Retraites : la gauche du Sénat déterminée « à utiliser tous les moyens de procédure » pour que le texte ne passe pas

Retraites : la gauche du Sénat déterminée « à utiliser tous les moyens de procédure » pour que le texte ne passe pas

L’examen de la réforme des retraites a commencé dans un climat plus qu’électrique à l’Assemblée nationale où la gauche a bruyamment rappelé son opposition au texte. Au Sénat, la séance publique commencera le 2 mars, et les groupes de gauche affinent une stratégie pour s’opposer à la réforme en évitant les invectives.
Simon Barbarit

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Chahut, claquement de pupitres, invectives, interruption de séance, rappels au règlement… L’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée a démarré dans une ambiance électrique lundi 6 février. Les élus de la Nupes ont fait monter les décibels pour manifester leur farouche opposition au gouvernement.

Des débats qui ont choqué certains au Sénat où l’ambiance est traditionnellement plus feutrée. De quoi même laissé échapper au président du groupe centriste de la Haute Assemblée, Hervé Marseille, une comparaison polémique.

Le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFFSSR), qui porte la réforme des retraites est examiné dans un délai contraint, et le texte sera transmis au Sénat, qu’il soit voté ou non par les députés, le 28 février pour un examen en séance publique du 2 au 12 mars.

« Il n’y a pas grand-chose qui sépare les LR du gouvernement »

A la chambre haute, il n’existe pas d’intergroupe de gauche mais ça n’a pas empêché les présidents des groupes socialiste, écologiste et communiste de se réunir mercredi après-midi pour amorcer un début de stratégie d’opposition au texte.

Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste du Sénat pose le décor des futurs débats à la Haute assemblée. « Ce sera différent. A l’Assemblée nationale, la Nupes est en opposition frontale contre le gouvernement. Nous, au Sénat on sera face à la majorité LR. Et sur la réforme des retraites, il n’y a pas grand-chose qui les sépare du gouvernement. La droite va simplement faire un peu la leçon à l’exécutif mais on en a l’habitude, ça fait des années qu’ils font passer un amendement pour repousser l’âge de départ légal à 64 ans à chaque projet de loi de financement de la Sécurité Sociale ».

« On ne veut pas que l’image du Sénat soit malmenée »

« Là où on est tous d’accord, c’est qu’on ne veut pas que l’image du Sénat soit malmenée par des invectives ou des claquements de pupitres. Au Sénat, nous n’en avons pas de toute façon. Mais ça n’empêche pas notre détermination. Nous ne voulons pas de ce texte. Nous ne voulons pas du report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans », insiste Patrick Kanner.

L’enjeu pour le président du groupe, socialiste dans cette « double opposition au LR et au gouvernement », « c’est que le Sénat n’adopte pas la réforme au soir du 12 mars afin de mettre le gouvernement face à ses responsabilités ».

Conformément à l’article 47 alinéa 1 de la Constitution, si le Parlement n’a pas adopté le projet de loi dans les 50 jours, les dispositions de la réforme peuvent être mises en œuvre par ordonnance. Or, un vote du Sénat permettait au gouvernement de sortir la tête haute et de trouver un accord en commission mixte paritaire qui rassemble 7 députés et 7 sénateurs et où la droite et la majorité présidentielle sont majoritaires.

« Nous utiliserons tous les moyens de procédure qui sont possibles pour que le texte ne passe pas », promet Patrick Kanner.

Les communistes détermineront leur stratégie la semaine prochaine

Plusieurs options s’offrent aux groupes de gauche. D’abord, le dépôt de milliers d’amendements comme c’est le cas à l’Assemblée nationale. A ce jour, les trois groupes de gauche ne se sont pas encore engagés sur cette voie. « Ce que nous voulons, c’est prendre le temps du débat sur chacun des articles et défendre nos propositions. Ça va être hard, la séance sera ouverte jour et nuit et week-ends compris », rappelle Catherine Apourceau-Poly sénatrice communiste. Éliane Assassi, la présidente du groupe CRCE (communiste républicain citoyen et écologiste) indique à Public Sénat qu’elle soumettra sa stratégie aux membres de son groupe mardi prochain.

Cette stratégie « d’obstruction parlementaire » pourrait faire long feu car la gauche craint que la majorité sénatoriale ne limite le temps des prises de parole lors des débats. Les sénateurs disposent de 2 minutes pour défendre un amendement. Chaque sénateur peut aussi librement utiliser 2 minutes pour une explication de vote. Mais le règlement du Sénat prévoit que la Conférence des présidents, qui organise des débats, peut décider de limiter les explications de vote à un seul orateur par groupe.

Quelles motions de procédure ?

Chaque groupe de gauche déposera une question préalable au début des débats. Elle équivaut, en cas d’adoption, à un rejet de l’ensemble du texte. Mais la droite étant majoritaire, elles n’ont aucune chance d’aboutir.

Patrick Kanner évoque aussi deux autres motions de procédure : « l’exception d’irrecevabilité ». Chaque sénateur peut soulever cette exception en séance s’il considère qu’une disposition n’a pas sa place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale. « Chacun sait que ce texte n’est pas qu’un texte budgétaire et qu’il engage beaucoup d’autres choses », justifie-t-il. Ce sera au rapporteur de la commission des affaires sociales de se prononcer sur cette exception d’irrecevabilité.

Les sénateurs de gauche auront aussi la possibilité de demander « un renvoi en commission » pour coordination. S’il a lieu, la séance est alors suspendue le temps du travail de la commission. Mais comme pour la question préalable, cette demande de renvoi devra être soumise à un vote.

« On utilisera tous les moyens à notre disposition pour faire part de nos propositions et monter qu’un autre choix de société est possible. Mais on peut aussi espérer que d’ici un mois le gouvernement revienne à la raison et que le texte n’arrive jamais au Sénat », veut croire Guillaume Gontard.

 

 

 

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