Sandrine Rousseau : « Ce ne sont pas des EPR qui vont nous sauver de la crise climatique »

Sandrine Rousseau : « Ce ne sont pas des EPR qui vont nous sauver de la crise climatique »

Invitée de la matinale de Public Sénat, Sandrine Rousseau est revenue sur l’annonce par Emmanuel Macron de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Les écologistes y voient une fuite en avant qui n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques.
Louis Mollier-Sabet

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Emmanuel Macron a annoncé mardi soir que « pour la première fois depuis des décennies », la France allait « relancer la construction de réacteurs nucléaires. » Il y a un mois, le Président de la République voulait « relancer le nucléaire français » dans le plan France 2030 et RTE publiait dans la foulée un rapport qui fixait des scénarios énergétiques avec un mix comprenant du nucléaire dans 5 scénarios sur 6. Le chef de l’Etat a donc ajouté hier un jalon dans la reconstruction du parc nucléaire français, sans préciser combien de réacteurs seraient concernés, de quelle technologie il s’agirait ou selon quel calendrier ils seraient construits. Personne n’est donc tombé de sa chaise hier soir, mais pour Sandrine Rousseau, c’est une fuite en avant pour les politiques énergétiques françaises : « Le nucléaire est nécessaire pour ne rien changer à notre consommation énergétique et notre mode de vie. Le rapport du GIEC a montré que des événements extrêmes vont se multiplier. Les engagements de la COP26 nous conduisent à 2,7°, à ce niveau-là, on a des événements qui peuvent mettre en difficulté des centrales nucléaires. »

« Aucune génération n'a connu ce qu’il va se passer avec le réchauffement climatique »

Les écologistes ont souvent pointé le « fiasco financier » et technologique du nucléaire français et Sandrine Rousseau le réaffirme : « Il n’y a aucun EPR qui fonctionne actuellement en France, on a besoin d’adaptation dans les années qui viennent. Ce ne sont pas des EPR qui vont nous sauver de la crise climatique. » D’après elle, ces annonces ne sont pas à la hauteur des enjeux : « On peut se dire que rien ne changera, mais là on va dans un mur. Il faut se dire qu’aucune génération n'a connu ce qu’il va se passer avec le réchauffement climatique aujourd’hui, il faut prendre des mesures à la hauteur du défi. » Mais alors précisément, comment produire suffisamment d’énergie décarbonée ? Sandrine Rousseau préfère miser sur les énergies renouvelables, comme le solaire, la géothermie ou l’éolien. Plus d’éolienne en France ? « Bien sûr. » La présidente du conseil politique de Yannick Jadot semble avoir transgressé un tabou presque sacré et s’en explique : « Il y a plein d’endroits en France qui ne sont pas des paysages préservés, peut être que c’est ça qu’il faut que l’on travaille : où est-ce qu’on les construit ? Je n’entends pas les mêmes critiques quand il y a des dizaines de pylônes électriques qui traversent la France pour acheminer l’électricité nucléaire, pourtant c’est tout aussi moche. »

Notons que ces pylônes seront tout aussi nécessaires (voire plus) pour acheminer de l’électricité produite par des énergies renouvelables à travers le pays, mais il est vrai que leur installation fait moins débat. Plus généralement, la professeure d’économie semble préférer une décentralisation des installations de production électrique, et y voit une opportunité de mieux faire accepter le développement des énergies renouvelables dans la population : « On réfléchit toujours en créant des gros équipements, ça, on sait faire en France. Mais peut-être que c’est aussi ça qu’il faut changer : que les panneaux solaires, par exemple, soient sur tous les toits. Barcelone a fait un très gros travail pour répartir les panneaux sur ces toits, ça n’a probablement pas défiguré la ville vu son attrait touristique aujourd’hui. »

« Aujourd’hui, la principale clé pour sortir des énergies fossiles, c’est diminuer la quantité d’énergie que nous consommons »

Mais Sandrine Rousseau tient aussi à attirer l’attention sur « la face cachée » des politiques énergétiques, « que l’on ne veut pas voir » : la question de notre niveau de consommation énergétique. « Aujourd’hui, la principale clé pour sortir des énergies fossiles, c’est la sobriété, c’est-à-dire diminuer la quantité d’énergie que nous consommons » explique Sandrine Rousseau. L’ex-finaliste de la primaire des écologistes développe : « Cela veut dire isoler le bâti, diminuer les mobilités, aller vers une démobilité. Cela peut vouloir dire travailler chez soi, mais aussi réorganiser les services pour ne pas avoir besoin de prendre la voiture pour tout faire. À l’université de Lille on a installé deux crèches pour que les étudiants et les personnels puissent déposer leurs enfants sur leur lieu de travail. »

>> Pour aller plus loin sur la question de la sobriété énergétique dans le débat sur la neutralité carbone : Rapport de RTE : la consommation d’énergie, grande absente du débat sur la neutralité carbone

La question du prix de l’essence polarise tout de suite la question quand on évoque la fiscalité carbone ou la réduction de la consommation énergétique, et Sandrine Rousseau assume et préfère soutenir le niveau de vie des plus modestes : « Tous les analystes montrent que le prix de l’essence va augmenter, ce n’est pas moi qui le ferai augmenter. Ce qui n’est pas dit dans ce débat, c’est comment fait-on pour les salaires les plus bas : le problème est-ce le prix du plein ou la faiblesse des salaires ? »

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