Réforme de la Constitution : trois hommes et un projet

Réforme de la Constitution : trois hommes et un projet

Emmanuel Macron et reçu Gérard Larcher et François de Rugy à l’Elysée jeudi soir. Une réunion qui a permis de prendre le pouls de chacun sur le projet de révision constitutionnelle, voulu par le chef de l’Etat. Un accord avec le président LR du Sénat est indispensable s’il veut faire adopter sa réforme par le Parlement.
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Ils sont amenés à se revoir. Emmanuel Macron a reçu mercredi soir à l’Elysée Gérard Larcher et François de Rugy. Le chef de l’Etat et les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale étaient accompagnés de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, et de Gérard Collomb, son homologue de l’Intérieur. Au menu de la réunion, la réforme constitutionnelle et institutionnelle.

Depuis que le président de la République a lancé ce chantier, en juillet dernier, devant le Congrès réuni à Versailles, Emmanuel Macron avait déjà reçu les deux présidents des assemblées sur le sujet. C’était en revanche la première fois que les trois se retrouvaient pour échanger sur ce projet.

Feuille de route

Emmanuel Macron a fixé sa feuille de route : réduction du nombre de parlementaires, dose de proportionnelle pour les députés, non-cumul dans le temps avec limitation à trois mandats, travail législatif accéléré. Mais aussi la suppression de la Cour de justice de la République, la réforme du parquet et du Conseil supérieur de la magistrature. Certains sujets nécessitent une réforme de la Constitution, comme le non-cumul, d’autres pas, comme la réduction du nombre de parlementaires ou la proportionnelle, pour lesquelles un projet de loi organique suffit. Des options préférées par Gérard Larcher, attaché à ce qu’on modifie avec parcimonie la Constitution.

Lorsqu’il s’agit de toucher à la loi fondamentale, Assemblée et Sénat sont, une fois n’est pas coutume, sur un pied d’égalité. Le texte doit être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées parlementaires. Puis il doit être adopté par une majorité des 3/5 des suffrages exprimés du Parlement réuni en Congrès, soit l’ensemble des députés et sénateurs. Sans accord avec Gérard Larcher, Emmanuel Macron ne pourra pas aller jusqu’au bout de sa réforme. A moins qu’il recourt à l’« arme nucléaire », c'est-à-dire le référendum, pour modifier la Constitution. Autre option plus risquée, mais que le chef de l’Etat est prêt à utiliser.

Tour de table

Hier soir, à l’Elysée, l’heure n’était pas (encore) à la négociation. « C’était plus un tour de table, une prise de pouls collective » explique-t-on de source parlementaire. Chacun a pu rappeler ses positions, déjà connues. Et constater les points d’accord et de désaccord. La semaine dernière, les groupes de travail lancés par François de Rugy ont présenté leurs conclusions, que le président de l’Assemblée doit encore prioriser. Le groupe de travail du Sénat, qui a commencé ses travaux après, pour cause de sénatoriales, doit conclure le 24 janvier, comme publicsenat.fr l’écrivait la semaine dernière.

« On rentrera dans le dur à la rentrée, après les fêtes de fin d’année » explique un connaisseur du dossier. Un processus de négociation se mettra en place, permettant d’aboutir… ou pas. On verra dans quelle mesure les lignes peuvent bouger de part et d’autre.

L’exécutif veut terminer sa réforme d’ici juillet 2018. Avant que le (ou les) projet de loi soit présenté en Conseil des ministres, il devra au préalable passer devant le Conseil d’Etat, peut-être en février, pour tenir le calendrier. Le temps est contraint. Mais les sénateurs n’entendent pas se laisser trop imposer le tempo pour autant. Manière aussi de se faire respecter.

Y aura-t-il un accord sur le non-cumul dans le temps ?

La majorité des questions ne posent pas de problème. En octobre, Gérard Larcher avait même exprimé sa volonté d’arriver au bout. Reste des points durs, des lignes rouges pour les sénateurs : le non-cumul dans le temps et la bonne représentation des territoires, surtout ruraux, en dépit de la baisse du nombre de parlementaires (voir notre article pour plus de détail sur ce sujet). Sur le premier point, Emmanuel Macron a souligné, lors du congrès des maires de France, que les maires des communes de moins de 3.500 habitants en seront exclus. Les sénateurs soulignent justement la difficulté de trouver des candidats aux postes de premier édile dans les petites communes. Mais jusqu’ici, Gérard Larcher refuse le principe même du non-cumul dans le temps, y compris pour les parlementaires. Autre divergence, sûrement moins insurmontable : alors que les députés proposent de faire de la procédure d’urgence (une seule lecture par chambre au lieu de deux) la norme, beaucoup de sénateurs y sont opposés. Dans les faits, le gouvernement décrète déjà sur beaucoup de textes l’urgence afin de réduire le délai de la procédure législative.

Quand le groupe de travail du Sénat livrera ses propositions, les deux présidents Larcher et de Rugy devraient pouvoir échanger et faire à nouveau le point. On verra alors quelles sont les propositions communes aux deux chambres. Quant aux points durs, il est encore trop tôt pour dire. Un parlementaire LREM s’interroge sur les réelles intentions de Gérard Larcher : « Dans quelle mesure dit-il qu’il veut trouver un accord, pour en réalité avoir envie, au bout du compte, de clasher et dire que ce n’est pas possible ? » Réponse début 2018.

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