Rythmes scolaires : «Tous ces efforts, les maires les ont faits pour rien»

Rythmes scolaires : «Tous ces efforts, les maires les ont faits pour rien»

Le décret ministériel offrant la possibilité aux écoles maternelles et élémentaires de déroger à la semaine de quatre jours et demi a été publié ce mercredi. Des sénateurs s’inquiètent d’un « retour en arrière » et vont interpeller le ministre lors d’une audition.
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Ils ont beau ne pas être dans la même famille politique, Françoise Cartron (PS) et Jean-Claude Carle (LR) s’inquiètent tous les deux des conséquences du décret publié ce jeudi par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer et qui revient sur la réforme des rythmes scolaires de 2013, en permettant aux établissements et aux collectivités locales d’y déroger. Un décret qui laisse le choix aux communes et qui transpose l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron.

Le texte ministériel autorise, par dérogation, à une commune et à un conseil d’école qui en feraient la demande, de revenir à semaine de quatre jours de classe, à laquelle la réforme Peillon de 2013 avait mis un terme.

« C’est chronique d’une mort annoncée », lâche la sénatrice Françoise Cartron, qui s’inquiète d’un « retour en arrière qui pénalise les élèves plus pauvres et les plus en difficulté ». Et d'ajouter :

« Sur un même territoire, des écoles pourront revenir, d’autres pas : c’est instaurer la pagaille. »
Françoise Cartron

Décret sur les rythmes scolaire : "C'est chronique d'une mort annoncée", dénonce Françoise Cartron
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Images : Jérôme Rabier

Son collègue Jean-Claude Carle évoque une pluralité de situations dans son département de la Haute-Savoie. Un tiers des communes pourraient revenir à la semaine de quatre jours, un tiers conserverait les rythmes actuels. Le reste se laisse du temps et ne prendrait aucune décision cette année.

« On ne pense pas du tout à l’enfant »

Les deux parlementaires s’alarment des conséquences pédagogiques et chronobiologiques sur les enfants. Des enfants qui payent selon eux les choix des adultes. En fixant un maximum de six heures de classe par jour, le décret du ministre Jean-Michel Blanquer dépasse la recommandation du Sénat (lire notre article), qui préconisait de limiter la journée à cinq heures et demi. « On ne pense pas du tout à l’enfant », souligne Françoise Cartron qui espérait d’autres priorités comme une réorganisation de l’année scolaire. Jean-Claude Carle propose :

« On a le calendrier scolaire le plus inadapté des pays de l’OCDE. La journée plus longue, la semaine la plus chargée et l’année la plus courte. Il faut s’attaquer à ce serpent de mer qui est le calendrier annuel : je vais proposer au ministre que ce soit fait par expérimentation sur une région académique. »
Jean-Claude Carle

« Ils ont suffisamment galéré pour les mettre en place »

Après des années de concertation et d’installation parfois laborieuse sur le terrain, la sénatrice de la Gironde ne cache pas son incompréhension. « Ça été difficile, compliqué à mettre en place cette réforme. Mais ça y est, c’était en train de s’installer ! Les maires me disent que tous ces efforts, ils les ont faits pour rien ! »

Rythmes scolaires : "Ça va à l'encontre de ce qui se passait sur le terrain", déclare Françoise Cartron
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Images : Jérôme Rabier

Jean-Claude Carle, qui a participé à la rédaction du rapport publié début juin, plaidait lui aussi pour la stabilité des rythmes. « Beaucoup d’élus que nous avons rencontrés nous disent qu’ils ont suffisamment galéré pour les mettre en place et qu’ils veulent souffler », relaye le vice-président de la Culture et de l’Éducation.

Pour l’un, comme pour l’autre, le signal envoyé au monde éducatif est mauvais. Françoise Cartron craint une « démobilisation », quand Jean-Claude Carle redoute le retour à la « culture de la circulaire » plutôt que celle du « contrat » :

« Il ne faudrait pas que ce soit un mauvais signal donné à la communauté éducative. À cause des difficultés de mise en place, ça a contraint les acteurs  – parents, enseignants, élus – à se mettre autour d’une table. Et c’est comme cela qu’on fera avancer notre système éducatif. »
Jean-Claude Carle

"Il faut que l'Éducation nationale passe de la culture de la circulaire à la culture du contrat", déclare Jean-Claude Carle
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Images : Jérôme Rabier

L’avenir du fonds de soutien de l’État en suspens

Une autre question d’importance sera posée au ministre de la rue de Grenelle : celle du financement. Un point loin d’être anecdotique en période de restriction budgétaire pour les collectivités territoriales, et à la veille de la publication de l’audit de la Cour des comptes. Les deux sénateurs aimeraient obtenir des gages d’assurance sur le financement de la réforme Peillon. Et notamment sur l’avenir du fonds de soutien mis en place par l’État pour aider les collectivités locales à financer les activités créées dans le cadre du temps d’activités périscolaires (TAP).

« C’est la première question que je vais lui poser », prévient Françoise Cartron. « Je crains que l’on commence par une soi-disant liberté en disant aux uns et autres débrouillez-vous pour finir par plus du tout de crédits. »

« Il faut qu’il s’engage à pérenniser les aides de l’État et sur un plan pluriannuel de façon à ce que les communes qui souhaitent rester à quatre jours et demi puissent le faire », demande de son côté Jean-Claude Carle.

Si la réforme des rythmes scolaires déchaîne depuis plusieurs années les passions, la commission de la Culture et de l’Éducation aura sans doute également bien d’autres points à aborder avec le nouveau ministre, à deux mois de la rentrée scolaire.

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