Réforme de la Constitution : ça avance entre Macron et le Sénat

Réforme de la Constitution : ça avance entre Macron et le Sénat

La réforme de la Constitution voulue par Emmanuel Macron sur la réduction du nombre de parlementaires nécessite que le Sénat soit d’accord. Les échanges entre le Président et Gérard Larcher sont bons. Reste une ligne rouge pour les sénateurs sur le non-cumul dans le temps. Place maintenant « à la négo ».
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Où on est la réforme constitutionnelle d’Emmanuel Macron ? Semble-t-il mieux qu’on ne pouvait le croire après les sénatoriales. Après le scrutin, la droite sénatoriale, du moins le président du groupe LR, Bruno Retailleau, ne semblait pas vraiment disposé à faire de cadeau politique au Président. « Pas de chèque en blanc » ni « blanc-seing », avait-il prévenu. Sans parler d’une majorité des 3/5 qui semblait difficile à atteindre. Mais depuis, Emmanuel Macron et Gérard Larcher se sont rencontrés, un samedi soir. Un dîner qui s’est visiblement bien passé.

Larcher : « Nous pouvons nous comprendre sur un certain nombre de points »

« Nous nous sommes dit qu’il fallait qu’on trouve des points de convergence, et moi j’y suis ouvert. (…) Le dialogue est ouvert avec le président de la République et l’Assemblée nationale » a assuré jeudi Gérard Larcher dans l’émission l’Epreuve de vérité, sur Public Sénat (avec l’AFP/Les Echos/Radio Classique). « C’était un échange positif qui nous permettait d’avancer » a ajouté le président LR du Sénat, « pas campé dans (son) coin ». Il ajoute : « Nous pouvons nous comprendre sur un certain nombre de points. J’espère que nous irons au bout ». N’en jetez plus…

Réforme constitutionnelle : Larcher évoque un « échange positif » avec Macron
03:20

Les discussions avancent sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature comme sur la réduction du nombre de parlementaires – mesure que proposait aussi François Fillon pendant la campagne. Mais sur ce point, « ce n’est pas stricto sensu quelque chose qui relève de la Constitution », relève Gérard  Larcher. « Ce qui relève de la Constitution, c’est le rôle du Sénat dans la représentation des territoires, et notamment pour sortir de l’étau du seul critère démographique. (…) Avoir deux chambres, ce n’est pas avoir des chambres qui automatiquement se ressemblent, y compris dans la nature de la représentation. (…) Voilà des points sur lequel nous pouvons nous retrouver ». La réduction du nombre de parlementaires peut en effet passer par l’adoption d’une loi organique relative au Sénat. Elle doit quand même être adoptée dans les mêmes termes par les députés et les sénateurs.

« La ligne rouge, ça fait partie de la négo. Ça dépend de ce que vous proposez en face »

Si les choses avancent, il reste des points durs. A commencer par le non-cumul dans le temps, principale ligne rouge pour les sénateurs. « C’est non » prévient Gérard Larcher. Mais pour l’exécutif, il ne sera pas possible de revenir sur cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron, confirmée lors de l’annonce du projet de loi sur la confiance dans la vie publique.

Le blocage va-t-il perdurer ? « La ligne rouge, ça fait partie de la négo. Ça dépend de ce que vous proposez en face » glisse un parlementaire LREM. « Il peut y avoir une carotte » ajoute un responsable du parti présidentiel, qui pense au décalage d’un an des prochains scrutins locaux, de 2020 à 2021, et donc des prochaines sénatoriales. Et un bâton ? Ce serait la menace d’utiliser le référendum. « L’arme nucléaire ». Une réforme de la Constitution peut être adoptée soit par un vote du Parlement à la majorité des 3/5 des votes exprimés, lors d’un Congrès, soit par référendum. Emmanuel Macron avait avancé cette possibilité, lors de son discours à Versailles, en juillet. « Il faudrait que les sénateurs assument de bloquer une mesure populaire. Si vous posez une question simple sur le non-cumul dans le temps et la baisse du nombre de parlementaire, vous pouvez gagner facilement » pense un membre du gouvernement. Mais le même tempère : « En général, utiliser l’arme nucléaire, c’est risqué. L’objectif est de discuter » assure-t-il. « Les sénateurs sont prêts à se réformer » croit une responsable d’En Marche, « le risque pour eux, c’est d’avoir une image de conservateurs. Ils ont intérêt à accepter ».

Exception pour les maires des petites communes sur le non-cumul dans le temps ?

Si l’exécutif ne lâchera certainement pas sur le non-cumul dans le temps pour les parlementaires, un terrain de discussion pourrait-il exister pour les communes ? Il pourrait y avoir un seuil d’habitants en dessous duquel les maires ne seraient pas concernés par la règle. Pour l’instant, c’est niet, chez Gérard Larcher. Aux yeux du président du Sénat, « ce sont les électeurs qui décident de la fin du mandat, pas la loi » explique son entourage. Reste à voir s’il évoluera dans les semaines et mois à venir.

L’idée n’est en revanche pas écartée par la présidente LREM de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Yäel Braun-Pivet. « Il faut y réfléchir » dit-elle à publicsenat.fr. « La limitation du cumul dans le temps correspond à une vraie attente, un vrai besoin d’oxygénation de la classe politique. Il faut aussi entendre que dans certaines petites communes, les élus qui veulent se dévouer ne sont pas pléthores. C’est une charge lourde, c’est beaucoup de responsabilités et de dévouement. Il faut aussi entendre cette argumentation. Il faudra imaginer comment articuler ces deux volets » affirme Yäel Braun-Pivet, tout en soulignant qu’« on ne pourra plus continuer comme avant. On voit bien que le non-cumul des fonctions a beaucoup d’effets positifs ». Mais avant de se prononcer, la présidente de la commission des lois de l’Assemblée souhaite disposer de données précises. « Si cette difficulté existe, à quel seuil se situe-t-elle ? Je n’ai aucun élément de réponse, il faut expertiser. Il faut vraiment que ça correspondre à une réalité ».

Yaël Braun-Pivet entretient par ailleurs de très bonnes relations avec son homologue de la commission des lois du Sénat, le sénateur LR Philippe Bas. De quoi rajouter un peu d’huile dans les rouages entre les deux assemblées. « On a établi une relation de confiance et de dialogue très respectueux l’un envers l’autre. J’ai beaucoup d’estime pour lui, pour son parcours » lance Yaël Braun-Pivet. Elle ajoute : « En l’espace de quelques mois, on a construit une relation sur laquelle on pourra s’appuyer pour aboutir à des convergences sur la réforme constitutionnelle ».

Les sénateurs veulent que les départements ruraux restent représentés

Autre sujet sensible pour les sénateurs : leur mode d’élection et la représentation des territoires. Ils ne veulent pas que la réduction du nombre de parlementaires se fasse au détriment des départements ruraux les moins peuplés. Le seul critère démographique ne peut à lui seul déterminer la nouvelle carte électorale, aux yeux des sénateurs. Il faudrait au minimum que chaque département conserve au moins un sénateur, comme c’est le cas actuellement pour les départements les moins peuplés.

Or selon une décision de février 1995 du Conseil constitutionnel, « la répartition des sièges doit respecter un principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque collectivité locale ». Sera-t-il possible de conserver au moins un sénateur par département, tout en assurant la représentativité des plus peuplés, si on réduit le nombre de sièges d’un tiers par exemple ? Selon les Sages, une exception est possible lorsque le législateur souhaite « tenir compte d’impératifs d’intérêt général », mais seulement « dans une mesure limitée ». Une autre décision du Conseil de décembre 2010 considère qu’au-delà de 20%, l’écart à la moyenne est excessif. Pour Gérard Larcher, cet écart maxi de 20 % pourrait ne pas être suffisant. Voilà un beau sujet de discussion. Maintenant, « la négociation commence ».

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