Retraites des enseignants : « Pour l’instant, il n’y a pas d’éclaircissement », pour le Snuipp FSU

Retraites des enseignants : « Pour l’instant, il n’y a pas d’éclaircissement », pour le Snuipp FSU

Les récentes interventions du gouvernement, pour dissiper les craintes des enseignants sur le niveau de leurs pensions, n’ont pas encore produit leurs effets. La secrétaire générale du Snuipp FSU, premier syndicat du premier degré, a « du mal à imaginer » quel sera le scénario du ministère.
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L’incertitude règne sur le projet de régime de retraite universel par points. Édouard Philippe doit annoncer les détails de la réforme ce 11 décembre devant le Conseil économique, social et environnemental. Une profession reste également dans le flou : les enseignants. Ces derniers sont d’ailleurs mobilisés ce mardi, avec un taux de grévistes de 12,4 % dans le primaire, et 19,4 % dans le secondaire, selon le ministère. La structure de leur rémunération couplée aux changements à venir dans le calcul des retraites risque de bouleverser leurs pensions. Le mécanisme de compensation, promis par le gouvernement, est encore loin de rassurer. Explications.

Pourquoi la réforme pourrait avoir un impact négatif sur les pensions des enseignants ?

Actuellement, la retraite des fonctionnaires est calculée à partir du salaire sur les six derniers mois de la carrière. Les enseignants seraient pénalisés dans le nouveau système, qui prendra en compte la totalité de la carrière, englobant donc la première moitié de carrière, où l’évolution du salaire est moins bien marquée. En effet, l’écart est important entre le salaire perçu pendant l’année de titularisation (2067 euros) et au-delà de 30 ans (3889 euros). Il existe un autre risque de décrochage des retraités de l’Éducation nationale par rapport aux autres fonctionnaires : la réforme Delevoye entend prendre en compte les primes pour le calcul des pensions. Or, la part des primes dans la rémunération totale est bien plus faible chez les enseignants (6,3 % pour les professeurs des écoles et 14,2 % pour les professeurs certifiés) que dans le reste le reste de la catégorie A de la fonction publique (où elle atteint 30 %).

Que propose le gouvernement pour corriger cet effet ?

Dans une lettre adressée aux professeurs le 3 décembre, le ministre Jean-Michel Blanquer s’est engagé à « garantir un même niveau de retraite pour les enseignants que pour des corps équivalents de la fonction publique ». Promesse répétée à l’Assemblée ce mardi par le Premier ministre lui-même. « Nous allons veillons à ce que le niveau de pension des enseignants soit garanti. » Pour cela, le gouvernement promet d’engager une « revalorisation salariale » en parallèle de la mise en place du système universel de retraites. « C’est absolument historique », s’est félicité Jean-Michel Blanquer ce matin sur France Inter, assurant que cet engagement serait gravé dans la loi.

« Il y aura des rattrapages qui se feront », selon le ministre, qui souhaite revaloriser « les entrées et les milieux de carrière », les plus en retard.

Le niveau de l’enveloppe budgétaire pour compenser les pertes interpelle les syndicats

Sur France 2, le 5 décembre à l’issue des premières grandes manifestations nationales contre la réforme des retraites, Gérald Darmanin a indiqué que la compensation « coûtera entre 400 et 500 millions d'euros » à l’État. « On est loin du compte », réagit auprès de publicsenat.fr la secrétaire du Snuipp FSU (principal syndicat du premier degré), Francette Popineau. « Si on divise par le nombre d’enseignants, cela représente 500 euros par an. Et quand bien même ce serait 1 000, on est loin des pertes. » Le Snuipp, qui se base sur le rapport de Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme, estime que la perte du nouveau système pour les futurs enseignants retraités sera comprise entre 600 et 900 euros (soit 7 200 à 10 800 euros par an), sachant que leur pension moyenne s’élève actuellement à environ 2 600 euros (brut). « Le ministère dit contester nos chiffres. Qu’il nous donne les chiffres ! » exige la secrétaire générale.

La fourchette est large, car elle prend en compte une diversité de situations d’enseignants, suivant leurs responsabilités ou leur terrain d’affection. Mais toute projection est périlleuse à ce stade puisqu’on ignore quels seront les enseignants concernés par la compensation, et sous quels critères. Exemple d’interrogation : s’agira-t-il des générations nées après 1975 – générations qui pourraient être concernées par le nouveau régime de retraite, selon Les Échos ? On l’ignore encore.

« Comment cela pourrait être possible ? On a du mal à imaginer le scénario retenu. Tout le monde a compris que la réforme des retraites avec un système de points, c’était fait pour baisser les pensions, donc pour faire des économies. Donc on ne voit pas pourquoi on sortirait des milliards pour les enseignants », s’interroge la secrétaire générale du Snuipp. « Pour l’instant, l’éclaircissement de Jean-Michel Blanquer, il n’y en a pas. »

Des primes… ou du salaire ?

Si le gouvernement annonce des revalorisations « assez substantielles », qui se feront pas à pas, « sur plusieurs années », la méthode retenue est encore floue. Primes ou salaires ? « C’est plutôt des primes, ce sera nécessairement surtout des primes, parce que leurs primes sont plus basses que celles des fonctionnaires comparables », a précisé Jean-Michel Blanquer. Et d’ajouter : « Ça peut être un peu des deux, ça se discute. »

La solution d’une prime est loin de recueillir les faveurs des syndicats. « Ce serait trop variable, trop manipulable », s’inquiète Francette Popineau. « Il faut sécuriser la compensation. On veut une revalorisation sécurisée. Les primes engagent les prochains gouvernements. »

L’inquiétude est réelle, à l’heure de la réforme de la fonction publique, d’introduction de rémunérations, dans lesquelles les hiérarchies locales (directions ou rectorat) auront un rôle.

La compensation versée au titre de la réforme des retraites va-t-elle éclipser les hausses de salaires attendues ?

Dernière inquiétude, et pas des moindres : les enseignants s’interrogent sur la notion de revalorisation, répétée par l’exécutif. Est-ce un correctif à la réforme des retraites ou est-ce la réponse à une demande de revalorisation, portée depuis des années ? Pour Jean-Michel Blanquer, il s’agit bien de « deux politiques en même temps ». « L’une liée aux retraites, et une politique d’amélioration des rémunérations générale, qui fait partie des évolutions qui étaient souhaitables, et qui tient compte du retard dans les comparaisons internationales », a détaillé le ministre. « Une pierre, deux coups », comme il l’a répété devant les députés ce mardi. Soulagement du Snuipp FSU. « C’est le seul éclaircissement aujourd’hui. Il différencie la compensation pour la réforme des retraites de la revalorisation. Ce n’était pas toujours le cas ces derniers temps ».

Mais ce dossier n’avance pas, selon elle. « Cela fait deux ans qu’on nous parle de revalorisation. Au final, on se retrouve avec toujours des mots, et aucun acte concret », s’impatiente Francette Popineau, qui fait état de trois réunions au ministère depuis octobre.

L’intersyndicale de l’éducation entend maintenir la pression, même si la mobilisation s’est affaiblie par rapport au 5 décembre (70 % de grévistes annoncés dans le premier degré, selon les syndicats, un record depuis 2003). « Ça va se prolonger. Les enseignants ont bien compris que c’était quelque chose qui allait durer. »

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