Régionales : Bertrand veut « se battre » pour les Hauts-de-France, le RN Sébastien Chenu veut le « battre » tout court

Régionales : Bertrand veut « se battre » pour les Hauts-de-France, le RN Sébastien Chenu veut le « battre » tout court

Xavier Bertrand a lancé sa campagne pour les régionales. Mais l’alliance Muselier/LREM en Paca risque de « profiter au RN », reconnaît le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse. Karima Delli, la candidate de la gauche et des écologistes espère, elle, « un effet Delli », malgré les sondages. LREM, avec Laurent Pietraszewski, pourrait bien de son côté avoir les clefs du scrutin.
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Surtout, ne pas perdre le Nord. Xavier Bertrand, candidat à sa réélection à la tête de la région des Hauts-de-France, n’a pas droit à l’échec. L’ancien LR, qui vise aussi la présidentielle, a prévenu qu’en cas de défaite, il arrêterait la vie politique. C’est avec cette toile de fond que l’ancien ministre a lancé officiellement ce lundi sa candidature pour le scrutin régional des 20 et 27 juin.

« Se battre pour vous ». Xavier Bertrand a dévoilé son slogan de campagne qu’il décline sur les thèmes de la « sécurité », « la lutte implacable contre le communautarisme », une « écologie positive et pas punitive », de nouveaux trains « à hydrogène et au gaz » ou encore, « au nom de l’attractivité, le grand projet de la cité de la bière qui verra le jour ». Pas de doute, on est bien dans le Nord.

Celui qui l’avait emporté face au FN en 2015, après le retrait de la liste de gauche, va devoir conjuguer de nouveau avec le parti de Marine Le Pen. Selon un sondage BVA pour RTL et Orange ce lundi, le RN est donné au coude à coude au premier tour. Xavier Bertrand est crédité de 33 % au premier tour (contre 25 % en 2015) contre 31 % pour Sébastien Chenu, candidat RN (contre 40,6 % pour Marine Le Pen en 2015). On est dans la marge d’erreur. La gauche unie derrière l’écologiste Karima Delli est pour le moment distancée, avec 17 % d’intentions de vote. Pour LREM, le secrétaire d’Etat Laurent Pietraszewski est donné à 12 %.

Au second tour, en cas de quadrangulaire, Xavier Bertrand est menacé, avec seulement 2 points d’avance sur le RN. Dans le cadre d’une triangulaire avec la gauche, si LREM n’est pas au second tour ou se retire, le président sortant est alors largement devant, avec 44 % des voix contre 36 % au parti d’extrême droite.

« Nous aurons un taux d’abstention très important » prévient Xavier Bertrand

Un sondage n’a jamais fait une élection mais il montre des tendances. Mais selon le candidat de la droite, il faut rester prudent. « Les enquêtes d’opinion d’aujourd’hui sont très différentes des résultats de la fois dernière, c’est vrai. Mais les sondages ne peuvent pas prendre en compte un phénomène : nous aurons un taux d’abstention très important je pense », a souligné devant la presse Xavier Bertrand, avant d’ajouter :

Qui sera en tête au soir du premier tour ? Je n’en sais rien. Mais c’est en restant nous-même que nous l’emporterons au soir du deuxième tour.

Dans l’entourage de Xavier Bertrand, on minimise. « Si vous faites des sondages partout en France, en ce moment vous allez voir une montée du RN qui était inéluctable, ce n’est pas un phénomène régional », selon le sénateur LR du Nord, Marc-Philippe Daubresse. Ce membre de la « garde rapprochée » de Xavier Bertrand fait partie des parlementaires qui animent aussi, tous les quinze jours, une réunion en vision avec une cinquantaine de parlementaires LR pro Bertrand. Pour expliquer les sondages, il pointe le rôle des chaînes d’infos « et leur martèlement 24h/24h » après « l’attaque terroriste » de Rambouillet, ou sur les questions de sécurité. Un climat en somme. « Le Pen n’a pas besoin de faire campagne, mécaniquement, elle monte. Ce sont des votes de peur et de colère », dit Marc-Philippe Daubresse, qui oublie cependant que ce climat sur les thèmes de l’immigration et de la sécurité est alimenté, aussi, par nombre de ses amis de LR.

Chenu : « Il n’y a pas eu d’effet Bertrand dans la région, sinon, on ne serait pas au coude à coude »

Pour le candidat du Rassemblement national, ce sondage tombe bien, alors que cette campagne sous covid sera courte et particulière. « Le temps où on disait que Xavier Bertrand est une star politique imbattable, ce temps est derrière nous », réagit Sébastien Chenu auprès de publicsenat.fr. Le député RN du Nord ajoute :

Ce sondage dit que Xavier Bertrand est battable. En tout cas, il peut être battu, on peut le battre. On est vraiment dans la marge d’erreur.

Selon Sébastien Chenu, « il n’y a pas eu d’effet Bertrand dans la région, sinon, on ne serait pas au coude à coude. Pas d’effet sur la sécurité, le chômage, la santé. Il voulait être à portée d’engueulade. Je lui conseille de ne pas trop s’éloigner, car elle arrive… » Le candidat RN entend placer sa campagne « sous le sceau de la protection », sous l’angle de la sécurité et de « l’identité, en arrêtant de financer des structures qui ont un lien avec l’islam radical » ou « une radio communautariste à Roubaix ». Pour parler « environnement », il le fait à sa manière. Sébastien Chenu vise les éoliennes et promet « un moratoire », « un référendum local » pour tout nouveau projet et il financera « une étude épidémiologique pour démontrer la nuisance de cette escroquerie écologique ».

Ce qui vient jeter le trouble dans cette campagne, se passe à l’autre bout de la France. En région Paca, le président LR sortant, Renaud Muselier, va bénéficier du soutien de LREM qui retire sa liste. Sébastien Chenu espère tourner à son avantage cette nouvelle. « Ça permet d’y voir clair. Si LR est en Marche sont d’accord entre eux, il est normal qu’ils fassent liste ensemble », selon le candidat RN, qui ajoute : « LR se fait découper en petits morceaux. Le haut va vers Macron et le bas file au RN ».

Celui qui dépeint Xavier Bertrand en « macroniste compatible », souligne que « non seulement, il a besoin d’En Marche et de son électorat pour gagner, mais il mène la politique d’En Marche depuis le premier jour. Et il essaie d’envoyer un signal à l’électorat de Macron. C’est l’ambiguïté permanente » attaque Sébastien Chenu.

« Il y a le problème de la crise dans laquelle Renaud Muselier nous a mis de fait »

Marc-Philippe Daubresse reconnaît la difficulté et le trouble que vient jeter la situation en Paca. « Il y a le problème de la crise dans laquelle Renaud Muselier nous a mis de fait, qui peut avoir un impact. Evidemment, ça profitera au RN. Quand vous êtes dans l’ambiguïté, à un moment, vous avez une partie de votre électorat qui ne suit pas ». Mais le sénateur se rassure : « Xavier Bertrand est sur un langage de clarté, il a un bon bilan sur la valeur travail, des résultats indéniables en matière d’emploi et il a une très bonne cote ».

Gage de cette clarté vis-à-vis des sirènes macronistes, Marc-Philippe Daubresse souligne que « Xavier Bertrand a répété qu’il ferait la même liste et le même projet, au premier comme au second tour. Donc les gens savent pour quoi ils votent ». Autrement dit, pas de fusion éventuelle avec LREM. Ni de fusion technique, en cas de barrage contre le RN, qui permettrait à des candidats des autres listes d’être élus sans faire partie de la majorité ? « Non. Je vous le dis avec certitude », soutient ce proche de Xavier Bertrand.

L’équipe de Pietraszewski « ne s’interdit rien » pour le second tour et se dit prête à discuter

Mais du côté de l’équipe de Laurent Pietraszewski, on ne tient pas le même discours. Au soir du premier tour, « tout est possible. Le 20 juin, on prendra acte de notre score. On aura un téléphone devant nous et on attendra que le téléphone sonne de la part de ceux qui pensaient faire un gros score et qui auront peut-être besoin de nous comme force. On ne s’interdit rien », affirme le directeur de campagne du candidat de la majorité présidentielle, le sénateur LREM du Nord, Frédéric Marchand. Mais avant de penser au second tour, il mise déjà sur une bonne campagne. « La dynamique est peut-être du côté de celui qu’on aurait pu appeler Mr Nobody, et qui contrairement à d’autres, est passé de 10 à 12 %. Bertrand ne bouge pas, le RN grignote et il n’y a pas d’effet de bloc de gauche », analyse Frédéric Marchand, qui veut « viser le cœur de l’électorat du président de la République », les « sociaux-démocrates » et « la droite modérée ».

Mais s’il ne finit pas en tête, que fera Laurent Pietraszewski pour le second tour, si le RN peut l’emporter ? Celui qui avait voté Bertrand au second tour en 2015 sera-t-il prêt à retirer sa liste ? « On fera les meilleurs choix pour battre le RN », prévient un responsable national de LREM. Il y a quelques semaines, l’entourage du candidat laissait peu de place au doute : « Qui peut penser que Laurent Pietraszewski aura un comportement politique qui mènerait l’extrême droite à remporter la région ? » L’hypothèse d’une fusion technique n’était pas rejetée non plus. Mais pour fusionner, il faut être deux.

« Le principe de réalité risque de rattraper Xavier Bertrand »

Frédéric Marchand pense que les choses vont encore bouger. « Les propos pour dire je vais gagner tout seul, ça va 5 minutes. Xavier Bertrand ne nous refera pas le coup de c’est moi ou le chaos. Je veux bien qu’il dise je n’ai besoin de personne sur ma Harley Davidson, mais ce n’est pas comme ça qu’on bâtit un axe de progrès », lâche le directeur de campagne du candidat LREM. « Si Xavier Bertrand discute avec nous aujourd’hui, sa campagne présidentielle n’est plus possible », sait bien Frédéric Marchand, « mais le principe de réalité risque de le rattraper à un moment donné ». Reste que « les scénarios sont complètement ouverts. Une quadrangulaire est possible. Mais si le RN est en tête, ce n’est plus la même chanson ».

En faisant des appels du pied vers Xavier Bertrand, LREM peut aussi brouiller les pistes et mettre à mal la ligne de clarté défendue par le candidat de droite. De quoi compliquer sa réélection à la région. Si LREM prend la menace RN au sérieux, une défaite du candidat de droite aux régionales stopperait dans son élan l’un des concurrents d’Emmanuel Macron pour 2022.

Karima Delli : « Vous voyez qu’il n’y a pas d’effet Bertrand. Mais vous allez voir, il aura un effet Delli »

L’hypothèse d’une quadrangulaire se ferait avec la liste de gauche de Karima Delli. Mais le dernier sondage vient jeter un petit froid. « Jamais un sondage n’a prévu mes élections. J’ai toujours su faire mentir les sondages. Ils ne font pas l’élection », assure auprès de publicsenat.fr Karima Delli. Et alors que « Sébastien Chenu et Xavier Bertrand trustent les plateaux télé, vous voyez qu’il n’y a pas d’effet Bertrand. Mais vous allez voir, il aura un effet Delli », prédit la candidate de la gauche, membre d’EELV. Elle rappelle que personne ne croyait au rassemblement et elle « l’a fait ». Bref, tout est possible. Karima Delli détourne au passage le nouveau slogan de campagne de Xavier Bertrand (se battre pour vous) :

On va le battre pour vous, ça c’est clair ! Car nous incarnons le choix d’une région plus juste, plus soucieuse du climat et pour l’emploi.

« On est au tour de chauffe. 17/19 %, c’est une base. J’aurais préféré plus, naturellement. Sur le papier, quand on regardait les sondages précédents, on aurait pu espérer avoir un cumul supérieur à 20 %. C’est une alerte. Il faut que chacun prenne ses responsabilités et convainque ses électorats respectifs », prévient de son côté Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat et qui était le chef de file du PS pour les régionales. Et ses militants, car certains traînent un peu la patte pour faire la campagne, y compris au Parti socialiste.

Pour le moment, la large union un peu inespérée de la gauche ne porte pas ses fruits. L’addition des électorats EELV, du PS et de LFI n’est pas encore tout à fait au rendez-vous. Patrick Kanner résume :

On a chacun nos électorats. Mais en politique, il faut que 1+1 fasse 3. Et pour l’instant 1+1 ne fait pas 2.

Karima Delli présentera ses têtes de liste mercredi. Les grands axes de son programme seront connus dans une dizaine de jours. « On a un gap à combler. Mais je fais confiance aux débats qui auront lieu. Karima Delli a beaucoup d’énergie », assure le président de groupe du Sénat. Certes, « elle a un manque de notoriété. Quoi de plus normal. Mais quand les gens commenceront à sortir la tête avec le déconfinement, ils vont s’intéresser à cette grande échéance », espère Patrick Kanner. Reste qu’il faudra éviter l’épisode de samedi à Lille. Jean-Luc Mélenchon a fait ostensiblement bande à part pour le défilé du 1er mai. Il a refusé la photo de famille, avant que Karima Delli n’aille le voir et que le leader de La France Insoumise ne la renvoie dans ses vingt-deux, dénonçant des « faux jetons » pour cause de désaccord aux départementales… L’union à gauche est toujours un combat. « On sait bien que Mélenchon considère qu’il est l’alpha et l’oméga de la présidentielle à gauche et tout le reste est considéré comme du pipi de chat. Mais on ne fait pas de politique autour d’un ego, mais d’un combat collectif », dit le sénateur PS. Pour le collectif, il y a encore un peu de travail.

Pour le second tour, Patrick Kanner le répète depuis des mois : « D’une manière ou d’une autre, la gauche sera présente, en responsabilité. Il est hors de question qu’elle disparaisse une nouvelle fois pendant 6 ans. Nous nous maintiendrons ». Et une fusion technique ? « On verra bien. Elle avait été refusée par Xavier Bertrand il y a 6 ans », rappelle Patrick Kanner, qui entend déjà « passer cette barre symbolique des 20 % ». Une étape après l’autre.

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