Réforme des institutions : vent de révolte au Sénat

Réforme des institutions : vent de révolte au Sénat

Les sénateurs, de droite comme de gauche, s’opposent au texte du gouvernement qui affaiblit, selon eux, le bicamérisme.
Public Sénat

Par Yann Quercia et Thomas Leroy (images : Cécile Sixou et Aurélien Romano)

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« La révision constitutionnelle ne pourra pas se faire sur l'abaissement des pouvoirs du Parlement. » L'avertissement est lancé par le Président du Sénat, Gérard Larcher, à Emmanuel Macron, ce mardi matin sur RTL. Même son de cloche au Sénat, avant la réunion de groupe des Républicains. Les sénateurs de droite sont vent debout face au projet de réforme du gouvernement. Celui-ci permettra notamment à l’exécutif de modifier l’ordre du jour en sa faveur ou  encore d’accélérer la navette parlementaire, quitte à réduire le rôle du Sénat dans ce circuit (voir notre article).

La droite ne votera pas la loi

« Non seulement je suis du même avis que Gérard Larcher, mais cela fait des semaines que l’on demande que la copie soit revue » martèle Bruno Retailleau, président des sénateurs Les Républicains. « Cette révision est marquée par l’affaiblissement du Parlement et au sein de l’affaiblissement du Parlement, c’est l’affaiblissement du Sénat. » Il a ainsi réaffirmé que son groupe ne voterait pas cette réforme en l’état : « Est-ce qu’il faut donner encore plus de pouvoir à un seul homme ? Très franchement, tout ça n’est pas sérieux. On est très mal parti. Si les choses ne changent pas, notre avis ne changera pas. Une Constitution, c’est le bien public qui appartient à tous les Français ».

« Il n’est pas question de changer de la cinquième à la sixième République car c’est ce qu’il se dessine. » Bruno Retailleau

De son côté, le sénateur LR Roger Karoutchi met en garde Emmanuel Macron contre une possible utilisation d’un référendum : « Si le Président de la République est décidé à passer par le Congrès, il lui faut une majorité des 3/5ème. Pour avoir cette majorité, il ne peut pas braquer le Sénat. A partir de là, il faut revoir la copie et il faut que la copie soit acceptable par le Sénat. Si le Président de la République fait tourner les machines pour faire un référendum, c’est à lui d’en prendre le risque mais je lui déconseille. » Roger Karoutchi insiste aussi sur l’affaiblissement du Parlement que pourrait entrainer cette réforme : « Depuis le début, je ne vois pas la ligne directrice. Sur le Parlement, on veut redonner au gouvernement une capacité sur l’ordre du jour, y compris sur la période d’initiative parlementaire, et on veut réduire le droit d’amendement quelles que soient les conditions de cette réduction. En réalité, on n’augmente pas les pouvoirs du Parlement. Si le Parlement est affaibli, c’est que l’on renforce l’exécutif. Sous la Vème République, l’exécutif n’a pas besoin d’être renforcé et Monsieur Macron non plus. »

Réforme constitutionnelle : Macron "ne peut pas braquer le Sénat" avertit Karoutchi
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A gauche, on n’est pas plus tendre avec ce projet de loi. « Le texte montre une forme de dédain, pour ne pas dire d’irrespect pour le Parlement » tranche Patrick Kanner, président des sénateurs socialistes. « Est-ce qu’on dérange ? Est-ce qu’on dérange le gouvernement et Emmanuel Macron en étant les représentants démocratiques de la nation française ? (…) A nous de savoir nous y opposer. »

Réforme constitutionnelle : "Le texte montre une forme de dédain" tance Patrick Kanner
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Même tonalité pour Jérôme Durain sénateur de Saône-et-Loire : « Porter atteinte au calendrier, au droit d’amendement, au pouvoir et au rôle du Sénat, ce sont des éléments qui sont inquiétants » souligne-t-il. De son côté, le sénateur communiste Eric Bocquet met en garde contre « l’hyper-présidentialisation » du régime. « Tout consiste à réduire le pouvoir des parlementaires en accélérant le temps de débat » affirme-t-il. «  Cela va aggraver le déséquilibre dans cette République. Il va bien falloir que le Sénat résiste. »

« Le bicamérisme, ça a du sens. Les deux Assemblées ne doivent pas être des Assemblées godillots, au service d’un exécutif hyper-centralisé. » Eric Boquet

Pour trouver des soutiens au gouvernement, il faut aller chercher du côté du groupe LREM. Malgré la colère du président de l’Assemblée nationale François de Rugy, révélée par le Parisien, les sénateurs de la majorité temporisent. « Travaillons, les éléments sont sur la table » explique Julien Bargeton, sénateur LREM de Paris. « Je ne crois pas que le Sénat ait intérêt à apparaitre comme une force de blocage conservatrice. » Pour le parlementaire, cette réforme est nécessaire pour améliorer le fonctionnement démocratique du pays. « Donnons au gouvernement la possibilité d’être efficace dans la mise en œuvre de son programme d’action » explique-t-il, précisant que certaines réformes polémiques, comme la modification du droit d’amendement, étaient déjà appliquées par la Haute assemblée. « Écarter des amendements qui n’ont pas de portée normative ou qui n’ont pas de rapport avec le texte, c’est ce que fait déjà le Sénat ! » explique-t-il.

Réforme constitutionnelle : « Travaillons, les éléments sont sur la table » affirme Julien Bargeton
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Le  gouvernement va présenter son texte le 9 mai prochain en Conseil des ministres. Dès lors, c’est un débat houleux qui attend les deux Assemblées.

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