Réforme de la police judiciaire : « Nous serons prêts pour décembre 2023 », promet Gérald Darmanin

Réforme de la police judiciaire : « Nous serons prêts pour décembre 2023 », promet Gérald Darmanin

La mission d’information de la commission des lois du Sénat sur la réforme de la police judiciaire auditionnait, ce mardi, Gérald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur a précisé le calendrier de la réforme qu’il estime être « modifiée et enrichie » suite à, la prise en compte de différents rapports.
Simon Barbarit

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Après le rapport de l’inspection générale de l’administration, le rapport de l’inspection générale de la justice, le rapport de l’inspection générale de la Police nationale (IGPN) le rapport de l’Assemblée nationale, et celui de la commission des finances du Sénat, la commission des lois de la Haute assemblée se prononcera en dernier sur la réforme de la police judiciaire. Elle rendra son rapport début mars.

« C’est la réforme de la police nationale et pas simplement la réforme de la police judiciaire »

En attendant, les élus auditionnaient le ministre de l’Intérieur sur ce projet de réforme censé mettre fin au « fonctionnement en silo » de certains services de police. Lancée il y a plusieurs mois, elle avait reçu une salve de critiques de la part des syndicats de police et de magistrats.

« La réforme a été modifiée et enrichie », a assuré Gérald Darmanin tout en répétant à plusieurs reprises que c’était « la réforme de la police nationale et pas simplement la réforme de la police judiciaire ».

Pour mémoire, la réforme va créer quatre filières de métiers : les « filières » sécurité et paix publiques, renseignement territorial, police judiciaire et frontières et immigration irrégulière. Autre nouveauté, les directions centrales seraient remplacées par des directions nationales, qui n’auraient plus d’autorité hiérarchique sur les directions territoriales et les personnels déconcentrés. La direction nationale s’occuperait donc du pilotage stratégique, alors qu’un directeur départemental de la police nationale (DDPN) chapeauterait les quatre filières de chaque département, sous l’autorité du préfet.

Les services de PJ actuels dépendraient d’un directeur local de la PJ, placé sous l’autorité du DDPN, lui-même placé sous l’autorité du préfet. Une chaîne de commandement qui avait inquiété Conseil supérieur de la magistrature craignant une menace sur « l’indépendance de l’autorité judiciaire ». En effet, conformément à l’article 12 du Code de procédure pénale, la police judiciaire est exercée sous l’autorité des magistrats, procureurs et juges d’instruction, un principe à valeur constitutionnel.

« L’évaluation de ces futures directions départementales de la police nationale se fera à la fois par le préfet, le directeur départemental de la police nationale, mais aussi par le procureur de la République. Ça permet de montrer qu’il n’y a aucun problème notamment sur ce fameux article 12 », a assuré le ministre en s’appuyant sur une recommandation du rapport de l’inspection générale de la justice.

« Ne rien faire serait laisser continuer des taux d’élucidation qui ne seraient pas au rendez-vous »

Un autre sujet inquiétait les magistrats, celui concernant les affaires de probité, comme le trafic d’influence ou la corruption de personnalités ou d’élus. De telles enquêtes désormais chapeautées par un DDPN en lien avec le préfet pouvaient laisser planer un doute quant à leur bonne conduite. « Comme dans un film de Chabrol, peut-être que le préfet peut renseigner le notaire ou le cousin évêque sur ce qu’il se passe dans la grande de ville de la préfecture », a ironisé Gérald Darmanin. Comme il l’avait promis lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI), de telles affaires seront dépaysées. Reste à savoir à quel niveau ? « On a proposé au niveau zonal. Le rapport d’inspection de la justice propose de la dépayser à la direction du département frontalier […] Le niveau zonal me parait plus protecteur », a estimé Gérald Darmanin.

Le locataire de Beauvau s’est montré satisfait de constater que les différents rapports ne remettaient pas en cause le bien-fondé de la réforme pour mettre fin à une « police nationale qui travaille en silo, qui a besoin d’être modernisée, singulièrement dans la filière judiciaire face aux nombres d’enquête très important et à la mutation de la criminalité dans notre pays. Ne rien faire serait laisser continuer des taux d’élucidation qui ne seraient pas au rendez-vous ».

« On n’utilisera pas des grands policiers de PJ qui font du grand banditisme pour faire des violences conjugales »

Mais les syndicats redoutent de voir les enquêteurs expérimentés de la PJ être mobilisés sur des tâches liées à la sécurité du quotidien, ou administratives, afin de remédier aux manques d’effectifs.

Le rapport de la commission des finances du Sénat s’interrogeait aussi sur une organisation départementale de la police judiciaire. Les services de PJ actuels dépendraient d’un directeur local de la PJ, placé sous l’autorité du DDPN, lui-même placé sous l’autorité du préfet. Une chaîne de commandement complexe qui suscite « des inquiétudes fortes, pour une part tout à fait légitimes », des acteurs de la police judiciaire, face à une criminalité complexe et parfois mondiale, soulignait le rapport.

Nadine Bellurot, la rapporteure LR de la mission, indique d’ailleurs avoir découvert « des milliers de dossiers qui n’ont pas été traités ». « Quelles solutions pourraient être mises en œuvre pour résorber ces stocks ? »

Le ministre a expliqué que l’augmentation des stocks était en partie due « à la multiplicité des contentieux notamment sur les violences conjugales ». Mais il souligne que la réduction des délais de traitement des affaires en cours « n’a rien à voir avec la réforme de la police nationale ». « Non, on n’utilisera pas des grands policiers de PJ qui font du grand banditisme pour faire des violences conjugales ».

« On va mettre trois ou quatre ans pour prendre tous les textes réglementaires »

Enfin, Gérald Darmanin a précisé le calendrier de la réforme, il recevra à partir de la semaine prochaine, l’intégralité des organisations syndicales de la police nationale. Après avoir pris en compte, ces concertations et l’ensemble des rapports, les directeurs zonaux seront nommés en avril, puis les directeurs départementaux d’ici le mois d’octobre pour une application de la réforme à la fin 2023.

Un calendrier qui a interpellé les élus. « La formation de ces DDPN est très importante. D’un point de vue numérique, immobilier, c’est long aussi. Est-ce que ce calendrier vous paraît réellement réalisable. Est-ce que la généralisation de la réforme avant l’échéance des jeux olympiques est crédible ? », a interrogé Nadine Bellurot.

Le ministre est lui optimiste. « Je ne suis pas du tout inquiet sur le fait qu’on se donne toute une année pour faire la réforme de la police nationale. Nous serons prêts pour décembre 2023 sans aucun problème. Après, vous avez raison, on va mettre trois ou quatre ans pour prendre tous les textes réglementaires. Il y en a 176 et ce ne sera pas fait pour les JO. Mais ce n’est pas le problème. Le problème c’est qu’on ait une police organisée pour décembre 2023 et je n’ai pas d’inquiétude particulière sur son organisation et sur sa formation », a-t-il déclaré.

 

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