Réforme du Parlement: les sénateurs restent vigilants
Instauration d’une dose de proportionnelle, réduction du nombre de parlementaires, évolution de la fabrique de la loi : si des sénateurs sont parfois en accord avec certaines mesures annoncées par le président de la République, d’autres craignent des effets pervers.

Réforme du Parlement: les sénateurs restent vigilants

Instauration d’une dose de proportionnelle, réduction du nombre de parlementaires, évolution de la fabrique de la loi : si des sénateurs sont parfois en accord avec certaines mesures annoncées par le président de la République, d’autres craignent des effets pervers.
Public Sénat

Par Guillaume Jacquot et Thomas Leroy

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Lors de son discours au Congrès, Emmanuel Macron a particulièrement insisté sur la réforme des institutions. Avec la réduction d’un tiers de ses membres, et des évolutions dans la fabrique de la loi, le Parlement est le principal concerné par les annonces du président. Nous sommes allés prendre la température du côté des sénateurs. Certains rappellent qu’ils s’étaient montrés favorables dans le passé à des mesures similaires. Plusieurs attendent les textes précis et veulent « juger sur pièces ».

La réduction d’un tiers du nombre de parlementaires

« Un parlement moins nombreux mais renforcé dans ses moyens, c’est un parlement où le travail devient plus fluide, où les parlementaires peuvent s’entourer de collaborateurs mieux formés, plus nombreux. C’est un Parlement qui travaille mieux », a mis en avant au Congrès Emmanuel Macron.

La présidence du Sénat a accueilli l’annonce avec bienveillance, mais se montre vigilante. « Si le Sénat peut partager ces objectifs, il faudra compter sur sa vigilance, dans leur traduction concrète, notamment au plan de la répartition des territoires, notamment les territoires ruraux et ne pas assoir ces évolutions sur l’antiparlementarisme si facile », a réagi dans la présidence dans un communiqué.

Certains sénateurs sont sur la même longueur d’onde. Ils sont nombreux à se montrer favorables à cette réduction d’un tiers du nombre de parlementaires, à condition que les contreparties budgétaires soient bien réelles. « Il y aura quand même autant de travail, donc il faudra peut-être être plus épaulés, en terme d’assistants », considère Françoise Cartron (PS).

Réduction du nombre de parlementaires : "Il faudra être plus épaulé", espère Françoise Cartron
00:40

D’autres se montrent plus réservés sur l’objectif réel de la réforme du Parlement. « Si ça peut renforcer le système parlementaire, pourquoi pas. J’espère simplement que ce n’est pas un texte purement démagogique pour faire plaisir aux citoyens dans une période où on décrit tellement les parlementaires, ça serait dangereux », réagit le sénateur socialiste Jacques Bigot, qui aimerait des réflexions portant sur  «  sur l’ensemble des institutions » et « et pas seulement le Parlement » :

Réforme des institutions : "J'espère que ce n'est pas un texte purement démagogique", déclare Jacques Bigot
00:23

« Un tiers de parlementaires en moins c'est un tiers de démocratie et de pluralisme en moins », a estimé hier la sénatrice communiste Cécile Cukierman.

Se basant sur un comparatif publié par le Parisien, Sylvie Goy-Chavent (UDI) estime que la France « ne compte pas trop de parlementaires comparée avec les pays d’Europe ». « Nous sommes dans la moyenne, le reste est de la démago populo », a tweeté la sénatrice de l’Ain, qui craint que la baisse du nombre de parlementaires couplée à la baisse des parlementaires ne se traduise par une « ruralité non représentée ».

Le risque d’une sous-représentation des territoires est une préoccupation des sénateurs. « Il va falloir – c’est ce qu’il a dit – que l’on veille à l’équilibre par rapport aux territoires ruraux […] Il va y avoir un dosage subtil à faire », anticipe Françoise Cartron.

L’introduction d’une dose de proportionnelle

Promise par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, une dose de proportionnelle devrait bien être instaurée lors des prochaines élections législatives. Le président de la république l’a d’ailleurs rappelé lors de son discours. « La représentativité reste un combat inachevé dans notre pays » a-t-il expliqué devant les parlementaires. « Je souhaite le mener résolument. Je proposerai ainsi que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées. »

Véritable serpent de mer, la « dose » de proportionnelle  reste un chantier complexe. « La carte électorale va être difficile à redécouper » souligne ainsi Jérôme Durain, le sénateur socialiste de la Saône-et-Loire. Pour Jean-Claude Carle, sénateur LR de la Haute-Savoie, la proportionnelle implique mécaniquement la distinction de deux statuts. « Il y aura deux types de parlementaires. Des parlementaires de terrain et des parlementaires élus à la proportionnelle, ça posera un problème » prévient-il, assurant que ces élus « n’auront pas les mêmes convergences » dans leurs missions. « Un élu qui ne rend pas compte à un territoire a très peu d’existence, on le voit bien avec les conseillers régionaux et les députés européens qui sont les élus les moins connus et les moins reconnus. » Regardez :

"La proportionnelle, ça posera un problème" affirme Jean-Claude Carle
00:34

Reste aussi à déterminer le nombre de députés concernés. « Une dose de proportionnelle, c’est au moins 10%, sans ça, ça ne donnera pas un panel global de ce qu’est la France » tranche le patron des sénateurs socialistes, Didier Guillaume. Ce mardi matin sur Public Sénat et Sud Radio, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, évoquait « un minimum de 20 à 25%. » Un chiffre important puisqu’il prend déjà en compte la réduction d’un tiers des députés, prévue par Emmanuel Macron. « Il ne faut pas que ça empêche de gouverner » avertit David Assouline, sénateur PS de Paris.

Car la proportionnelle risque de multiplier les partis et donc le risque d’instabilité politique, raison pour laquelle le scrutin uninominal majoritaire à deux tours avait été choisi dans la Constitution de 1958.  « Tout dépend de comment est organisé le scrutin et s’il est correctif ou pas, c’est-à-dire s’il maintient à l’Assemblée une majorité » promet Jacqueline Gourault.

L’adoption de texte de lois simples en commission

Afin « d’agir vite », le chef de l’État entend par ailleurs simplifier le processus législatif. « Je pense même que vous devriez, dans les cas les plus simples, voter la loi en commission », a proposé Emmanuel Macron aux parlementaires.

Au Sénat, comme à l’Assemble nationale, certains accords internationaux et certains textes techniques peuvent faire l’objet de procédures simplifiées, allégeant le temps passé en séance plénière. Depuis 2015, le Sénat a institué à titre expérimental, la procédure d’examen en commission. Cette procédure, rendue possible par la réforme constitutionnelle de 2008, permet de limiter le droit d’amendement à la seule commission.

La réforme proposée par le président de la République n’est donc pas fondamentalement nouvelle. Certains sénateurs n’y voient pas d’inconvénient. « Cela donne encore plus de sens au travail en commission, mais il faut que ce soit bien sûr public », se prononce Françoise Cartron. « Le vrai problème, c’est de savoir c’est de savoir si l’on se prive du débat et du débat public », pointe Jacques Bigot.

Vote en commission : "Pourquoi pas, à condition que ce soit public", estime Jacques Bigot
00:29

 « Les simplifications qui deviennent des droits en moins pour les parlementaires, ce n'est pas possible », met en garde le sénateur de Paris David Assouline (PS).

David Assouline : "Les simplifications qui deviennent des droits en moins pour les parlementaires, ce n'est pas possible"
01:13

Le président du groupe socialiste Didier Guillaume n’y est pas non plus opposé. « On a déjà évoqué ça au Sénat. Il faut légiférer mieux et plus vite. C’est indispensable mais ça ne veut pas dire on enlève le droit d’amendements et on empêche les parlementaires de voter », prévient-il.

Catherine Procaccia, sénatrice LR du Val de Marne, s’interroge sur la constitutionnalité de la mesure. « C'est retirer le pouvoir d'amendement aux parlementaires qui ne peuvent les défendre devant la commission dont ils ne font pas partie », a expliqué la sénatrice sur Twitter.

 

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