Révision constitutionnelle de nouveau reportée: pour être enrichie ou enterrée?

Révision constitutionnelle de nouveau reportée: pour être enrichie ou enterrée?

A nouveau reportée à l'aune du mouvement des "gilets jaunes", la révision constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron va-t-elle...
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A nouveau reportée à l'aune du mouvement des "gilets jaunes", la révision constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron va-t-elle finir dans les limbes ou connaître dans quelques mois un nouveau souffle?

Couplée en trois volets, la réforme des institutions prévoit une dose de proportionnelle aux législatives, la réduction d'un tiers du nombre de parlementaires, la limitation du cumul des mandats dans le temps ou encore une accélération de la procédure législative.

- Pourquoi reporter?

Alors que l'Assemblée devait reprendre mi-janvier l'examen du projet de révision constitutionnelle, Edouard Philippe a confirmé jeudi qu'il fallait le "décal(er)" pour "tenir compte des éventuelles modifications souhaitées par les Français à l’occasion du débat" dans les territoires jusqu'au 1er mars, organisé en réponse au mouvement des "gilets jaunes".

"Comment mieux les associer à la prise de décision? Comment mieux représenter les sensibilités politiques?": autant de questions institutionnelles qui seront soulevées selon le Premier ministre dans ce débat, qui se décline en quatre thèmes dont "Démocratie et citoyenneté".

Ne pas tenir compte des "aspirations" des Français reviendrait à "se montrer très sourd et très aveugle", avait aussi justifié la veille le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.

- La révision maudite

A l'été 2017, le chef de l'Etat s'était donné "un an" pour "parachever" les "transformations" des institutions.

Après une série de consultations et d'arbitrages ardus, pour ne pas hérisser le Sénat dont l'accord est nécessaire, ces promesses ont été traduites dans trois projets de loi. Le premier - le volet constitutionnel - s'est enlisé au Palais Bourbon fin juillet, affaire Benalla aidant.

L'exécutif misait sur une reprise en janvier, en vue d'une adoption définitive début 2020. Las, les "gilets jaunes" ont porté le coup de grâce à ce calendrier: difficile d'entamer l'année sous les auspices d'un projet éloigné de "l'état d'urgence économique et social" décrété par Emmanuel Macron.

- Quels ajouts? -

Parmi les revendications hétéroclites des "gilets jaunes", ont émergé des demandes de "référendum populaire", comptabilisation du vote blanc, davantage de proportionnelle, jusqu'à la suppression du Sénat.

Lundi soir, le chef de l'Etat a voulu que soient posées "les questions qui touchent à la représentation, la possibilité de voir les courants d'opinion mieux entendus dans leur diversité, une loi électorale plus juste, la prise en compte du vote blanc et même que soient admis à participer au débat des citoyens n'appartenant pas à des partis".

Sur fond d'aspiration à davantage de participation citoyenne, le projet de révision répondait "déjà en partie à ces questions", selon la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, mais "à partir du débat qui est lancé, il nous appartiendra de réfléchir à nouveau sur ce contrat pour la Nation".

- Les chances de succès -

Dans la majorité, on assure qu'il n'est pas question d'enterrer la réforme, mais de la "revoir" et de l'"enrichir", les "gilets jaunes" ayant porté "une aspiration démocratique", comme l'a souligné François de Rugy, ministre de la Transition écologique.

Ainsi la révision "portera un drapeau", c'est-à-dire un thème identifiable, ce qui n'était pas le cas jusqu'alors, affirme un ténor, tandis que Patrick Mignola (MoDem), rapporteur spécial, estime qu'elle "peut gagner en légitimité".

Pourtant, dès septembre, certains faisaient valoir que "plus elle intervient tard" moins elle a de chances d'aboutir, le risque de percuter les européennes en mai ajoutant de la complexité.

Le report pourrait en outre raviver certaines exigences, notamment au MoDem, où certains jugent le projet initial "kaput" et comptent réclamer une dose de proportionnelle supérieure à 15%.

Pour Philippe Gosselin (LR), "dans le contexte actuel" la réforme ne "tient plus la route" et le Sénat "ne peut plus aller à l'accord". Au vu des propositions qui vont émerger, un "nouveau texte serait plus logique", dit-il, jugeant notamment qu'en cas de hausse du taux de proportionnelle, "tout le reste vole un peu en éclat".

"S'ils ne l'abandonnent pas (la réforme, ndlr), je pense qu'on y regardera à trois ou quatre fois", glisse-t-on aussi à l'UDI.

Le constitutionnaliste Dominique Chagnollaud de Sabouret considère que le "motif apparent" du report est d'intégrer les propositions issues du débat. L'exécutif va "obligatoirement déposer un nouveau projet. Celui-ci était moribond. Ce serait peut-être une bonne idée".

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