Sainte-Soline : à quoi va servir la cellule anti-ZAD annoncée par Gérald Darmanin ?
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a annoncé la création d’une « cellule anti-ZAD » au sein de son ministère. Composée de juristes, elle aura pour objectif de régler les contentieux plus rapidement lors d’occupations illégales d’un terrain.

Sainte-Soline : à quoi va servir la cellule anti-ZAD annoncée par Gérald Darmanin ?

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a annoncé la création d’une « cellule anti-ZAD » au sein de son ministère. Composée de juristes, elle aura pour objectif de régler les contentieux plus rapidement lors d’occupations illégales d’un terrain.
Simon Barbarit

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« C’est fini. Plus aucune ZAD (zone à défendre) ne s’installera dans notre pays. Ni à Sainte-Soline, ni ailleurs ». Cet engagement de Gérald Darmanin dans le JDD, quelques jours après les violents affrontements entre manifestants autour de la construction d’une mega-bassine, à de quoi laisser songeur.

En effet, pour lutter contre ce mode d’action, généralement utilisé par des militants écologistes, le locataire de Beauvau annonce la mise en place prochaine « d’une cellule anti-ZAD, avec des juristes spécialisés » au sein du ministère de l’Intérieur.

L’entourage du ministre a précisé au HuffPost que cette cellule « sera constituée de cinq juristes de haut niveau qui seront chargés d’accompagner les préfets pour empêcher la constitution de ZAD ou les démanteler ».

« Franchement, ce qu’annonce le ministre ne veut pas dire grand-chose. Il n’y a pas de définition juridique d’une ZAD, si ce n’est zéro artificialisation nette, mais ça n’a rien à voir. Une ZAD, c’est une expression fourre-tout qui regroupe des situations diverses. Vous avez des occupations de terrains privés, publics, pour des revendications en lien avec l’écologie, parfois non, comme lors d’oppositions à un parc éolien. Il a aussi des occupations temporaires… Et en droit français, les procédures d’expulsion nécessitent l’intervention d’un juge. Donc ça prend forcément du temps. Je ne vois pas en quoi des juristes peuvent empêcher la constitution d’une ZAD », soupire Arnaud Gossement, avocat, spécialiste du droit de l’environnement.

« C’est le même régime pour faire évacuer les camps des gens du voyage »

Le sénateur LR, Marc-Philippe Daubresse qui fut rapporteur de la proposition de loi Sécurité Globale salue « l’intention » de Gérald Darmanin, mais reste sceptique quant à sa concrétisation.

Rappelons que la participation à ce qu’on appelle une ZAD est visée par l’article 226-4 du code pénal qui sanctionne l’introduction dans le domicile d’autrui « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». « C’est le même régime pour faire évacuer les camps des gens du voyage. La difficulté ne réside pas dans la loi, mais dans la coordination des moyens et les process juridiques. Il faut d’abord trouver le propriétaire du terrain occupé pour qu’il porte plainte. Il y a ensuite une décision de justice et la mobilisation de la force publique pour la faire appliquer. Il faut aussi s’assurer que les occupants ne reviennent pas ensuite. Et vous avez beaucoup d’avocats spécialistes de ces contentieux qui peuvent multiplier les recours », résume le sénateur.

« Il faut créer les conditions d’un dialogue environnemental »

Arnaud Gossement rappelle quant à lui que « les recours contre un projet peuvent regrouper différents domaines, droit de l’environnement, de l’urbanisme… » « Le rôle d’un ministre c’est de rassembler et de ne pas mettre de l’huile sur le feu. Comme il existe un dialogue social, il faut créer les conditions d’un dialogue environnemental avec des corps intermédiaires comme les associations. En France, les procédures de participation sont beaucoup trop tardives. On demande son avis à la population, une fois que le projet est validé »

En 2021, l’article 1 de la proposition de loi sécurité globale avait notamment pour visée d’accélérer les procédures d’expulsion en cas d’occupations illégales. Il permettait dans certaines collectivités volontaires, aux agents de police municipale d’exercer des attributions de police judiciaire « en cas d’introduction dans un local professionnel, commercial, agricole ou industriel ». L’expérience devait durer cinq ans. Or, ces agents relèvent d’autorités municipales et non d’officiers de police judiciaire, ce qui a valu à cet article 1er d’être censuré par le Conseil constitutionnel. « Le législateur n’a pas assuré un contrôle direct et effectif du procureur de la République sur les directeurs de police municipale et chefs de service de police municipale », avaient épinglé les Sages.

Quand Gérald Darmanin misait sur les services de renseignement pour empêcher les ZAD

En novembre 2022, inquiet après un week-end de débordements de violences autour de la construction de la retenue d’eau à Sainte-Soline, le président LR de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet avait interpellé Gérald Darmanin lors des questions d’actualité au gouvernement du Sénat. « Quels moyens prévoyez-vous de mobiliser ? Surtout, à quel moment comptez-vous déposer un texte devant le Parlement pour légiférer sur cette question ? À mon sens, nous devons le faire au plus vite », encourageait-il.

Le ministre avait alors renvoyé à la loi LOPMI adoptée en fin d’année dernière. Le texte crée onze unités supplémentaires de forces mobiles et renforce les services de renseignements. Le renseignement était qualifié par le ministre « de clé de la réussite » « Il a permis de proportionner notre réponse du point de vue du nombre de gendarmes mobilisés […] d’empêcher l’installation d’une ZAD et de permettre la poursuite des travaux de la bassine », louait-il.

 

 

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