Revenu universel : Benoît Hamon prépare une version « moins coûteuse »

Revenu universel : Benoît Hamon prépare une version « moins coûteuse »

Face aux critiques sur le coût du mécanisme en régime de croisière, l’équipe de Benoît Hamon adapte son discours, insistant sur les premiers bénéficiaires, et liant ce revenu aux salaires.
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Il est sans doute le point du programme le plus décrié par ses adversaires. Et jusque dans sa propre famille politique. Les contours du revenu universel porté par Benoît Hamon depuis l’automne devraient se préciser. En déplacement à Fos-sur-Mer, le candidat socialiste a annoncé à la presse qu’il dévoilerait d’ici jeudi ou vendredi des mesures « de nature à rassurer ceux qui imaginaient que l’on allait ruiner l’État ». « On a construit une réponse qui sera plus ambitieuse encore en étant peut-être moins coûteuse en terme de transfert de richesse », précise-t-il.

L’équipe de Benoît Hamon se défend d’un revirement, et rappelle que le candidat a toujours fait campagne sur l’idée d’une installation progressive du revenu universel. C’était notamment le cas lors de son premier grand rendez-vous médiatique, le 8 décembre dans l’Émission politique. « Il y a eu d'emblée de la part de Benoît Hamon une certaine clarté en disant que ce n'était pas une mesure prête à l'emploi », défend Alexis Bachelay, l’un des deux référents la permanence présidentielle.

Revenu universel : « On doit être pragmatique », déclare Alexis Bachelay
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« On doit être pragmatique, pour trouver les voies et les moyens d'aller vers un objectif de manière raisonnable », explique Alexis Bachelay.

« Augmentation de la feuille de paie »

Si le candidat socialiste réfute de revoir à la baisse ses ambitions, son discours s’est en tout cas focalisé ces derniers sur la première étape vers le chemin d’un revenu universel : l’augmentation du RSA socle de 10% afin de le porter à 600 euros dès 2018, et le versement de ce dernier aux 18-25 ans.

Sur BFM-TV et RMC ce vendredi, Benoît Hamon a laissé entendre qu’il souhaitait aller au-delà des jeunes, et toucher « l’ensemble de ceux qui aujourd’hui ont un salaire modeste ». Le dispositif pourrait prendre la forme d’une prime d’activité versée sur le bulletin de salaire :

« Je veux que la mesure puisse concerner l’ensemble de ceux qui aujourd’hui ont un salaire ou un revenu qui est modeste et qu’ils puissent bénéficier des premiers versements d’un revenu universel d’existence qui se traduise pur eux par une augmentation sur la feuille de paie du salaire net. »

« L’idée, c’est de concentrer sur certaines populations », pour Hidalgo

La réalité de la dimension universelle du revenu est en tout cas de moins en moins évoquée. Ce matin, sur Europe 1, Anne Hidalgo a commencé à installer l’idée de « publics cibles », citant les jeunes, les personnes âgées et les femmes seules :

« Il faut que l’on propose à toutes les personnes qui peuvent tomber dans la pauvreté, qui, à un moment donné, peuvent être exclus du monde du travail, aux jeunes qui démarrent dans la vie, aux personnes âgées qui souvent n’arrivent pas à vivre avec le minimum vieillesse, un socle de 600 euros qui permette à chacun de s’en sortir. »

« Quelques dizaines de milliards »

Afin de répondre aux critiques sur le coût d’un revenu universel, l’une des économistes de la campagne de Benoît Hamon, Julia Cagé, tente de dégonfler dans les Échos l’ampleur du coût du dispositif, insistant là encore sur la première phase du dispositif. « Nous ne sommes pas du tout dans un ordre de grandeur de 300 milliards. Les montants sont plutôt proches de quelques dizaines de milliards », assure-telle. Ce deuxième ordre de grandeur correspond à la première étape du revenu universel défendue par Benoît Hamon, soit le versement automatique du RSA socle porté à 600 euros à toutes les personnes éligibles ainsi qu’aux 18-25 ans. Début janvier, le candidat à la primaire avait chiffré le coût de la mesure à 48 milliards d’euros.

Son extension à l’ensemble de la population reviendrait à « près de 300 milliards d’euros », chiffrait Benoît Hamon. En mai dernier, la fondation Jean-Jaurès (think thank situé à gauche) avait évalué qu’un revenu universel à 500 euros par mois coûterait à l’État 336 milliards d’euros par an. L’Institut Montaigne (classé à droite), situait la fourchette entre 305 et 424 milliards d’euros, suivant les modalités d’application.

Pour le député vallsiste Gilles Savary, Benoît Hamon peut difficilement se défaire de sa proposition : « Comment voulez-vous aujourd'hui qu'il change radicalement de ligne politique ? Sa légitimité est attachée à ça, il a gagné la primaire sur le revenu universel, je vois mal comment, sauf à réduire le format – ce qu'il est en train de faire – il peut faire un tête-à-queue complet. »

Gilles Savary : « Comment voulez-vous que Benoît Hamon change de ligne politique ? »
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Dans son programme, le candidat maintient toujours la tenue d’une « grande conférence citoyenne » afin de fixer le « périmètre » du revenu universel, et d’en garantir par la suite son versement à « l’ensemble de la population », précisant, qu’ « à terme » (souvent en citant un horizon postérieur à 2022) il atteindrait « la somme de 750 euros ».

Inconditionnel dans sa philosophie, le revenu universel tel que Benoît Hamon l’a défini est remis sur le métier par Julia Cagé, dans les Échos : « cela n'aurait pas de sens de donner à Liliane Bettancourt 600 euros pour lui reprendre de l'autre main par une hausse d'impôts. »

« Éradiquer la pauvreté »

Cette manière de présenter les choses, plus adoucie, pourrait être pour Benoît Hamon une volonté de ne pas heurter l’aile réformiste du Parti socialiste. Ce matin encore, le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone déclarait au Monde qu’il « avait du mal à se reconnaître » dans la campagne menée par Benoît Hamon. « J’ai des divergences de fond avec lui, notamment sur la question de la fin du travail. » Longtemps présentée comme une réponse à la « raréfaction du travail » et à la révolution numérique, Benoît Hamon a justifié vendredi son revenu universel en le présentant désormais sur l’objectif « d’éradiquer la pauvreté ».

On se souvient que le mois dernier, le candidat avait adopté un discours plus policé à l’égard de la loi Travail. Tout en assurant qu’il n’en « voulait pas », plaidant ainsi pour son abrogation, Benoît Hamon avait manifesté lors du Grand Jury du 19 février son intention de proposer une nouvelle loi Travail, en reprenant les aspects positifs du texte. « Est-ce que ça veut dire que je remets en cause la garantie jeune, le droit à la déconnexion, le compte personnel d'activité ? Non. »

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