Réforme des retraites : « Au Royaume-Uni, il serait impensable qu’une loi de cette importance passe sans vote »

Réforme des retraites : « Au Royaume-Uni, il serait impensable qu’une loi de cette importance passe sans vote »

Le recours au 49-3 sur la réforme des retraites n’a pas fait réagir qu’en France. À l’international, cette particularité constitutionnelle française interroge jusqu’à la presse favorable à la réforme. Au Royaume-Uni, qui vit aussi actuellement un mouvement social de grande ampleur, la presse reste circonspecte face à l’adoption d’une réforme d’une telle ampleur sans vote au Parlement.
Louis Mollier-Sabet

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Ce n’est pas tous les jours que l’hémicycle de l’Assemblée nationale se retrouve en une du New York Times. Le recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution par Emmanuel Macron a fait couler de l’encre dans la presse internationale, des journaux anglo-saxons à El Mundo en passant par Der Spiegel. L’attrait de la presse internationale pour la réforme des retraites n’est pas nouveau, et le mouvement social avait déjà suscité son lot de commentaires s’amusant presque du folklore français en la matière. Mais le recours au 49-3 a fait franchir une nouvelle étape dans l’intensité des commentaires internationaux : « Séisme », « ébullition », c’est une crise politique décrivent ce vendredi matin les quotidiens étrangers. Et au Royaume-Uni, en particulier, en proie à un mouvement social que le pays n’avait pas connu depuis les années Thatcher, l’actualité sociale française de ces dernières semaines n’est pas passée inaperçue.

« La France donne encore une fois l’impression d’être inréformable »

D’outre-Manche, ce refus du décalage de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans a pu étonner. La dernière réforme des retraites britanniques, datant de 2014, décale en effet l’âge légal de départ de 66 à 67 ans à horizon 2026-2028. La comparaison des âges légaux - seuls - peut parfois être hasardeuse, mais il n’en reste pas moins que la différence a été remarquée par les médias au Royaume-Uni. « La France donne encore une fois l’impression d’être inréformable », expliquait encore BBC News ce jeudi soir.

Mais depuis l’activation du 49-3 par l’exécutif, le constat de faiblesse d’Emmanuel Macron est unanime, même dans la presse conservatrice, explique Sasha Mitchell, journaliste chargé du Royaume-Uni pour Courrier International : « The Economist, par exemple, qui est très favorable à la réforme et trouvait même que ça n’allait pas assez loin, dit ce matin qu’on vient de comprendre à quel point le quinquennat d’Emmanuel Macron serait compliqué. Après les législatives, cette presse a pu penser que la majorité relative amènerait quelque chose de plus consensuel, mais avec les images de l’Assemblée nationale et de la Concorde, elle explique clairement que c’est l’opposé qui se produit. »

49-3 : « Les dirigeants à travers l’Europe doivent l’envier à Emmanuel Macron »

Sasha Mitchell identifie finalement une « certaine ambivalence » de la presse britannique sur le mouvement social qui s’est construit contre la réforme des retraites. « Le Times, par exemple, dit que Macron a du courage politique. Il y a l’idée que cette réforme aurait dû être faite depuis longtemps. En même temps il y a une certaine admiration pour les Français et ce qu’ils perçoivent comme une exigence vis-à-vis de la classe politique sur l’état des services publics par exemple. On se dit que les Français le font entendre quand ça ne leur plaît et ça maintient un certain standing. »

Si sur le fond, les médias conservateurs britanniques restent très favorables à la réforme, leur ton a changé hier, d’après Sasha Mitchell : « La presse fait un gros travail de pédagogie sur le 49-3 et rappelle que ce n’est pas inédit non plus. Mais ça suscite un malaise dans la presse favorable à la réforme, parce que pour eux, ce n’est pas envisageable qu’il n’y ait pas de vote sur un sujet d’aussi haute importance. »

Dans un régime parlementaire comme au Royaume-Uni, le recours au 49-3 interroge donc, même chez les partisans de la réforme. « Au Royaume-Uni, il serait impensable qu’une loi de cette importance passe sans vote », affirme Sasha Mitchell, en citant notamment The Daily Telegraph, qui estime que « les dirigeants à travers l’Europe doivent envier la possibilité qu’a le Président français de contourner ainsi une assemblée importune. » Qui a dit que la France ne rayonnait plus à l’international ?

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