Retraites : une pétition rassemble la gauche « pour montrer que le combat continue »

Retraites : une pétition rassemble la gauche « pour montrer que le combat continue »

D’Olivier Faure à Jean-Luc Mélenchon, en passant par Julien Bayou, 65 personnalités de gauche demandent le retrait de la réforme des retraites dans une pétition en ligne. « Ça prouve qu’il y a une aspiration à une alternative à gauche » salue la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann. Mais entre PS, Insoumis, écologistes et communistes, c’est plus compliqué de se mettre d’accord sur les propositions.
Public Sénat

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Après le meeting, la pétition. Le projet de réforme des retraites du gouvernement redonne un peu d’air à l’opposition de gauche. Mieux : l’exécutif a réussi le tour de force de rassembler contre sa réforme toutes ses composantes, dont certains membres se détestent cordialement. « Il y a quelques mois, tout le monde disait que c’était impossible d’avoir Olivier Faure, Jean-Luc Mélenchon, Olivier Besancenot et les Verts sur la même pétition » rappelle la sénatrice GRS (Gauche républicaine et socialiste) Marie-Noëlle Lienemann, soit le PS, LFI, le NPA, sans oublier le PCF ou encore Génération.s. C’est pourtant tous ces mouvements qui ont lancé une pétition commune contre la réforme des retraites.

« Montrer qu’on est là, dans tous les rangs de la gauche et des écologistes »

L’appel s’est retrouvé dans le JDD. En tout, 65 personnalités, dont le numéro 1 de la CGT, Philippe Martinez, le secrétaire national d’EELV, Julien Bayou, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, le coordinateur national de Génération.s, Guillaume Balas, le député européen Raphaël Gluksmann, les sénatrices Eliane Assassi (PCF) et Esther Benbassa (EELV) ou encore des acteurs comme Josiane Balasko, des sociologues comme Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon et l’économiste Henri Sterdyniak. « Ce projet n'est pas acceptable, car il est porteur de régression des droits de chacune et chacun : toutes les hypothétiques avancées proposées par le gouvernement devraient être financées par des baisses de pension ou par l’allongement de la durée de la vie au travail. D’autres choix sont pourtant possibles » écrivent ces premiers signataires. La pétition en ligne a recueilli, ce lundi, plus de 46.000 personnes.

« Il s’agit de montrer en cette rentrée que notre détermination est toujours présente, de montrer qu’on est là, dans tous les rangs de la gauche et des écologistes, que le combat continue » explique la sénatrice Génération.s Sophie Taillé-Polian, l’une des signataires. « On est uni autour d’un objet et une analyse : il n’y a pas urgence. Les déficits des régimes de retraites sont pour une large part artificiellement créés, par le non-remboursement de cotisations par l’Etat » souligne Marie-Noëlle Lienemann, elle aussi signataire.

La pétition, un objet plus simple pour se rassembler

La gauche avait déjà tenu un meeting commun à Saint-Denis en décembre. Un groupe interparlementaire chargé de plancher sur des contre-propositions a ensuite vu le jour, mais sans La France Insoumise, qui préfère le sécher (voir notre article). S’il est possible de s’allier pour demander le retrait de la réforme, il y a encore du chemin avant de se mettre d’accord sur des propositions.

La pétition est un objet plus simple pour se rassembler. On l’a vu sur le projet de référendum d’initiative partagée sur Aéroports de Paris. Elle peut aussi jouer le rôle de levier dans un rapport de force politique. On se souvient de la pétition contre la loi travail qui avait dépassé le million de signatures, sans pour autant, cependant, faire reculer François Hollande.

Taillé-Polian : « C’est très bien que le gouvernement commence à reculer mais ce n’est pas à la hauteur »

L’opposition entend maintenir ainsi la pression, au moment où l’exécutif multiplie les concessions et ouvre la porte à un demi-recul sur l’âge pivot. Le gouvernement a lâché du lest sur quelques professions (policiers, pilotes, danseurs de l’opéra) et le président LREM de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, cite en exemple le régime complémentaire du privé, l'Agirc-Arrco, pour lequel le malus en cas de non-atteinte de l’âge pivot est limité à 3 ans, et non durant toute la retraite. De quoi trouver une sortie de crise ? « Non » tranche tout de suite Marie-Noëlle Lienemann, « évidemment, ils vont essayer de faire ça. On fera un régime automne pour les danseurs, pour les pilotes mais pas pour les conducteurs de train SNCF ? Quelle est la différence ? On voit que le gouvernement essaie de colmater la brèche de la contestation ».

« C’est très bien qu’ils commencent à reculer, mais ça ne suffit pas, ce n’est pas à la hauteur » pour Sophie Taillé-Polian. La sénatrice du Val-de-Marne ajoute :

On continue car les petits bougés du gouvernement montrent qu’ils ont bien conscience que la crise est là

L’avenir dira si les concessions de l’exécutif auront sauvé sa réforme, ou s’il recule davantage jusqu’au retrait. Pour l’heure, les parlementaires de gauche continuent de plancher sur le sujet. Une nouvelle réunion de travail est prévue mercredi « pour travailler aux convergences » explique Sophie Taillé-Polian. Mais il ne sera pas évident de mettre tout le monde d’accord, quand certains au PS soutiennent le principe d’une réforme systémique par points. « Je pense que ça va aboutir » lâche, optimiste, Sophie Taillé-Polian, qui ne désespère pas que La France Insoumise participe aux travaux, « la porte reste grande ouverte ». « Il y a beaucoup de choses où on a un certain nombre d’accord, notamment pour dire que la réforme paramétrique est inutile. Après, chacun a ses spécificités » reconnaît-elle.

Lienemann : « Il n’y aura pas de contre-projet car il n’y a pas urgence »

Marie-Noëlle Lienemann évacue de son côté la question et douche quelque peu l’idée de départ : « Il n’y aura pas de contre-projet, car on pense qu’il n’y a pas urgence. On est dans l’idée de démonter le projet du gouvernement et de montrer qu’il y a des pistes nouvelles pour améliorer les retraites », comme « rembourser les cotisations quand l’Etat fait des allégements » ou « augmenter les salaires. C’est déterminant pour les recettes de la Sécurité sociale ». Mais « pour l’heure, la bataille, c’est le retrait ».

Reste que l’ancienne socialiste voit d’un bon œil ces discussions. « Ça prouve qu’il y a une aspiration à une alternative à gauche. On est tous d’accord sur le danger que représente la remise en cause du modèle social républicain français issu de la libération » dit la sénatrice GRS de Paris. « Cette prise de conscience s’est élargie et permet un front large » salue Marie-Noëlle Lienemann. « Maintenant, réussir à construire ensemble l’alternative, tout en n’étant pas enfermé dans la somme des partis de gauche, c’est une autre étape. Pour l’instant, on en est à la première. C’est déjà bien » constate l’ancienne de la gauche socialiste. En menant sa politique économique et sociale la barre à droite, Emmanuel Macron pousse la gauche à dépasser ou oublier, pour l’heure, ses vieux clivages, tout en lui offrant un espace politique. Mais jusqu’ici, elle ne semble pas encore capable d’en profiter.

Dans la même thématique

France Israel Palestinians Campus Protests
6min

Politique

Sciences Po bloqué : la droite sénatoriale dénonce « la pensée totalitaire d’une minorité d’extrême gauche »

La mobilisation de plusieurs dizaines d’étudiants en soutien aux Palestiniens se poursuit à Sciences Po. Après avoir été délogés par les forces de l’ordre dans la nuit de mercredi à jeudi, les étudiants occupaient toujours les lieux ce vendredi. Une action en miroir de celles qui ont lieu sur les campus américains. La droite sénatoriale dénonce l’importation « du wokisme » d’outre Atlantique.

Le

Retraites : une pétition rassemble la gauche « pour montrer que le combat continue »
5min

Politique

Européennes 2024 : après le discours d’Emmanuel Macron, Olivier Faure veut saisir l’Arcom au nom de « l’équité » entre les candidats

Le Parti socialiste demande que le discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe, prononcé jeudi 25 avril à la Sorbonne, soit décompté des temps de parole et inscrit dans les comptes de campagne de la majorité présidentielle. Pour le patron du PS, invité de Public Sénat, le chef de l’Etat est devenu « candidat à cette élection européenne ».

Le