménagements sont jugés insuffisants pour les syndicats, qui se retrouveront début décembre.

Selon l’Unedic, avec la réforme de l’assurance chômage prise dans sa globalité, 840 000 nouveaux entrants toucheraient une allocation plus faible qu’avec les règles actuelles. La baisse serait en moyenne de 24 % (de 902 à 689 euros net par mois).

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