Retraites : l’indexation des pensions sur l’inflation fait des émules chez les candidats à la présidentielle

Retraites : l’indexation des pensions sur l’inflation fait des émules chez les candidats à la présidentielle

Dans un contexte d’inflation élevée, plusieurs programmes demandent que la courbe des pensions suive celle de l’évolution des prix à la consommation. Ces dix dernières années, les revalorisations n’ont pas compensé la hausse du coût de la vie.
Public Sénat

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Très mobilisés à chaque scrutin, les 17 millions de retraités que compte la France ont été très courtisés ces dernières semaines par les candidats à l’élection présidentielle. Et principalement sur l’enjeu de la protection du pouvoir d’achat, dans un contexte d’inflation élevée. Au-delà des diverses revalorisations promises, une mesure revient souvent dans les programmes : l’indexation des retraites sur l’évolution des prix à la consommation. Selon la Dress, la pension moyenne tourne autour de 1 500 euros.

Le 31 mars, en présentant ses réformes prioritaires, Valérie Pécresse promettait de présenter un projet de loi de financement de la Sécurité social rectificatif dans les semaines suivant les législatives. Ce texte « permettra de lancer la réforme des retraites et de faire l’indexation automatique des retraites sur l’inflation, dès que celle-ci est supérieure à 2 % », a-t-elle détaillé. La candidate du Rassemblement national Marine Le Pen s’engage dans son programme à « réindexer les retraites sur l’inflation pour un pouvoir d’achat respectueux d’une vie de travail ». Idem pour Nicolas Dupont-Aignan, qui défend une indexation « a minima sur l’inflation ». Jean-Luc Mélenchon souhaite également un mouvement de revalorisation automatique, mais sur un critère différent : le montant de pensions serait indexé sur l’évolution des salaires, soit le mécanisme en vigueur de 1948 à 1987. Un système beaucoup plus avantageux à l’époque, puisque les salaires ont augmenté bien plus vite que la hausse des prix, dans les trente années suivant la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’évolution sur les salaires avait été aussi l’une des hypothèses pour la fixation de la valeur du point, au centre de la réforme des retraites début 2020.

Ce mercredi 6 avril, dans la dernière ligne droite avant le premier tour Emmanuel Macron a également détaillé les premières mesures qu’il prendrait immédiatement en cas de réélection. « Compte tenu des prix » sous tension à cause du contexte géopolitique, le candidat promet « d’indexer les retraites sur l’inflation dès cet été », si les Français le reconduisent.

La revalorisation des retraites intervient chaque année au 1er janvier. Le calcul se base sur le rapport entre l’inflation constatée en octobre (sur douze mois glissants) et celui constaté au même moment l’année précédente. Cette année, les pensions ont progressé de 1,1 % (après 0,4 % au 1er janvier 2021), un niveau bien inférieur à l’inflation annuelle de 1,6 % calculée par l’Insee pour l’année 2021.

Sous-indexations et dates de revalorisations reportées dans l’année

Car en réalité, les retraités font face à un mouvement de sous indexations de leurs pensions depuis des années. Selon le rapport d’évaluation des politiques de Sécurité sociale remis au Parlement à l’automne dernier, les retraités ont vu leur pouvoir d’achat diminuer. L’étude, qui remonte jusqu’à 2010, explique que les pensions du régime général et de la fonction publique (en dessous de 2000 euros) ont été revalorisées de 8,6 %. Or, sur la même période, l’évolution des prix a atteint 9,9 %.

Selon le rapport, plusieurs mesures expliquent le ralentissement de la progression des montants des pensions. En 2014, une année de faible inflation, la date de revalorisation des retraites a été décalée d’avril à octobre. Puis d’octobre à janvier, lors de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018. Cette astuce équivaut sur plusieurs exercices à une année sans revalorisation.

En 2019, la sous-indexation a été particulièrement marquée, avec une progression de seulement 0,3 % (très loin d’une inflation à 1,8 %). Le mouvement s’est poursuivi en 2020 pour un quart des retraités. Les pensions supérieures à 2000 euros brut ont été revalorisées de 0,3 %, contre 1 % pour les autres, qui ont été indexées sur l’inflation.

Cette revalorisation différenciée de 2020 avait été l’une des réponses au mouvement des Gilets jaunes. Le Sénat avait dénoncé en 2019 la désindexation des pensions sur l’inflation. Cette sous-revalorisation avait permis trois milliards d’économie à la Sécurité sociale.

Le principe d’une indexation des pensions sur l’inflation est pourtant fixé dans la loi

Rapporteur de la branche vieillesse de la Sécurité sociale, le sénateur René-Paul Savary (LR) ne manquait pas de souligner que les pensions du régime général devaient suivre le rythme de l’inflation, comme le prévoit la loi. L’un de ses amendements rappelait par ailleurs que de 1993 à 2015, un « mécanisme de correction » était mis en place, « dans le cas où l’inflation réelle se révélerait supérieure à l’inflation prévisionnelle ». Pour la période 2010-2021, le rapport d’évaluation des politiques de Sécurité sociale a lui aussi noté que la volonté du législateur n’avait pas été respectée. « La garantie du pouvoir d’achat prévue par l’article 27 de la loi du 21 août 2003 n’est pas atteinte sur la période. »

En juin dernier, le COR (Conseil d’orientation des retraites) notait que l’érosion du pouvoir d’achat des retraités s’expliquait aussi par « la hausse des prélèvements sociaux », et notamment la CSG. Cette même CSG faisait d’ailleurs partie des sujets les plus fréquents évoqués dans les cahiers de doléances des Gilets jaunes.

Les derniers gouvernements qui se sont succédé n’ont pas été les seuls à engager cette modération dans la revalorisation des retraites. L’Agirc-Arrco, chargée de la gestion des retraites complémentaires des salariés du privé, les a revalorisées de 1 % en novembre, 0,5 point sous l’inflation, une façon de préserver la trajectoire budgétaire.

Considéré comme la préoccupation majeure des Français, comme l’ont montré plusieurs études d’opinion, le relèvement des petites retraites fait également partie des propositions défendues par plusieurs candidats.

Dans la même thématique

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le

Operation Wuambushu a Mayotte : Demolition en cours d’un vaste bidonville – Operation Wuambushu in Mayotte: Ongoing demolition of a vast slum
8min

Politique

« Mayotte place nette » : « La première opération était de la communication et la deuxième sera de la communication », dénonce le sénateur Saïd Omar Oili

Le gouvernement a annoncé ce mardi 16 avril le lancement du dispositif « Mayotte place nette », un an après le maigre bilan de l’opération baptisée « Wuambushu ». Saïd Omar Oili, sénateur de Mayotte, regrette le manque de communication du gouvernement avec les élus du département et met en doute l’efficacité de ce « Wuambushu 2 ».

Le

Paris : Question time to the Prime Minister Gabriel Attal
6min

Politique

100 jours à Matignon : « La stratégie Attal n’a pas tenu toutes ses promesses », analyse Benjamin Morel

Le Premier ministre marquera jeudi le passage de ces cent premiers jours au poste de chef du gouvernement. Si Gabriel Attal devait donner un nouveau souffle au deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, sa stratégie n’est néanmoins pas payante car il « veut en faire trop sans s’investir fortement sur un sujet », selon Benjamin Morel, maître de conférences en droit public.

Le