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Retraites : ce que prévoit la réforme du gouvernement pour les fonctionnaires

Les fonctionnaires devront eux aussi travailler jusqu’à 64 ans. Ceux qui partent plus tôt, comme les policiers ou les aides-soignants, devront également partir deux ans plus tard. Le gouvernement crée une portabilité des droits, ainsi que la possibilité d’une retraite progressive pour les professeurs. Le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, reçoit les syndicats pendant toute la semaine, avec la question des rémunérations également sur la table.
François Vignal

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Ils n’y échappent pas. La réforme des retraites du gouvernement vise autant les salariés du secteur privé que ceux du secteur public. Les fonctionnaires sont donc, eux aussi, concernés par le report de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, parle d’« équité ». Beaucoup de monde est concerné. On compte pas moins de 5,7 millions d’agents de la fonction publique, divisée en trois branches : la fonction publique d’Etat (2,5 millions d’agents), la fonction publique territoriale (1,9 million d’agents) et la fonction publique hospitalière (1,2 million d’agents).

Pas de changement pour le mode de calcul

Tous les fonctionnaires ne travaillent pas actuellement jusqu’à 62 ans. Il existe les fonctionnaires de la catégorie dite « actives », soit ceux exerçant des métiers pénibles ou dangereux, comme les aides-soignants. Ils partent à la retraite à 57 ans. La catégorie sera maintenue, mais après la réforme, ils partiront à la retraite à 59 ans. Il existe aussi une catégorie « super actifs » pour les policiers, les surveillants de prison ou les contrôleurs aériens, qui partent à 52 ans. Ils devront partir à 54 ans, soit là aussi, 2 ans de plus. A noter que l’âge de départ sans décote pour ces catégories actives ne bougera pas, il reste à 62 ans.Pour le mode de calcul de la pension, pas de changement. Le ministre a confirmé que ce seront toujours les six derniers mois d’activités qui seront pris en compte, et non les 25 meilleures années comme dans le privé. Pour rappel, en début de carrière, les fonctionnaires sont généralement moins bien payés que dans le privé, ce qui explique cette différence.

Du salé et du sucré

A côté du « salé », le gouvernement a mis sur la table un peu de « sucré », pour faire notamment mieux passer la pilule, jugée bien trop amère par les syndicats qui refusent tous le report de l’âge de départ. Les agents « actifs » pourront profiter de la portabilité de leurs droits. Par exemple, un gardien de prison qui devient policier ne recommencera pas à zéro, sur la prise en compte de ses années en catégorie « actif ». De source ministérielle, c’est « 700.000 » personnes qui seraient concernées. Par ailleurs, un fonctionnaire qui n’est plus en « actif » en fin de carrière pourra quand même partir de manière anticipée.Le gouvernement s’est aussi penché sur les contractuels qui auraient exercé dans le service « actif », avant d’être titularisés. Les années passées à travailler comme contractuel ne seront pas perdues. Concrètement, « c’est plus de 100.000 aides-soignants contractuels potentiellement titularisés qui sont concernés », explique-t-on au gouvernement.

La retraite progressive pour les professeurs possible à partir de 62 ans

Autre nouveauté de la réforme qui concerne les fonctionnaires : la mise en place de retraite progressive, qui existe jusqu’ici seulement dans le privé. Le fonctionnaire touchera une part de rémunération et une part de retraite, de manière anticipée. Un dispositif auquel il sera possible de recourir à partir de 62 ans. Ici, ce sont surtout les professeurs qui sont visés. « L’idée est que l’employeur public ne décide pas selon son bon vouloir. Que ce soit un droit, à partir de 62 ans. Et s’il est refusé, la décision devra être particulièrement fondée. C’est une forme d’inversion de la charge de la preuve », explique-t-on de source ministérielle. En pratique, « un professeur aurait par exemple 60 % de rémunération et 40 % de retraite par anticipation ». Globalement, dans cette réforme, Stanislas Guérini cherche à mettre en place plusieurs mesures sur les aménagements de carrière.Le gouvernement entend par ailleurs lancer un chantier sur l’usure professionnelle dans la fonction publique territoriale et dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux, avec à la clef la mise en place de fonds spécifiques.

Un socle de rémunération dans la fonction publique ?

Mais ce n’est pas le seul chantier. Le ministre de la Fonction publique reçoit à nouveau pendant toute la semaine tous les syndicats de la fonction publique, en bilatéral. Il entend mettre sur la table les questions des conditions de travail ou celle, très attendue, de la rémunération. Le ministre se penche aussi sur la politique RH pour les agents de la fonction publique.A terme, « il ne serait pas illogique d’avoir un socle de rémunération dans la fonction publique », glisse-t-on. La hausse des salaires des fonctionnaires est par ailleurs indispensable, si un jour un gouvernement souhaite faire converger le mode de calcul de la retraite entre le public et le privé. Sinon, il y aurait trop de fonctionnaires qui en pâtiraient, surtout les professeurs, qui seraient les grands perdants si les systèmes étaient unifiés.

« Ce serait intéressant de travailler à l’harmonisation des droits sociaux et des droits familiaux »

Avant tout cela, il faut déjà que le texte de la réforme des retraites passe le cap du Parlement et soit adopté. Si les débats s’annoncent complexes à l’Assemblée, du fait de la majorité relative, au Sénat, on sait que la majorité LR-UC voit d’un bon œil le projet de loi, dont les mesures principales sont inspirées de l’amendement défendu chaque année par la droite sénatoriale.Sur les fonctionnaires, « il est légitime que la réforme touche tout le monde, fonctionnaires compris. C’est logique que l’âge soit aussi décalé pour eux. C’est le parallélisme », soutient le sénateur LR René-Paul Savary, auteur du fameux amendement sénatorial. Le Monsieur retraite du groupe LR, membre du COR (Conseil d’orientation des retraites), note au passage que « le COR a fait une comparaison. Si on prenait les 25 meilleures années pour les fonctionnaires, et en prenant en compte les primes, ça ne changerait pas fondamentalement les choses. Il y aurait quelques perdants, quelques gagnants, mais pas de grosses différences en moyenne ». Le sénateur de la Marne prend cependant garde à ne pas prendre position pour un alignement du mode de calcul entre public et privé.Lire aussi » Réforme des retraites : ces mesures prises par décret qui inquiètent les sénateursRené-Paul Savary note que « par contre, ce qui serait intéressant, c’est de travailler à l’harmonisation des droits sociaux et des droits familiaux, car il y a des différences. Et la réforme n’y touche pas. Par exemple, sur les trimestres attribués pour la maternité, il y en a 8 pour le privé, contre 2 trimestres seulement pour la fonction publique. C’est plus avantageux pour le privé. Il y a peut-être des choses à harmoniser », selon le sénateur LR, qui cite aussi le cas des « 13 régimes de pension de réversion, avec 13 modes de calculs différents, entre public, privé, régime de base, complémentaire. C’est le fruit de l’histoire, mais là aussi, il y a des choses à harmoniser ».Concernant cette question de la prise en compte de la maternité dans le privé, il y a précisément 4 trimestres pour la maternité et 4 trimestres pour l’éducation. Depuis 2010, ces 8 trimestres peuvent être répartis au sein du couple. Du côté de la majorité présidentielle, on reconnaît qu’« il y a un chantier des droits familiaux à ouvrir ». Le gouvernement entend bien « remettre sur la table le sujet ». En réalité, le ministre de la Fonction publique n’aurait pas été contre que le projet de loi comporte une disposition sur cette question. Mais l’arbitrage n’a pas été rendu en ce sens. De quoi peut-être faire l’objet d’amendements, lors du débat au Parlement.

« C’est complètement injuste, sur le plan humain, de faire travailler plus tous ces gens, comme les fonctionnaires territoriaux qui font la cantine »

A gauche, on s’inquiète sans surprise du sort réservé aux fonctionnaires. « Le gouvernement a passé son temps à applaudir les infirmiers dans les hôpitaux, les aides-soignants. Et aujourd’hui, on leur demande de travailler deux ans de plus. C’est complètement un non-sens », dénonce la sénatrice communiste Cathy Apourceau Poly, chargée des retraites pour son groupe CRCE.La sénatrice du Pas-de-Calais évoque d’autres solutions pour financer les retraites. « Pour la fonction publique hospitalière, il manque des fonctionnaires. Si on en embauche 400.000 de plus, des infirmières, des aides-soignants, ce serait 5 milliards d’euros de plus dans les caisses des cotisations. Il faudrait aussi intégrer dans les cotisations sociales les primes des fonctionnaires. Et le point d’indice, gelé pendant 10 ans, et augmenté là de 3,5 %, si la hausse était de 5 %, ça ramènerait 9 milliards d’euros de cotisations », avance Cathy Apourceau Poly. Pour la sénatrice PCF, au fond, « c’est complètement injuste, sur le plan humain, de faire travailler plus tous ces gens, comme les fonctionnaires territoriaux qui font la cantine ou le ménage, qui ont des petits salaires et des petites retraites. Les femmes vont être les premières touchées par cette réforme. On marche sur la tête ».

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