Régionales : en Paca, Renaud Muselier, LREM et le risque du « baiser de la mort »

Régionales : en Paca, Renaud Muselier, LREM et le risque du « baiser de la mort »

Le président LR sortant est pris en tenaille entre le RN, favori des sondages, et une éventuelle union de la gauche. Engagé dans un numéro d’équilibriste, Renaud Muselier ne ferme pas la porte à une alliance avec LREM, hypothèse qui met le feu aux poudres de son parti.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

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S’allier avec LREM aux régionales ? « C’est un baiser de la mort », prévenait un dirigeant des Républicains il y a quelques semaines. Plusieurs présidents de régions de droite pourraient bien céder à la tentation pour assurer leur victoire. « Ce n’est pas exclu que Bertrand ait vraiment besoin de ces voix. Pécresse va être très emmerdée aussi », prédisait le même cadre du parti à propos des deux ex-LR. Et Renaud Muselier, le président de la région PACA, toujours encarté au parti ? « Muselier tiendra », voulait croire en privé le patron des LR, Christian Jacob, qui a pour objectif de « conserver les régions acquises ». Mais rien n’est moins sûr à propos du Provençal. Depuis quelques semaines, les vagues secouent la rue de Vaugirard et LR craint une alliance dès le premier tour de l’ancien protégé de Jean-Claude Gaudin avec la liste de Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées.

Mariani, « un traître et un opportuniste »

Car en face, la menace du Rassemblement nationale pèse. Thierry Mariani, transfuge de l’UMP, ami de « trente ans » de Muselier, porte la liste du parti à la flamme et fait la course en tête au premier tour dans les sondages. Un affrontement difficile sur le plan arithmétique et humain, de la bouche même de Muselier. « On se connaît par cœur. Cela pourra avoir un avantage : pas de coups bas. Ou alors s’il y en a, ce sera une boucherie », confiait-il à propos de Mariani au Figaro. Le chef de file du RN ne s’est pas empêché d’asséner les premiers coups de griffes sur RMC : « Si Monsieur Jacob laisse l’investiture du parti Les Républicains à Renaud Muselier, ça veut dire que Les Républicains sont déjà un pied avec Monsieur Macron ». « Ce sont des adversaires. Le pire, c’est le non-dit. Mais il faut dire les choses calmement », analyse en soutien de Muselier, le sénateur LR Patrick Boré. Dominique Estrosi Sassone, sénatrice LR des Alpes-Maritimes, connaît bien les deux hommes. Elle était sur la liste des régionales de Renaud Muselier en 2004 et sur celle de Mariani en 2010. Désormais, elle fusille l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy : « Mariani a trahi et est allé à la soupe du RN. Il était brûlé dans notre famille. Il est parti et il a trahi. Dans notre électorat, il a l’image d’un traître et d’un opportuniste. »

En s’alliant avec LREM, le président de région sortant verrait sa liste dépasser de quelques points celle du RN au premier tour, selon le dernier sondage. Un jeu dangereux pour un parti qui fustige à longueur de sorties médiatiques la politique du gouvernement. Renaud Muselier joue donc au funambule depuis de longues semaines : le président de région plaide dans le Monde pour un « rassemblement » autour de lui, car il veut « gagner », plutôt qu’une alliance irritante pour son parti. Toujours sur un fil.

Dans le Sud, il n’est pas le premier des ténors LR à flirter avec le macronisme. Le maire de Nice, Christian Estrosi avait appelé dans le Figaro sa famille politique à « passer un accord avec Macron » dans la perspective de 2022. Hubert Falco, le maire de Toulon porte lui aussi cette ligne. « Je veux faire avec tout le monde, mais je ne ferai pas d’accord d’appareil. Je ne pourrais jamais m’entendre avec En marche !, c’est pour ça qu’il n’y aura pas d’étiquette », a, lui, assuré Renaud Muselier en prélude de la dernière séance plénière de son mandat selon Le Monde.

La guerre des LR

Pour certains au parti, le numéro d’équilibriste de Renaud Muselier ne passe pas. A l’image du député des Alpes-Maritimes et président de la Commission nationale d’investiture du parti, Éric Ciotti. Agacé, Muselier a répondu par un tweet sanglant ce mercredi matin : « Ciotti a dit que je pourrais avoir la défaite et le déshonneur aux régionales. En 2017, je les ai évités en appelant à voter pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen. Lui pas. Nous n’avons clairement pas la même idée de la droite, ni de la France. » A Marseille, « le sang coule sous le soleil, mais il coule », écrivait Eugène Saccomano, illustre voix du sport sur Europe 1 et ancien localier au Provençal.

Le député LR du Vaucluse et ancien candidat à la présidence du parti, Julien Aubert, s’oppose lui aussi à une alliance avec LREM. Il lance un avertissement dans le Monde : « Si ça devait être cette option-là, ce que je n’ose pas imaginer, je n’irais pas sur les listes de Muselier. Je ne peux pas coexister avec des gens que je combats dans l’hémicycle. » Parmi les « plus proches amis » de « Muso », le sénateur Patrick Boré évacue les critiques internes : « Quand on fait de la politique, on ne doit pas s’occuper des autres. » Lui préfère mettre en avant le programme du candidat Muselier. « Une démarche de liste, c’est la bonne personne au bon endroit. Allons chercher des personnes qui feront le développement du programme de Renaud ! Avant d’avoir des chicayas de parti, en disant untel est plus à droite que toi, la question c’est : est-ce que notre programme est le plus efficient pour les électeurs ? » Et martèle : « Ne nous focalisons pas sur les hommes ! » Mais Renaud Muselier n’est pas l’abri d’une liste dissidente, menace brandie par des LR. « Le pari de Muselier est risqué », observe d’un œil le sénateur communiste, membre du Printemps Marseillais, Jérémy Bacchi.

Côté LREM, les potentiels alliés sont eux-mêmes divisés. Certains, comme le député macroniste Loïc Dombreval, appellent dès maintenant à rejoindre Muselier, craignant une victoire du RN. Dans le Figaro, l’élu des Alpes-Maritimes « souhaite que tout soit mis en œuvre pour qu’un accord soit trouvé » dès le premier tour. Tout l’inverse de son collègue de l’Assemblée et député des Bouches-du-Rhône, Saïd Ahamada, défenseur de la candidature de Cluzel. La candidate affiche quant à elle sa « détermination ». Dans le même temps, le patron des marcheurs à l’Assemblée, Christophe Castaner, n’a pas hésité à parler de « main tendue » à Renaud Muselier dans le Parisien…

Les quelques fois où elle l’a vu au début de l’année, Dominique Estrosi Sassone n’a pas manqué de répéter à Renaud Muselier « qu’il n’y avait pas besoin d’alliance au premier tour ». Soutien du président sortant, qui a succédé à Christian Estrosi en 2015, la sénatrice argue du « bilan positif, du quadrillage du terrain, des alliances avec des conseillers régionaux du Modem » comme des augures de succès. « Au soir du premier tour, on verra bien quels sont les résultats et commencera alors une autre campagne où il sera toujours temps de faire des alliances. On sera en position de voir comment on intégrera quelques candidats de LREM. Mais pas dès le premier tour et pas avec des personnes qui cristalliseront une partie de notre électorat ». Pour l’heure, rien ne presse, selon elle.

« L’union de la gauche, je ne sais pas »

A gauche, l’équation n’est pas plus simple. EELV part pour le moment de son côté derrière Jean Laurent Felizia. Guy Benarroche, sénateur écologiste des Bouches-du-Rhône, décrypte la stratégie de son parti : « L’union de la gauche, je ne sais pas. On avance toujours avec la même ligne directrice : rassembler le pôle écologiste ». Concrètement, le rassemblement se fait par cercles « concentriques ». « Dans le premier il y avait le pôle écolo ; dans le deuxième cercle, le PS, Génération. S et d’autres. Il y a une possibilité pour qu’il y ait la France Insoumise. Mais on n’en est pas encore au troisième cercle. Tout cela doit aboutir dans les trois jours qui viennent », explique-t-il. Le programme est en tout cas « déjà prêt » et les partenaires éventuels pourront y contribuer.

D’autant qu’une réunion entre toutes les composantes de la gauche locale avait lieu à l’heure où nous écrivons ces lignes. « Il y a déjà eu un rassemblement d’une dizaine de partis de gauche à l’exception d’EELV. Des discussions vont avoir lieu dans les heures qui viennent avec le pôle écologiste. C’est une question de méthodologie. Les discussions sur les départementales ont un peu duré », confiait le communiste Jérémy Bacchi, quelques minutes avant la réunion à laquelle il participe. Il ajoute : « L’ambition en PACA, c’est de faire l’union la plus large possible. Les sondages donnent une gauche morcelée et chacune des composantes en dessous de 10 %. Mais cumulée, cette gauche est capable d’arriver seconde au premier tour, devant Renaud Muselier ». Le jeune élu redoute en outre le « risque du RN » qui « oblige » la gauche à « s’allier ». Pour reproduire le coup du Printemps Marseillais, qui a ravi la mairie de Marseille aux mains de la droite lors des dernières municipales ? En Paca, tout est question d’accords.

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