Régionales en Ile-de-France : Pécresse se lance, la gauche en embuscade

Régionales en Ile-de-France : Pécresse se lance, la gauche en embuscade

Valérie Pécresse entend sortir en tête du premier tour le plus haut possible pour espérer l’emporter, face à une gauche qui devra s’unir pour gagner. « La bataille commence, projet contre projet », affirme le candidat EELV Julien Bayou. « Si je suis élu, je suis président de région pendant 6 ans. Pas sûr que ce soit le cas de Valérie Pécresse qui a d’autres ambitions », attaque le candidat LREM Laurent Saint-Martin. La campagne est lancée.
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Un secret de polichinelle aujourd’hui officiel. Valérie Pécresse est candidate à sa réélection en Ile-de-France, lors du scrutin des 20 et 27 juin. La présidente (ex-LR, Libres !) de la région entend rempiler pour un nouveau mandat, six ans après l’avoir emporté face au socialiste Claude Bartolone. De quoi lancer un peu plus une campagne compliquée, en pleine épidémie de covid-19.

Angle d’attaque

En face, ses opposants veulent en découdre. « Il était temps que ça commence. Il y avait un problème éthique, a minima, et peut-être légal, à faire campagne et sa promotion personnelle avec les fonds de la région. Enfin, la bataille commence, projet contre projet », réagit auprès de publicsenat.fr Julien Bayou, candidat EELV/Gééeration.s pour les régionales.

« Tant mieux. Ce n’est pas une surprise et à la fois une bonne nouvelle. Car on peut dialoguer de candidat à candidat. C’est plus clair pour les électeurs », souligne le député LREM Laurent Saint-Martin, le candidat de la majorité présidentielle. « C’est un non-événement », tacle de son côté le sénateur PS Rachid Temal, directeur de campagne de la candidate du Parti socialiste, Audrey Pulvar. Il ajoute :

Mais je n’ai pas très bien compris si Valérie Pécresse était candidate à l’élection en Ile-de France ou à la présidentielle en France… On voit que les deux sont très liées. C’est un peu surprenant.

Les adversaires de la présidente sortante ont trouvé ici un bon angle d’attaque. Laurent Saint-Martin : « Si je suis élu, je suis président de région pendant 6 ans. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas de Valérie Pécresse qui a d’autres ambitions. Ce n’est pas cohérent d’être candidat à une élection, si vous ne pouvez pas assurer la présidence après ».

« Pécresse n’a pas le même mode de raisonnement que Bertrand. Pour elle, la région n’est pas une première marche » assure Roger Karoutchi (LR)

Interrogée sur 2022 dans Le Parisien, où elle déclare sa candidature, Valérie Pécresse botte en touche. « La question de ce que je ferai après l’élection régionale ne peut pas se poser aujourd’hui puisque tout dépend des Franciliens. S’ils ne me renouvellent pas leur confiance, j’arrêterai la politique », lance l’ancienne ministre. Dans le camp Pécresse, on assure que ce n’est pas le sujet. « Elle n’a pas le même mode de raisonnement que Xavier Bertrand. Pour elle, la région, ce n’est pas une première marche. Elle part au combat régional. Elle verra bien après ce qu’elle fait ou ne fait pas sur la présidentielle. Elle ne fait pas de lien », assure le sénateur LR Roger Karoutchi, proche de la candidate. « Après, vous pouvez avoir des ambitions légitimes, mais elle ne fait pas de lien automatique comme le fait Xavier », ajoute le vice-président LR du Sénat.

Après des déclarations très fermes sur le régalien la semaine dernière, où Valérie Pécresse a fait le lien entre immigration et terrorisme, suite à l’attaque de Rambouillet, la candidate met aujourd’hui un avant l’idée d’un « RER vélo », c’est-à-dire des pistes cyclables sécurisées, des lycées rénovés, des aides à l’achat d’un véhicule électrique à hauteur de 6.000 euros et un prix maximum « de 4 euros » pour se déplacer partout dans la région en transports en commun. Valérie Pécresse ne ferait-elle pas du « en même temps » ? « Non. Sur le plan régalien, elle a toujours été très ferme sur la sécurité, l’immigration. En revanche c’est une femme d’aujourd’hui », sensible aux « problèmes de transports, de pollution, de bruit et d’écologie », rétorque Roger Karoutchi. « Les gens sont préoccupés par la sécurité et en même temps, ils veulent avoir des circulations douces, des transports propres », ajoute la sénatrice LR de l’Essonne Laure Darcos, porte-parole de Libres.

« Valérie Pécresse fait du green washing permanent » selon Julien Bayou

Un verdissement raillé par les écolos. « J’ai compris que Valérie Pécresse voulait dire maintenant qu’elle était écologiste. Mais elle fait du green washing permanent. Le plus simple pour avoir une politique écologiste, c’est d’avoir des écologistes », lance Julien Bayou.

« Ce n’est pas ça l’écologie, ce n’est pas trois pistes cyclables, ce n’est pas de la cosmétique », ajoute la sénatrice du Val-de-Marne, Sophie-Taillé-Polian, coordinatrice nationale de Génération.s, le parti de Benoît Hamon qui soutient Julien Bayou. « L’écologie appartient à tout le monde. C’est la droite qui a créé le premier ministère de l’Environnement », rétorque Roger Karoutchi.

« Triple bouclier sanitaire, social et écologique »

« Le bilan de Pécresse, c’est que la moitié des gens veulent partir de la région », attaque Julien Bayou, qui veut des transports plus « fiables », plus de « logements sociaux » et de « rénovation thermique », des projets d’alimentation « 100 % bio ou locale » et une lutte renforcée contre la pollution. « Le plan Etat-région pour la qualité de l’air, signé en 2017, envisage un retour dans les normes sanitaires en 2023. Donc vous assumez le fait que pendant toute une mandature, on ait entre 10.000 et 20.000 morts évitables du fait de la pollution », dénonce le candidat EELV, qui pense que « demain, des personnes pourront engager la responsabilité de Valérie Pécresse et de l’Etat car le préfet et la région ont choisi de ne pas agir ». Vantant un « triple bouclier, sanitaire, social et écologique », Julien Bayou veut y croire :

Rien n’est écrit, mais s’il y a un chemin pour l’emporter, c’est quand l’écologie rassemble.

Car sans rassemblement de la gauche au second tour, la victoire sera impossible. Il faudra déjà passer l’épreuve du premier tour en forme de primaire à gauche. Or le risque pour la gauche, c’est de se cannibaliser et de s’étouffer mutuellement. Selon les sondages, les listes d’Audrey Pulvar, de Julien Bayou et de Clémentine Autain, candidate LFI soutenue aussi par le PCF, sont dans un mouchoir de poche et la marge d’erreur, autour de 10-12 %, quand Valérie Pécresse caracole en tête à plus de 30 %.

« Audrey Pulvar est la candidate qui allie à la fois la justice sociale et l’écologie »

Chez les socialistes, on espère bien retrouver le schéma qui a fait les beaux jours du parti à la rose : le PS en tête, les autres après. « Tous les sondages, à part ceux payés par Julien Bayou, donnent Audrey Pulvar en tête. C’est la candidate qui allie à la fois la justice sociale et l’écologie », soutient Rachid Temal, qui rappelle l’une promesse de sa candidate, « la gratuité des transports ». Sans oublier des « aides pour des logements dignes et décents » ou encore un « pass jeune ».

Dans cette élection à deux tours, le PS l’assure : il tendra la main s’il est en tête. « Je vous confirme que, bien sûr, au soir du premier tour, car nous serons en tête, nous proposerons une alliance aux autres forces de gauche sur la base de notre projet, car il faut une ossature, tout en reprenant des choses des autres », affirme le directeur de campagne, qui pense que « l’alternative de gauche est possible en juin ».

Encore faut-il éviter les tensions à gauche. « Nous avons une seule concurrente, c’est Valérie Pécresse », assure Rachid Temal. Eric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis et soutien de Clémentine Autain, n’a pas tout à fait la même lecture. Pour lui, Valérie Pécresse est « une adversaire » et les autres listes de gauche « des concurrents »… Pointant « le bilan de la région en matière de lycées », de logements ou les « aides aux écoles, qui vont autant au privé qu’au public », Eric Coquerel pense que le programme de Clémentine Autain « est le plus utile et efficace, il porte le plus radicalement les questions de service public, d’aménagement du territoire, d’écologie et de transports ».

« La fusion à gauche n’est pas forcément acquise. Mais c’est préférable » affirme Eric Coquerel (LFI)

Pour le second tour, le responsable LFI est moins affirmatif que ses amis de gauche. « Je ne dirige pas la liste mais non, la fusion n’est pas forcément acquise. Mais c’est préférable. Sinon, je vois mal comment on peut l’emporter », dit-il. Sans se cacher derrière son petit doigt, Eric Coquerel reconnaît qu’« on s’entend programmatiquement plus facilement avec EELV qu’avec le PS, avec qui il reste des différences ». Il ajoute :

Avec une liste menée par Julien Bayou, si on est en tête, ce sera plus facile de s’entendre.

Sophie Taillé-Polian préfère voir le verre à moitié plein. « Comparé à il y a quelques années, où le PS refusait de parler à LFI et réciproquement, les choses ont beaucoup évolué à gauche. A la réunion du 17 avril, qui a rassemblé le PS, EELV, LFI, le PRG et des ex-macronistes, tout le monde se parlait » rappelle la sénatrice de Génération.s. Julien Bayou assure lui qu’« il y a du respect mutuel » et qu’il n’y aura « pas de problème » pour s’unir au second tour. Si possible derrière lui, évidemment. Et en cas de victoire, cela permettra-t-il de renforcer la dynamique à gauche pour 2022 ? « Evidemment et on s’en réjouira. Mais l’enjeu, c’est de se concentrer sur les régionales », élude le numéro 1 d’Europe Ecologie Les Verts.

Laurent Saint Martin (LREM) défend une « troisième voie, un projet de transformation »

Entre la gauche et la droite, Laurent Saint-Martin fait figure de challenger. Il entend défendre « une troisième voie, un projet de transformation », entre les « nouveaux défis créés par la crise », avec des « vies quotidiennes qui ne sont plus les mêmes : la relation au travail, au logement et l’enjeu des transports seront bouleversés ».

Laurent Saint Martin propose de « créer un fonds d’épargne populaire, que chaque Francilien pourra abonder. La région et les Franciliens pourront participer et investir en fonds propres dans des PME, aider des artisans ». Une proposition très macronienne et dans l’ADN d’En Marche, car à la fois « participative » et pro business.

Reste un handicap, que le candidat reconnaît lui-même : « Je suis moins connu que les autres ». Mais il l’explique : « Je n’ai pas cette stratégie à quatre bandes à aller chercher l’Elysée je ne sais quelle année, ou pour servir de marche pied à des candidats ». Un ministre salue « un très bon député qui connaît bien sa région ». Il ajoute :

Pour un inconnu, Laurent Saint Martin ne fait pas un mauvais score. (un ministre)

Pour lui prêter main-forte, quatre ministres épauleront les listes : Emmanuelle Wargon, derrière Laurent Saint-Martin dans le Val-de-Marne, Amélie de Montchalin, tête de liste dans l’Essonne, la secrétaire d’Etat Nathalie Elimas, numéro 1 dans le Val-d’Oise, et Marlène Schiappa, qui mènera les marcheurs à Paris. « Il faut une tête de liste un peu pushy » dit le même ministre. « Elle est médiatique et coche les cases parisiennes », salue un autre membre du gouvernement. De quoi redorer le blason de LREM à Paris, « où on s’est lamentablement gaufrés aux municipales » reconnaît le même ministre.

« Pécresse sera difficile à battre », mais ce ne sera pas « finger in the nose », selon Laure Darcos (LR)

Pour le second tour, les voix LREM seront indispensables à Valérie Pécresse pour gagner. Mais elle a déjà refusé toute fusion. « Il n’y aura pas de manœuvre. Le choix de la clarté est du côté de Valérie Pécresse », assure Roger Karoutchi. Celui qui s’occupe des négociations pour la composition des listes, avant une commission d’investiture le 3 mai, appelle déjà au vote utile. « Il n’y a pas 30 possibilités : soit Valérie Pécresse continue son action, soit la gauche gagne. Que les électeurs ne perdent pas de temps et fassent un vrai choix. Voter RN ou En Marche, c’est ne pas voter pour le prochain président de région », lance le sénateur LR, qui jouit d’une certaine expérience en matière d’élection. Il ajoute :

Les électeurs qui seraient tentés de voter pour En Marche, je les invite à faire barrage aux dérives gauchistes et à voter tout de suite Pécresse.

« Elle sera difficile à battre, mais on n’est pas dans un état d’esprit finger in the nose », glisse Laure Darcos. « Il faut rester vigilant », prévient encore Roger Karoutchi, qui rappelle que « la gauche a dominé la région de 1998 à 2015. C’est une région qui n’est pas manifestement de droite, mais plutôt à gauche ».

« Le RN progresse en Ile-de-France. Les vents sont porteurs »

Le Rassemblement national pourrait bien jouer les trouble-fêtes en Ile-de-France, comme dans d’autres régions. Si le RN n’a aucune chance de l’emporter ici, « le RN va faire un score », sait bien Roger Karoutchi.

« Je ne vais pas vous la faire à l’envers, j’ai regardé les chiffres des précédentes élections. A Paris, c’est un électorat qui ne nous est pas suffisamment acquis », admet Philippe Ballard, tête de liste RN dans la capitale. Celui qui vient de lâcher LCI et le journalisme pour se lancer en politique croit cependant aux chances de son nouveau parti – il y a « adhéré en septembre » en réalité. « On progresse en Ile-de-France. Je pense que les vents sont porteurs » croit-il. « On a compris que Pécresse voulait faire de la sécurité un de ses thèmes de campagne. Mais quand elle était ministre du Budget de Sarkozy, 12.500 postes de policiers et gendarmes ont été supprimés », lance Philippe Ballard, qui se fait vite à ses nouveaux habits. Le second tour se jouera a minima dans une triangulaire en Ile-de-France, si ce n’est une quadrangulaire Pécresse, gauche, RN, LREM. Les charmes des régionales.

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