Régionales : prime aux sortants pour LR et PS, recul du RN, LREM à la peine

Régionales : prime aux sortants pour LR et PS, recul du RN, LREM à la peine

Le premier tour des régionales est marqué par une abstention record, qui a pénalisé le RN, dont la seule chance de victoire est en PACA. La faible participation a fait le jeu des sortants, qu’ils soient de droite ou de gauche. Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, trois présidentiables à droite, sont largement en tête, et sortent tous les trois renforcés. A gauche, les cartes sont rebattues. EELV, qui voulait se compter, arrive derrière le PS.
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Election après élection, les scrutins se ressemblent : l’abstention est au plus haut. Au premier tour des élections régionales et départementales, ce 20 juin, elle atteint même un record, avec 66,1 %. Entre désintérêt et volonté pour les électeurs d’exprimer un mécontentement, ce scrutin, déplacé de trois mois pour cause de covid-19, n’a pas mobilisé.

  • En tête, LR voit ses sortants au plus haut

Une faible participation qui profite aux présidents de régions en place. Une prime aux sortants qui a fait le jeu de LR. Sur le plan national, la droite se retrouve en tête du premier tour, avec 28,4 % des voix, selon notre sondage Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions/Radio France/LCP-AN Public Sénat (voir aussi tous les résultats et notre carte intéractive).

Dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand (ex-LR) écrase le match (voir notre article). Il est l’un des grands gagnants du scrutin. Avec 42,1 % des voix, il sort largement en tête du premier tour, devant le RN Sébastien Chenu (24,5 %). Il devrait être réélu dimanche prochain, lui ouvrant les portes de 2022. Il avait fait d’une victoire la condition sine qua non du maintien de sa candidature à la présidentielle.

La droite voit Valérie Pécresse (ex-LR, Libres !) arriver aussi largement en tête du premier tour, avec 34,7 % (lire ici). Sauf sursaut de participation à gauche, elle devrait être réélue. Autre présidentiable, Laurent Wauquiez, en Auvergne Rhône-Alpes, caracole en tête, avec 42,7 % des voix. En Pays-de-la-Loire, la sortante Christelle Morançais est première avec 34,5 %, tout comme Jean Rottner dans le Grand Est, avec 30,2 %. En Paca, Renaud Muselier est juste derrière le RN Thierry Mariani. Il pourrait sauver son siège mais le second tour sera serré (lire notre article).

Fort de ces bons scores, LR peut même caresser quelques espoirs en vue de 2022, à condition de partir uni. Mais attention, transposer les résultats d’une élection à une autre, en particulier la présidentielle, avec sa dimension personnelle, serait un piège.

Mais le succès de LR n’est paradoxalement pas une si bonne nouvelle pour eux. Car si Xavier Bertrand sort renforcé, Valérie Pécresse ou même Laurent Wauquiez, pour un éventuel retour sur le plan national, seront tout aussi légitimes à faire valoir leurs ambitions. Avec trois président(e) de région de poids, solidement installés, la droite risque de ne pas être plus avancée pour trouver son candidat pour 2022.

Le patron du parti, Christian Jacob, est très réticent pourtant à l’idée d’une primaire, défendue par le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau. « A moins d’un an de l’élection présidentielle, le constat est sans appel : les Français, dans leur majorité, ne veulent pas de ce faux duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Ils sont les deux grands perdants de ce premier tour », a réagi le président du groupe LR du Sénat, qui se réjouit d’un point : « Quant à la droite, la preuve est faite qu’elle peut constituer une véritable alternance, si elle trouve la force de dépasser ses divisions comme ses indécisions. […] Les idées de LR sont majoritaires dans le pays ».

  • Les bons scores du PS, qui devance EELV, rebattent les cartes à gauche

A gauche, même chose, « c’est la prime aux sortants », se réjouit Patrick Kanner, président du groupe PS. En Nouvelle Aquitaine, Alain Rousset, qui vise un cinquième mandat, devrait être réélu sans difficulté. Il est toujours solidement ancré dans son territoire et arrive largement en tête avec 29,2 %. En Occitanie, Carole Delga fait un très gros score, avec 39,5 %, loin devant le RN. En Bretagne, le président socialiste sortant Loïg Chesnais-Girard est aussi en tête avec 21,3 %. En Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay fait mentir les sondages et arrive à la première place (lire notre article). En région Centre-Val-de-Loire, le sortant François Bonneau est en tête (25,5 %) et devance le RN.

Autre enseignement de la soirée : le parti à la rose arrive en tête des forces de gauche, avec 15,8 % au plan national, devant EELV (13,2 %) et LFI (5,2 %). Les écologistes avaient voulu partir seul dans la majorité des régions pour se compter. Et espérer marquer leur leadership à gauche, après leurs bons scores des municipales. C’est raté. Le PS a encore quelques beaux restes dans les territoires.

« Globalement, le bloc social et écologique est majoritaire, autour de 35 % », se réjouit Patrick Kanner. « Nous sommes sur une base très positive. La gauche rassemblée est forte. Et dans ce bloc, le PS reste la force centrale », se réjouit l’ancien ministre. Le sénateur du Nord ajoute : « On voit que s’il y a trois candidats de gauche en 2022, ce ne seront que des candidatures de témoignage ».

« On retrouve une forme de clivage droite gauche dans cette élection », constate encore l’ancien ministre de François Hollande. C’est un peu la revanche de l’ancien monde ce soir. Reste qu’avec une abstention record, « notre démocratie souffre », alerte Patrick Kanner.

Au passage, il dénonce le problème d’acheminement des professions de foi. « Quand des millions de Français ne reçoivent pas les professions de foi pour les régionales, qu’elles arrivent il y a plus d’un mois pour les départementales, donc trop tôt, on touche au sabotage, sûrement pas volontaire, mais de fait. Gérald Darmanin n’est peut-être pas coupable, mais il est responsable ». Y voyant l'une des causes de l’abstention, Patrick Kanner ajoute :

Il faudra que des responsabilités soient dégagées. Très honnêtement, si on était dans un pays anglo-saxon, le ministre de l’Intérieur devrait démissionner.

  • Le RN manque le coche et subit de plein fouet l’abstention.

Pour le RN, c’est un peu l’arroseur arrosé. Pour le parti qui a profité du rejet du système et de la classe politique depuis des années, l’abstention, autre symptôme de ce rejet, est venue mettre à mal ses ambitions. Au soir du premier tour, le parti d’extrême droite fait face à une série de déconvenues. Dans l’absolu, ses scores sont bons, avec une moyenne de 19,3 % au niveau national, mais en deçà des sondages et des espoirs de Marine Le Pen. En 2015, le RN avait atteint 27,7 % des voix, soit un recul de plus de 8 points.

La seule chance de victoire se situe en PACA. Thierry Mariani (35 %) devance de peu Renaud Muselier. Il peut gagner, mais le candidat de la droite, qui avait bénéficié du soutien de LREM, pourrait conserver son fauteuil, malgré le psychodrame qui a marqué la campagne. La volonté de Jean-Laurent Felizia, candidat de la gauche, de se maintenir, pourrait cependant faire le jeu du RN (lire notre article). Reste qu’en 2015, la candidate du Front national Marion Maréchal avait réuni au premier tour 40,5 % des voix.

Ailleurs, c’est la soupe à la grimace pour le RN. En Bourgogne-Franche-Comté, que Marine Le Pen classait parmi les meilleures chances, Julien Odoul arrive second. Dans les Hauts-de-France, Sébastien Chenu, qui était donné proche de Xavier Bertrand dans les sondages, est loin derrière.

Explication de ces déconvenues : les électeurs du RN ne se sont pas mobilisés. 73 % des électeurs du RN au premier tour de la dernière présidentielle ne se sont pas déplacés (lire ici pour plus de détails). Marine Le Pen ne s’y est pas trompée. Elle appelle au « sursaut » de ses électeurs.

Régionales : Marine Le Pen s'exprime au soir du premier tour et appelle au sursaut des électeurs
02:43

Pour le RN, c’est peut-être aussi les limites de sa stratégie de banalisation, qui a succédé à la dédiabolisation. A vouloir arrondir les angles, le RN perd ses spécificités de parti antisystème et attrape tout, qui a fait son succès en rassemblant les colères d’électeurs issus de différents horizons.

  • LREM ne fait pas de miracle

C’est finalement pour La République En Marche que le scrutin réserve le moins de surprises. Comme prévu, le parti présidentiel ne fait pas de miracle, avec 10,6 % au niveau national. Il ne devrait gagner aucune région. En Centre-Val-de-Loire, le Modem Marc Fesneau, l’une des meilleures chances, arrive quatrième avec 16,3 %. Pire : dans les Hauts-de-France, Laurent Pietraszewski (9,1 %), avec moins de 10 % des suffrages exprimés, n’est pas en position de se maintenir pour le second tour. Il a appelé à voter Xavier Bertrand.

« Bien entendu, on espérait faire plus, être au-delà de 15 %. La peur du RN a profité aux sortants », réagit le président du groupe RDPI (LREM), François Patriat. « Pas surpris » du niveau d’abstention au regard des retours du « terrain », il a « toujours pensé qu’il y aurait 35 % de votants ». « Il s’est passé ce que je redoutais du fait de l’absence de campagne, de la notoriété qui allait jouer pour les sortants. Aller capter des électeurs peu disposés à voter en ce moment, sans porte à porte ni meeting, c’est une tâche difficile pour les candidats qui n’ont ni bilan, ni notoriété suffisante », ajoute le sénateur.

Point de satisfaction, François Patriat souligne que « le RN recule sous le mandat d’Emmanuel Macron ». LREM, qui subit sa jeunesse et son manque d’implantation, aura aussi des conseillers régionaux, comme en Bourgogne-Franche-Comté, où le candidat Denis Thuriot fait 11,9 %.

Enfin, pour François Patriat, il ne faut pas tirer de conclusion de l’élection sur le plan national. « C’est un scrutin qui n’intéresse pas les Français. Je le déconnecte totalement du scrutin présidentiel, où il y aura plus de 60 % de votants. Il n’y a aucune translation à faire ». Quant au gros score de Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France, le patron des sénateurs LREM l’assure : ça ne l’inquiète pas. « Il fait un score élevé, mais à relativiser par rapport au nombre de votants. Ça ne veut rien dire pour la présidentielle ». Ce n’est pas ce que Xavier Bertrand doit se dire ce soir.

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