Retraites : ce qu’il faut retenir des annonces d’Edouard Philippe

Retraites : ce qu’il faut retenir des annonces d’Edouard Philippe

La réforme de la retraite par points s’appliquera à partir de la génération née en 2004, soit ceux qui entrent sur le marché du travail en 2022. Pour les autres, le système s’appliquera à partir de la génération née en 1975. « Une règle d’or » sera prévu « pour que la valeur des points acquis ne puisse baisser ».
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« Le temps est venu de construire un système universel de retraite ». Le premier ministre a commencé son discours comme il l’a terminé. Un discours très attendu, après bientôt une semaine de grève dans les transports contre la réforme des retraites du gouvernement. Devant le Conseil économique, social et environnemental, Edouard Philippe a pris le temps pour tenter de rassurer, alors que le flou entretenu par l’exécutif depuis des mois a été pour le moins anxiogène.

Réforme appliquée à partir de la génération 1975 pour ceux qui travaillent

Le premier ministre a annoncé que la réforme s’appliquera pour les nouveaux entrants sur le marché du travail dès 2022, soit « la génération 2004 ». Pour ceux qui travaillent, le système par point s’appliquera à partir de la génération née en 1975. Ceux nés avant ne sont donc pas concernés par la réforme. A noter que c’est le cas d’Edouard Philippe lui-même, né en 1970.

« La transition sera très progressive » a-t-il précisé, assurant que « toute la partie de carrière effectuée jusqu'à 2025 donnera lieu à une retraite calculée sur les anciennes règles » et que « seules les années travaillées à partir de 2025 seront régies par le système universel ».

« Règle d’or » sur la valeur des points acquis

L’âge légal de départ à la retraite est maintenu à 62 ans, conformément à la promesse d’Emmanuel Macron, mais il y a aura bien un « âge pivot » fixé à 64 ans. Un système de bonus/malus visera à inciter les Français à travailler jusqu’à cet âge pivot pour ne pas avoir de décote de sa pension. Et de lancer : « La seule solution, c’est de travailler un peu plus longtemps ».

Sur la valeur du point, sujet de crispation, « la loi donnera des garanties incontestables », il sera fixé « par les partenaires sociaux, sous contrôle du Parlement » avec « une règle d’or pour que la valeur des points acquis ne puisse baisser et une indexation progressive non pas sur les prix, mais sur les salaires ». « Chaque heure travaillée ouvrira des droits » dans ce système qui reste par « répartition ».

« Le système sera le même pour tous les Français, pour le député ou le conducteur de train » 

Concernant les régimes spéciaux, il confirme leur fin : « Nous mettrons fin aux régimes spéciaux, progressivement, sans brutalité ».

Le locataire de Matignon vante sa réforme autour de « trois principes : universalité, équité, responsabilité, qui forment le cœur de notre projet ». Universalité, car « le système sera le même pour tous les Français, sans exception », « pour le chercheur ou l’écrivain, pour le député ou le conducteur de train ». Donc « les élus, les ministres, seront exactement traités comme tous les Français ». « Les députés sont traités comme des fonctionnaires, mais les Français restent persuadés que les élus bénéficient de privilèges » ajoute-t-il, alors que le haut-commissaire a affirmé ces derniers jours que le régime avantageux des députés et des sénateurs seront concernés par la réforme. Des députés LREM ont aussi attaqué le régime des sénateurs (voir notre article sur le sujet).

« Les plus riches paieront une cotisation de solidarité plus élevée »

Edouard Philippe a voulu présenter sa réforme sous un jour social, assurant ne pas vouloir « confier » « la clef de nos retraites à l’argent roi ». Manière de répondre à ceux qui accusent le gouvernement de vouloir développer les retraites privées par capitalisation. Chez les députés LREM, certains, comme Olivia Gregoire lundi, sur Public Sénat, assument pourtant cette volonté.

Il explique que « le système universel permettra de protéger les Français les plus fragiles ». « Une pension minimum de 1000 euros net par mois pour une carrière complète au SMIC » sera assurée. Le minimum de pension « sera garanti par la loi à 85% du SMIC dans la durée et évoluera comme celui-ci ». Il ajoute que « les femmes seront les grandes gagnantes du système universel », alors que leurs pensions sont aujourd’hui « inférieures de moitié à celle des hommes ».

Autre annonce : au-delà de 120.000 euros de revenus annuels, « les plus riches paieront une cotisation de solidarité plus élevée qu’aujourd’hui qui financera non pas des droits supplémentaires pour eux, mais des mesures de solidarité pour tout le monde ». Mais on ne sait pas le taux de cette cotisation plus élevée.

« Revalorisation » pour les enseignants

Des dérogations d'âge sont conservées pour les pompiers, policiers, gendarmes ou militaires. Pour les régimes basés « sur les 6 derniers mois », c’est-à-dire les fonctionnaires, « nous sommes prêts à mettre en place des dispositifs très protecteurs qui permettront de dire que nul n’est lésé » dit Edouard Philippe, sans en donner le détail.

Pour les enseignants en particulier, la « revalorisation (salariale) nécessaire sera engagée avant la fin du quinquennat pour maintenir le niveau des pensions. Nous le ferons progressivement et dès 2021 ». Sans hausse de salaire, les professeurs seraient en effet les grands perdants de la réforme. Mais l’exécutif ne donne pas encore le détail et la manière de cette revalorisation, qui pourrait se chiffrer à plusieurs milliards d’euros. A noter que pour les régimes autonomes des avocats ou médecins, « les réserves resteront dans les caisses des professionnels », « donc pas de hold-up ».

Sur la question sensible de l’équilibre financier, les partenaires sociaux seront chargés de fixer une trajectoire de retour à l'équilibre financier du système, faute de quoi le gouvernement s'en chargera.

Des mesures sont prévues pour les familles : majoration de 5% dès le premier enfant, accordée à la mère par défaut, et majoration de 2% pour les parents de familles nombreuses.

Pénibilité prise en compte

La pénibilité a été prise en compte avec la possibilité pour les « métiers usants » de partir « deux années plus tôt », y compris chez les fonctionnaires. Le premier ministre annonce un assouplissement des critères pour la prise en compte du travail de nuit. Pour les aides-soignants, un nouveau dispositif pour financer un temps partiel sans perte de revenu en fin de carrière est au programme.

Pour les artisans, commerçants, professions libérales, une transition de « 15 ans » est prévue, avec convergence « douce » des cotisations.

Projet de loi au Parlement fin février

Côté calendrier, le projet de loi sera « soumis au Conseil des ministres le 22 janvier 2020 et discuté au Parlement à la fin février. (…) Il renverra à des ordonnances ou des décrets avec les précisions sur les transitions ». Le texte devra ensuite être examiné par le Sénat. Mais le Parlement suspendra ses travaux une partie du mois de mars, pour cause d’élections municipales. Le texte ne sera donc adopté qu’après ce scrutin local.

Dans l’ensemble, si le premier ministre a donné plus de détails, un certain nombre d’imprécisions demeurent. Surtout, ses annonces n’ont pas contenté les syndicats, à commencer par la CFDT, qui soutient le système par point. Quelques minutes après la fin du discours, le leader de la CFDT, Laurent Berger, a réagi, le visage fermé. « La ligne rouge est franchie », a-t-il dénoncé, « on sait qu’il y a aura un âge d’équilibre à 64 ans », « cette réforme a été lésée par un angle budgétaire accru »… Quant à la CGT-cheminots, elle appelle à « renforcer la grève ».

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