Remaniement : quel casting pour «un nouveau souffle» ?

Remaniement : quel casting pour «un nouveau souffle» ?

Emmanuel Macron et Edouard Philippe bouclent d’ici mardi le remaniement censé (re)lancer l’an II du quinquennat. Si l’équilibre général de la politique ne va pas bouger, il convient d’incarner au mieux l’action, tout en gardant les équilibres en termes politiques, de parité et de représentation de la société civile.
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Remanier pour mieux relancer. Après la démission de Gérard Collomb, la nouvelle équipe gouvernementale devrait être annoncée ce lundi ou plutôt mardi. Pour l’exécutif, c’est l’occasion d’un remaniement important. Certains ministres, fatigués ou qui ont en partie déçu, pourraient quitter le gouvernement. Le premier ministre va présenter sa démission pour être aussitôt renommé pour former un gouvernement. Preuve que l’exécutif veut marquer le coup et donner de l’enjeu à ce remaniement.

Au sein des membres du gouvernement, une certaine fébrilité atteint les troupes dans l’attente de l’annonce. D’autant que très peu de personnes sont dans la boucle des discussions. « J’attends la décision du Président et du premier ministre, comme tout le monde » glisse à publicsenat.fr un ministre. Le même ajoute :

« Nous sommes tous réduits à écouter et lire les rumeurs » (un ministre)

Une chose est sûre : les coups de fil se sont multipliés encore pendant tout le week-end. Et le casting n’était pas encore totalement bouclé dimanche, selon un autre membre du gouvernement.

« Mauvaise manière »

Après une rentrée calamiteuse pour Emmanuel Macron, entre l’affaire Benalla, des résultats qui tardent aux yeux des Français et des critiques sur le ton de la communication présidentielle, le remaniement peut-il jouer un effet positif ? Pour François Patriat, président du groupe LREM du Sénat, « la rentrée n’a pas été difficile sur le plan législatif, mais sur le plan politique. La décision, prise conjointement entre le premier ministre et le Président, permettra de donner un nouveau souffle au gouvernement, en recadrant bien les postes, en redéfinissant les contours des ministères » explique-t-il, reprenant l’expression de « nouveau souffle » du président LREM de l’Assemblée, Richard Ferrand.

Le patron des sénateurs LREM a peu apprécié le départ du ministère de l’Intérieur de Gérard Collomb, son ancien collègue au Sénat. Il a allumé la mèche d’une nouvelle séquence difficile pour le gouvernement, au moment où le gouvernement tentait de reprendre la main. « J’ai du mal à comprendre qu’un ministre d’Etat, poids lourd politique, proche du chef de l’Etat, investi dans sa fonction, puisse deux ans avant l’élection préférer revenir à Lyon plutôt que participer à la réussite du quinquennat du chef de l’Etat. Cette décision de quitter précipitamment le gouvernement me paraît une mauvaise manière de quitter l’exécutif » lance François Patriat.

Plusieurs pistes pour l’Intérieur

Pour le ministère de l’Intérieur, les noms du sarkozyste Frédéric Péchenard, ancien patron de la police nationale, ou celui de François Molins, qui va quitter son poste de procureur de la République de Paris, ont été cités. Mais ces deux noms seraient « de moins en moins d’actu » selon un parlementaire. Selon le JDD, Jean Castex, ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy et actuel délégué interministériel aux grands événements sportifs, tiendrait la corde. Mais les choses peuvent encore bouger jusqu’au bout.

Le nom de Gérard Darmanin a aussi été évoqué. Mais il semblerait difficile de changer de poste le ministre des Comptes publics, juste avant l’examen du budget 2019. « Cela reste possible. La députée Amélie de Montchalin peut le remplacer » pense un membre de la majorité. Dans ce cas, pourrait commencer un jeu de chaises musicales au gouvernement, en faisant « monter » un secrétaire d’Etat. « Montchalin en rêve beaucoup, mais son heure n’est pas venue » tempère un député LREM au cœur de la macronie. « Elle connaît les dossiers, mais pour porter un message politique, je ne crois pas que ce soit la personne idoine ».

Si le nom de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a pu être donné sur le départ, cette hypothèse semble peu probable. D’autant que son texte sur la réforme de la Justice débute son parcours législatif demain au Sénat.

Travert et Nyssen sur le départ ?

A l’Agriculture, Stéphane Travert, dont le projet de loi sur l’agriculture et l’alimentation vient d’être adopté par le Parlement, est cité comme partant. Le président du groupe Modem de l’Assemblée, Marc Fesneau, pourrait lui succéder, alors que le parti de François Bayrou a fait montre d’un certain mécontentement depuis la rentrée.

A la Culture, Françoise Nyssen, sous le coup d’une enquête, pourrait être poussée vers la sortie. Certains imaginent Bruno Julliard, ex-premier adjoint chargé de la culture d’Anne Hidalgo, lui succéder. L’ancien président de l’Unef vient de rompre avec fracas avec la maire de Paris. Il aurait l’avantage d’être vu comme une prise politique estampillée de gauche.

Le cas Mézard

Si le gouvernement recherche des profils issus de la gauche, il pourrait regarder du côté du Sénat. En juillet dernier, une réunion avait été organisée dans la discrétion à la questure de la Haute assemblée autour d’Edouard Philippe, avec à la manœuvre Didier Guillaume, ancien président du groupe PS, qui a rejoint le groupe RDSE. Le sénateur PS et questeur du Sénat, Bernard Lalande, était notamment présent, avec une dizaine de ses camarades Macron-Compatibles.

Reste le cas Jacques Mézard. Le ministre de la Cohésion des territoires a été à plusieurs reprises donné sur le départ, depuis des mois. Mais renvoyer à la Haute assemblée l’ancien président du groupe RDSE du Sénat pourrait comporter quelques risques. D’autant qu’« il est belliqueux et sourcilleux » selon un élu. Les voix des Radicaux seront nécessaires pour adopter la réforme Constitutionnelle. Si d’aventure elles manquaient, cela compliquerait les affaires de l’exécutif, qui doit déjà trouver un terrain d’entente avec la majorité LR-UDI du Sénat sur le sujet. Autre argument, qui pourrait plaider en faveur de son maintien au gouvernement : les élections européennes. « Si Emmanuel Macron veut une liste large qui va des Radicaux aux juppéistes, c’est problématique. Le Président a besoin des Radicaux » analyse un parlementaire.

Pour répondre à la tension avec les élus locaux, dont les principales associations d’élus font front commun contre le gouvernement, les territoires pourraient être mieux représentés dans le futur gouvernement, avec un ministère plein et entier et donc renforcé. Pas sûr que cela suffise.

« Il y a une faiblesse du banc de touche »

Si le casting prend un peu de temps, c’est à cause des vérifications demandées auprès de la Haute autorité pour la transparence pour la vie publique, avant chaque nomination maintenant, sur la situation fiscale des futures ministres. Mais pas seulement. Car la macronie doit faire face à un petit problème de ressource humaine. Les profils ne sont pas légion. « Il y a une faiblesse du banc de touche, ils n’arrivent pas à remplacer les gens » raille le sénateur PS Rachid Temal. Le sénateur du Val-d’Oise n’attend pas grand-chose de ce remaniement. « Beaucoup de gouvernements on essayé de se relancer avec un remaniement. Il y a un effet mode quelques jours. Mais on n’a rien à attendre au final » tranche Rachid Temal.

Le dénouement devrait vite venir, a priori mardi, avant le conseil des ministres de mercredi et un nouveau discours de politique général le même jour. Manière de marquer le coup pour réellement (re)lancer l’an II du quinquennat, même si sur le fond, rien ne change véritablement. C’est plus la manière qui est revue. « Ce qui nous est reproché, c’est le style, pas le cap » souligne Sacha Houlié, député LREM. Emmanuel Macron pourra toujours décider de remanier sa politique lors d’un autre remaniement.

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