Régionales : l’écologiste Julien Bayou peut-il battre Valérie Pécresse en Ile-de-France ?

Régionales : l’écologiste Julien Bayou peut-il battre Valérie Pécresse en Ile-de-France ?

La gauche, qui s’est rapidement unie autour de Julien Bayou, doit mobiliser son électorat pour espérer l’emporter. « Ce n’est pas gagné du tout », met en garde Robin Reda, qui mène la liste de droite en Essonne. D’autant que Laurent Saint-Martin (LREM) s’est maintenu. La droite « joue à se faire peur » pour dramatiser le scrutin, selon le sénateur LREM Julien Bargeton, qui pense que « Valérie Pécresse sera réélue ».
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Au soir du premier tour des régionales, Valérie Pécresse affichait le sourire des beaux jours. Affichera-t-elle le même dimanche prochain ? Arrivée en tête du premier tour avec 36,18 % des voix, la présidente sortante (ex-LR, Libres !) de la région Ile-de-France semble en bonne posture pour l’emporter. Mais dans une élection, rien n’est écrit à l’avance, surtout avec de tels niveaux d’abstention, à 69 % dans la région. En face, la gauche a très vite fait l’union autour de Julien Bayou. Le candidat EELV est arrivé en tête de son camp, avec 12,97 %, suivi d’Audrey Pulvar (PS), à 11,07 % et de Clémentine Autain (LFI), à 10,23 %. Soit un total gauche à plus de 34 %, qui talonne Valérie Pécresse. Les trois se retrouvent ce soir, à la Bellevilloise, pour un dernier meeting commun, avant le second tour.

On sait qu’arithmétique et politique ne font en général pas bon ménage. Les additions sont loin d’être automatiques. Mais sur le papier, le scrutin peut être serré. Surtout que le candidat LREM Laurent Saint Martin se maintient avec ses 11,79 %, tout comme Jordan Bardella pour le RN et ses 13,14 %. « Dimanche soir, ce sera le moins à l’aise de tous les candidats à droite », prédit un responsable de la majorité présidentielle.

« Il y a une possibilité de faire basculer la région », croit le sénateur PS Rachid Temal

Pour chaque camp, il s’agit de mobiliser son électorat. C’est l’abstention différentielle qui fera l’élection. « On a deux enjeux. Il faut d’abord faire revenir tous ceux qui ont voté pour nous au premier tour. Et élargir. La question, c’est est-ce qu’un écologiste peut élargir notre électorat collectif ? Je pense que pour dimanche, il y a une possibilité de faire basculer la région », croit le sénateur PS Rachid Temal. Celui qui était le directeur de campagne d’Audrey Pulvar est aussi en tête de liste dans le Val-d’Oise, après la fusion des listes de gauche. « L’objectif, c’est le report de voix. Et c’est aussi d’aller chercher des électeurs qui ne sont pas venus dimanche dernier », insiste-t-il. Le socialiste sait bien qu’une partie des voix peut se perdre entre les deux tours, alors que la gratuité des transports défendue par Audrey Pulvar se retrouve limitée au moins de 18 ans, puis aux précaires de moins de 25 ans, après la fusion.

D’ici là, « il faut travailler ville par ville, bureau de vote par bureau de vote. Les électeurs de gauche ne sont pas assez venus, comparé aux municipales », constate Rachid Temal, qui ajoute :

Il faut se dire comment, dans chaque bureau de vote, on va chercher 5 ou 10 voix de plus. Et dans ce cas, on sera devant.

« Pécresse nous fait le coup des chars de Varsovie qui débarque sur les Champs-Elysées ! »

Valérie Pécresse, elle, attaque fort et a dénoncé mercredi, lors d’un débat sur BFM-TV, « une gauche radicale alliée à l’extrême gauche ». Un ton qui fait rire un pilier de la majorité à l’Assemblée : « Elle nous fait le coup des chars de Varsovie qui débarque sur les Champs-Elysées ! » Des attaques qui amusent moins Rachid Temal : « Je n’ai pas de leçons à recevoir d’une dame qui s’alliait à l’époque avec Sens commun ».

« Je ne suis pas de gauche radicale, ni d’extrême gauche, faut être sérieux », ajoute encore l’ancien premier secrétaire du PS par intérim, qui « appelle » Valérie Pécresse « à faire projet contre projet et non anathèmes contre anathèmes, ou mensonges contre mensonges ». Dans une campagne d’entre-deux tours très courte, reste à voir si le tweet diffusé dès lundi par Julien Bayou, où on le voit avec Audrey Pulvar et Clémentine Autain sur fond d’image d’explosion, sera apprécié par tous les électeurs. Pas sûr. Certains pourraient avoir du mal à comprendre ce geste et y voir « une erreur », au moment où il faut élargir et sortir de l’image d’activiste écolo. A moins à l’inverse que ce genre d’image permette de toucher l’électorat jeune, qu’il faut mobiliser pour dimanche.

Le camp Pécresse « extrêmement prudent »

A droite, Valérie Pécresse a reçu deux soutiens qui pourront surprendre : celui de l’ancien président de région socialiste, Jean-Paul Huchon, et de l’ancien premier ministre PS Manuel Valls. « Ce sont de très bonnes surprises. On voit que la gauche républicaine ne peut pas imaginer cette association d’extrême gauche », salue la sénatrice LR Laure Darcos, à la tête de la fédération LR de l’Essonne et porte-parole de Libres, le mouvement de Valérie Pécresse. « Ils avaient fait un choix contre le PS et étaient avec LREM, lors de la présidentielle. Ils ne sont plus socialistes », rappelle pour sa part Rachid Temal, qui minimise.

Autre signe encourageant pour la présidente sortante : un sondage OpinionWay/CNEWS donne ce jeudi Valérie Pécresse loin devant, à 43 %, contre 31 % pour Julien Bayou. Mais 26 % des sondés ne se prononcent pas. A prendre avec quelques pincettes, quand on voit que les sondages se sont trompés au premier tour dans plusieurs régions. Laure Darcos reste d’ailleurs « extrêmement prudente. Les réservoirs de voix sont très minimes chez nous ». L’électorat âgé, qui a tendance à voter plus à droite, s’est plutôt moins s’abstenu.

« L’abstention est un poison mortel qui peut défaire un pronostic »

« Notre but est d’aller chercher les abstentionnistes », « avec les dents » s’il le faut, lance la sénatrice LR. « Les réservoirs de voix, ce sont les jeunes actifs, les quadras, qui peuvent se sentir moins concernés », détaille Laure Darcos. « Il y a beaucoup d’endroits où on a sous-performé à cause de l’abstention, notamment à l’ouest de l’Ile-de-France, à Paris, ou même dans plein de communes de l’Essonne », ajoute Robin Reda, député LR du département, qui mène la liste en Essonne. Il ajoute :

On met en garde les électeurs qui pensent que les choses sont jouées d’avance et qui pensent pouvoir aller se balader ce week-end.

Si bien que Robin Reda soutient que « ce n’est pas gagné du tout. L’abstention est un poison mortel qui peut défaire un pronostic. On est très prudent et on avance avec humilité ». Lui aussi dépeint une gauche quasiment le couteau entre les dents. « On estime être le vrai front républicain face à l’extrême gauche qui ne vaut pas mieux que l’extrême droite dans le pays », lance celui qui est aussi vice-président de « Libres ! ».

« Voter LREM, c’est autant de voix en moins pour Valérie Pécresse »

Le camp Pécresse vise la gauche, mais il n’est pas tellement plus tendre avec Laurent Saint-Martin, qui s’est maintenu. Cette quadrangulaire avec le RN rend de fait la bataille plus serrée. « Je ne comprends pas que LREM cherche à sauver quelques postes. Voter LREM, c’est autant de voix en moins pour Valérie Pécresse. Pour nous, rien n’est gagné », soutient Robin Reda. « C’est quand même fort de café. Ce sont 10 % qui auraient pu nous revenir direct », pense Laure Darcos, qui « en veut à la liste des marcheurs », d’autant qu’« il n’y a pas une feuille de papier à cigarette entre leurs propositions et les nôtres. C’est ridicule que la liste LREM se maintienne ».

Du côté de la majorité présidentielle, un député Modem ne comprend pas en réalité pourquoi Valérie Pécresse n’a pas tendu la main en amont. « Ça fait des mois qu’elle ne pouvait pas faire l’économie d’une alliance avec nous. Je ne sais pas pourquoi elle n’a même pas essayé », s’étonne ce parlementaire, qui rappelle que « la dernière fois, c’était très juste face à Bartolone. Elle avait gagné de peu ».

LREM veut être une « opposition constructive »

Chez LREM, on croit surtout que Valérie Pécresse en rajoute beaucoup. Ou plutôt qu’elle dramatise le scrutin pour mieux mobiliser son électorat. Classique. C’est ce qu’affirme le sénateur LREM Julien Bargeton, numéro 2 de la liste de Laurent Saint-Martin à Paris :

Il n’y a pas de suspens pour le second tour. Valérie Pécresse joue à se faire peur pour déclencher un vote utile et la gauche joue à se faire plaisir, mais en réalité, Valérie Pécresse sera réélue présidente de région.

Pour le macroniste, l’enjeu est plutôt « de ne pas laisser le conseil régional à Valérie Pécresse et aux oppositions de gauche, qui ont perdu leur boussole, et à l’extrême droite. Il faut qu’il y ait une opposition constructive, qui soit humaniste, progressiste ». Concrètement, « il y a des dossiers qu’on votera, si ça va dans le bon sens, si on peut les améliorer. Et si ça ne va pas, on votera contre », assume Julien Bargeton.

« Si Valérie Pécresse avait pensé qu’il y avait le moindre doute, elle aurait tendu la main à LREM »

Preuve selon le sénateur LREM qu’il n’y aura pas de surprise, « la gauche fait semblant d’y croire. Julien Bayou reste un activiste ». Quant à « Valérie Pécresse, si elle avait pensé qu’il y avait le moindre doute, elle aurait tendu la main. Le fait qu’elle ne le fasse pas et annonce la même liste, ça montre qu’elle ne croit à aucun moment qu’il y a un risque. Elle a fermé la porte à un rapprochement », constate le sénateur LREM de Paris. Si Valérie Pécresse n’a pas proposé de fusion, « c’est par souci de clarté », répond Robin Reda, mais « elle a tendu la main à beaucoup d’élus Macron compatibles qui sont venus sur sa liste avant le premier tour ». La candidate n’avait pas non plus intérêt à un baiser de la mort, en cas de fusion avec LREM, qui l’aurait affaiblie pour d’autres ambitions, plus nationales.

Car pour la présidente sortante, l’autre enjeu, si elle est réélue, sera le niveau de son score dimanche soir, en vue de la bataille pour le leadership à droite. Xavier Bertrand, déjà candidat pour 2022, et Laurent Wauquiez, devraient être réélus haut la main. La comparaison se fera forcément. « Valérie Pécresse n’a pas besoin de rentrer dans ce match stérile et bassement viril. A ce compte-là, on peut dire qu’elle a fait 800.000 voix au premier tour et Xavier Bertrand 550.000 », rétorque Robin Reda, « pas sûr que ce soit là que se joue la primaire ou le départage de la droite et du centre ». Mais en cas de victoire, un nouveau chapitre démarrera, tourné vers 2022. Et il faudra quand même bien lire entre les lignes, lors des discours dimanche soir, après les résultats.

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