Retrait de Griveaux : après « la sidération », LREM à la recherche d’un nouveau candidat pour Paris

Retrait de Griveaux : après « la sidération », LREM à la recherche d’un nouveau candidat pour Paris

Après le retrait de la candidature de Benjamin Griveaux pour la mairie de Paris, suite à la diffusion d’une vidéo à caractère sexuelle, toute la classe politique dénonce « un torrent de boue » et « la démocratie des boules puantes ». LREM cherche en urgence un(e) candidat(e) de remplacement dans une campagne qui ne décollait pas. La fumée blanche pourrait apparaître dans le week-end ou en tout début de semaine prochaine.
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Coup de grisou dans la campagne des municipales à Paris. Benjamin Griveaux se retire de la course à la mairie de Paris. Le candidat LREM a annoncé sa décision vendredi 14 février, après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo à caractère sexuelle, qui le concernait.

« En annonçant ma candidature à la mairie de Paris, je connaissais la dureté du combat politique », a réagi Benjamin Griveaux, dans une déclaration enregistrée. « Depuis plus d'un an, ma famille et moi avons subi des propos diffamatoires, des mensonges, des rumeurs, des attaques anonymes, la révélation de conversations privées dérobées ainsi que des menaces de mort », a-t-il poursuivi. Il ajoute : « Ce torrent de boue m'a affecté et surtout a fait mal à ceux que j'aime. Comme si cela n'était pas suffisant, hier, un nouveau stade a été franchi. Un site internet et des réseaux sociaux ont relayé des attaques ignobles mettant en cause ma vie privée. Ma famille ne mérite pas cela. Personne, au fond, ne devrait jamais subir cette violence. En ce qui me concerne, je ne suis pas prêt à nous exposer davantage ma famille et moi quand tous les coups sont désormais permis. Cela va trop loin ».

Un artiste russe affirme avoir diffusé la vidéo

La vidéo a commencé à apparaître mercredi soir. Elle semble être issue d’un échange suggestif avec une femme et montre un homme, dont on ne voit pas le visage, en train de se masturber. Un artiste d’origine russe, Piotr Pavlenski, réfugié politique en France, a affirmé à Libération être celui qui a diffusé la vidéo.

Il explique vouloir « dénoncer l’hypocrisie » de l’ex-porte-parole du gouvernement. « C’est quelqu’un qui s’appuie en permanence sur les valeurs familiales, qui dit qu’il veut être le maire des familles et cite toujours en exemple sa femme et ses enfants. Mais il fait tout le contraire » explique-t-il. Il soutient tenir cette vidéo d’une « source » qui avait une relation consentie avec Benjamin Griveaux.

« Il y aura, quoi qu’il arrive, une liste »

Face à une forme de sidération, vendredi matin, la macronie ne se bousculait pas pour réagir. Stanislas Guerini, secrétaire général de LREM, a quand même pris la parole pour s’adresser à la presse. Il a tout de suite écarté une idée : pas de retrait du parti. Il y aura bien un(e) candidat(e) LREM à la mairie de Paris. « Nous avons un acquis considérable qui est le projet. C’est le plus ambitieux, celui le plus à même de proposer un changement pour Paris. (…) Notre responsabilité collective, c’est de continuer à porter ce projet » affirme Stanislas Guerini, qui réunira « dans les prochaines heures les cadres de la campagne pour réfléchir collectivement à la meilleure proposition pour continuer à porter notre projet et incarner la campagne à Paris ». « Il y aura, quoi qu’il arrive, je vous le dis avec toute ma force, une liste, parce que nous avons un programme » a affirmé quelques minutes avant la députée LREM de Paris, Olivia Grégoire.

« Sur le coup, c’est extrêmement violent » réagit auprès de publicsenat.fr Sylvain Maillard, député LREM de Paris, qui était chargé de la riposte dans l'équipe Griveaux. « La sidération est passée. On est dans l’action pour pouvoir très rapidement proposer une nouvelle tête de liste » ajoute le député LREM. Selon un membre de l’équipe de campagne, « ça va aller assez vite. On saura dans le week-end, ou le week-end prolongé peut-être ». Autrement dit, la fumée blanche pourrait apparaître en tout début de semaine prochaine, au plus tard.

La campagne de Benjamin Griveaux semble avoir été une succession de crises à gérer 

La campagne de Benjamin Griveaux semble avoir été une succession de crises à gérer : ses propos contre les autres candidats sortis dans la presse l’été dernier ; le cas Villani qui a maintenu coûte que coûte, au prix de la division, sa candidature ; des propositions, comme le déplacement de la Gare de l’Est, pour le moins critiquées… Et au final, une campagne qui ne prend pas, avec un candidat que certains jugent antipathique, pas assez humain. La faute certainement à son image de porte-flingue de la macronie et son passé de porte-parole du gouvernement, habitué des éléments de langage. Qui, finalement, a envie de voter pour un élément de langage ? La tentative entreprise pour réhumaniser « Benjamin » aura été veine et sûrement trop tardive. La déflagration de l’affaire de la vidéo a tout emporté.

Les cartes de la campagne s’en retrouvent rebattues. Il est encore cependant trop tôt pour voir les conséquences sur les dynamiques et savoir si les rapports de force s’en trouveront modifiés à la marge ou plus profondément.

« Ce qui se passe est grave pour la démocratie »

Mais au-delà des aspects politiques, cet événement amène beaucoup de questions. Les coups et « boules puantes » sont monnaies courantes en politique, et particulièrement durant les campagnes électorales. Mais la diffusion de cette vidéo crée un précédent dans la vie politique française. Un nouveau cap semble être franchi, en matière d’atteinte à la vie privée.

Toute la classe politique s’accorde pour dénoncer la situation. « Ces attaques ne sont pas dignes de notre démocratie. Ça doit nous interroger collectivement sur l’état de notre démocratie. On doit dire pas ici, pas en France » s’indigne Stanislas Guerini. Même sentiment pour Olivia Grégoire : « Je pense sincèrement que ce que nous passons, en termes de cap, est problématique. (…) Je suis inquiète en tant que députée, citoyenne. (…) Ce qui se passe est grave pour la démocratie ». Sylvain Maillard ne cache pas son émotion pour son « ami » Benjamin Griveaux et « sa famille ». Le député LREM ajoute :

Il y a un cap franchi qui est insupportable. C’est la démocratie des boules puantes. C’est ce qu’il y a de plus détestable. C’est un torrent de boue qui s’abat sur notre candidat.

Anne Hidalgo, la candidate socialiste sortante, en a simplement appelé « au respect de la vie privée ». « Ce n’est pas digne du débat démocratique qu’on peut avoir (…) et je souhaite qu’on puisse se concentrer à nouveau sur le débat pour Paris » demande la maire de Paris. « Je respecte la décision de Benjamin Griveaux. J’aurai l’occasion de lui exprimer directement ma sympathie et mon soutien » a simplement affirmé de son côté le premier ministre Edouard Philippe, lors d’un déplacement au Havre, où il est lui-même candidat.

« Marlène Schiappa fait partie des gens avec qui on réfléchit »

« Toute la journée », les équipes se réunissent maintenant pour plancher au candidat idéal. Un membre de la campagne dresse le portrait-robot : « Il faut quelqu’un qui soit connu des Parisiens, qui connaissent bien la campagne, l’ensemble de nos têtes de liste, qui est impliqué. Une personne connue et reconnue ».

Le nom de Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, candidate sur la liste du 14e arrondissement, revient sur toutes les lèvres. « Elle fait partie des gens avec qui on réfléchit » confirme un macroniste parisien. Ou pourquoi pas Olivia Grégoire ? « Tous les noms sont entendables. Ça peut être un marcheur comme un non marcheur aussi » explique-t-on. On évoque aussi le député LREM Hugues Renson, qui a pourtant soutenu Cédric Villani. Le nouveau nom qui sortira du chapeau pourra-t-il relancer une campagne qui patinait ? A voir. Pour l’heure, la macronie accuse le coup. Le retrait de Benjamin Griveaux complique encore la donne pour des municipales qui s’annoncent, globalement, difficiles pour la majorité présidentielle.

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