Réforme parlementaire : les sénateurs achèveront leur réflexion fin janvier

Réforme parlementaire : les sénateurs achèveront leur réflexion fin janvier

Alors que les députés ont présenté leurs pistes pour réformer le fonctionnement du Parlement, les sénateurs planchent toujours sur le sujet. Une dernière réunion de travail est prévue le 24 janvier. Un nouveau sujet de désaccord apparaît avec la généralisation de la procédure accélérée, voulue par les députés.
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On connaît les propositions des députés sur la réforme de l’Assemblée. Ils ont présenté ce mercredi les conclusions des sept groupes de travail lancées par le président LREM de l’Assemblée nationale, François de Rugy, pour mettre en œuvre les réformes annoncées par Emmanuel Macron en juillet dernier, devant le Congrès : réduction du nombre de parlementaires, loi votée plus rapidement ou encore non-cumul dans le temps pour les élus, qui nécessite une révision de la Constitution.

Les sujets sont nombreux. Les députés font 95 propositions, rassemblées dans plus de 400 pages. L’Assemblée veut autant renforcer la fonction de contrôle du Parlement, que réduire de 30 % le nombre de parlementaires, soit 403 députés au lieu de 577 et 244 sénateurs contre 348, ou instaurer une dose de proportionnelle fixée à 22%. Toutes les propositions sont à retrouver sur le site de l’Assemblée.

Propositions du Sénat début 2018

Le Sénat planche aussi sur le sujet avec un unique groupe de travail, composé notamment des présidents de groupes ou du président LR de la commission des lois, Philippe Bas. Il s’est encore réuni mardi matin. Lancé après le groupe de travail des députés, le groupe des sénateurs dévoilera ses propositions début 2018.

« Le groupe de travail se réunit chaque semaine depuis octobre, dès le renouvellement du Sénat. L'Assemblée avait pu commencer son travail beaucoup plus tôt » explique Philippe Bas. « Un large consensus sénatorial semble devoir se dégager sur de nombreuses questions » ajoute le président de la commission des lois. « Nous veillerons en particulier à la qualité des lois, au renforcement du rôle du Parlement, notamment pour ce qui concerne le contrôle et l'évaluation, à un meilleur équilibre des pouvoirs, à la bonne représentation des territoires, à la modernisation de l'éthique de gouvernement » détaille le sénateur LR de la Manche.

Les sénateurs entendent travailleur à leur rythme. « Le gouvernement a un calendrier. Nous avons le nôtre » explique le président du groupe Union centristre, le sénateur Hervé Marseille. Il ajoute :

« Il faut essayer de faire coïncider tout ça. Mais il ne s’agit pas de réfléchir le couteau sous la gorge. Personne ne doit imposer un calendrier. Et en même temps, le Sénat doit pouvoir exprimer sa position dans un délai convenable ».

D’après nos informations, la dernière réunion sur les conclusions du groupe est prévue le 24 janvier. De son côté, l’exécutif souhaite conclure avant l’été.

Accords et désaccords

Quand un projet de loi (ou plusieurs a priori) sera sur la table, son examen passera théoriquement par la commission des lois, en charge des questions institutionnelles. Une autre idée, évoquée du côté du Palais bourbon, est avancée : la création d’une commission ad hoc, qui serait présidée par François de Rugy et Gérard Larcher.

Mais pour que la réforme aille au bout, députés et sénateurs devront se mettre d’accord. Fin octobre, sur Public Sénat, Gérard Larcher avait exprimé sa volonté d’avancer avec Emmanuel Macron. Mais deux gros points difficiles, pour ne pas dire de blocage, persistent : le non-cumul dans le temps pour les parlementaires et les élus. Et la difficulté d’allier réduction du nombre de sénateurs et représentation suffisante des territoires (voir notre article pour plus de détail sur ce sujet).

« Globalement, il y a plutôt accord sur l’ensemble des points. Le non-cumul dans le temps, c’est le seul point d’achoppement » selon un membre du groupe de travail du Sénat. Lors du congrès des maires, Emmanuel Macron avait rappelé que l’exécutif prévoyait déjà d’exclure les maires des communes de moins de 3500 habitants. Mais Gérard Larcher aimerait voir aussi les parlementaires exclus du principe.

Le vote en commission déjà expérimenté au Sénat

Ce n’est pas le seul sujet de débat. La mise en œuvre de l’accélération de la procédure parlementaire ne va pas de soi. « La navette pourrait être simplifiée, je pense même que vous devriez pouvoir dans les cas les plus simples voter la loi en commission » affirmait Emmanuel Macron dans son discours de Versailles, en juillet.

Sur le vote en commission, le Sénat a pris un peu d’avance. Il expérimente déjà la faculté de voter les amendements uniquement en commission pour limiter la séance aux explications de vote. Une proposition de résolution, déposée par Gérard Larcher, est examinée ce jeudi pour prolonger et renforcer le dispositif. Les députés ont repris à leur compte l’idée.

Les députés proposent également de faire de la procédure accélérée – une lecture par chambre au lieu de deux – la procédure normale. Là, c’est plus compliqué. Dans un entretien au Monde, début octobre, Gérard Larcher se disait ouvert à l’idée d’aller plus vite. S’il soulignait qu’« une seule navette, c’est anticonstitutionnel », le président du Sénat se disait « favorable à ce qu’on fasse la loi plus vite, en utilisant la procédure accélérée pour la plupart des textes et la procédure normale pour les textes plus sensibles, comme les sujets de société. Mais à condition que les sénateurs puissent jouer pleinement leur rôle, utiliser leur droit d’amendement, et que les commissions mixtes paritaires soient de vrais lieux de débat et de recherche de compromis, ce qui est aujourd’hui un point de désaccord avec le président de l’Assemblée nationale ».

« Il y a eu une volée de bois vert contre la généralisation de la procédure accélérée »

Le sujet a été débattu mardi dernier au sein du groupe de travail du Sénat. Il est loin de faire l’unanimité. « Le débat a été aigu. Il y a eu une volée de bois vert contre la généralisation de la procédure accélérée » raconte un membre du groupe de travail. Face à l’importance prise par le débat, Gérard Larcher a proposé de le continuer la semaine prochaine.

Pour Hervé Marseille, on peut « certainement » accélérer la procédure, « mais pas dans n’importe quelle condition. C’est aussi une question d’efficacité, et pas que de rapidité ». Le sénateur LREM, Alain Richard, « n’est pas d’accord » avec l’idée de faire de la procédure accélérée la norme. Tout comme son collègue socialiste Jean-Pierre Sueur, « totalement opposé » à l’idée. « S’il n’y a qu’une lecture dans chaque assemblée, il n’y a pas le temps, le recul nécessaire. Notre rôle est d’écrire la loi le mieux possible. Cela suppose beaucoup de temps et de travail, il faut éliminer les scories. Avec la procédure accélérée, on a fait des textes qui ne marchaient pas, sur lesquels il a fallu revenir » explique Jean-Pierre Sueur. Il ajoute : « Il faut peaufiner l’écriture de la loi comme la mer polit le galet à force de marées ».

Les députés sont plus convaincus de leur côté de la nécessité d’aller plus vite. Le vice-président LREM de l’Assemblée nationale, Sacha Houlié, pointe une procédure « trop longue ». « On n’a pas besoin d’autant de temps en séance » soutient le député, élu pour la première fois en juin, à l’âge de 28 ans. Ce représentant de la jeune garde macroniste s’appuie sur « la Chambre des communes, en Grande-Bretagne, où les débats sur le Brexit ont duré huit jours, avec 330 amendements. Sur le budget, on a eu 150 heures de débats et 3.322 amendements… » Sacha Houlié ajoute que « ce qu’on fait en commission ne doit pas être refait éternellement en séance publique ».

Rencontre entre Larcher, de Rugy et Macron avant la fin de l’année ?

Voilà un sujet de discussion de plus pour les premiers intéressés. Selon un membre du groupe de travail de la Haute assemblée, François de Rugy et Gérard Larcher « devraient rencontrer le Président pour parler de la réforme avant la fin de l’année ».

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