Santé : que retenir du grand oral des candidats ?

Santé : que retenir du grand oral des candidats ?

Organisé au Palais Brongniart à l’initiative de la Mutualité française, le Grand Oral sur la santé a réuni ce 1er mars quatre candidats à l’élection présidentielle. Valérie Pécresse, Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Fabien Roussel ont présenté leurs propositions en matière de santé. Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon et Christiane Taubira ont annulé leur venue.
Public Sénat

Par Louis Dubar

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Yannick Jadot, « l’enjeu n’est pas combien ça coûte, mais comment on répond aux besoins des territoires. »

« L’hôpital a été pendant plusieurs quinquennats la variable d’ajustement de notre modèle de santé. » Pour le candidat écologiste, il est urgent d’appliquer une « nouvelle » conception : « L’enjeu n’est pas combien ça coûte mais comment on répond aux besoins des territoires. » Cette politique de santé préconisée par l’eurodéputé doit répondre au blues et aux malaises des soignants de l’hôpital public. « 80 000 postes sont vacants à l’hôpital, il nous faut un sursaut d’attractivité et cela passe par une revalorisation des conditions de travail et des salaires. »

7,4 millions de personnes vivent dans une commune où l’accès à un médecin généraliste est limité, cela représente 11,1 % de la population française. Pour rétablir l’accès « à des services publics et lutter contre les inégalités des territoires », Yannick Jadot préconise de doubler les capacités d’accueil des universités de médecine et de conditionner les installations des médecins dans les zones déjà pourvues. « Il faut également construire un système de santé basée sur les besoins des territoires à partir des bassins de santé », explique-t-il. Cette transformation s’articule à travers une refonte des missions des Agences Régionales de Santé (ARS), « pour transformer ces outils en des canaux de contrôle en des lieux de coordination de l’offre de santé à l’échelle des besoins des territoires. »

L’eurodéputé définit la santé environnementale comme l’une de ses priorités : « Plus personne ne peut s’exonérer d’intégrer la question de l’environnement et de toutes les maladies chroniques causées par la pollution », explique Yannick Jadot. « Il faut éviter les polluants qui fracassent notre santé » rappelle-t-il. Le programme du candidat EELV présente « un plan de lutte systématique contre les perturbateurs endocriniens, les substances CMR (cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction) présentes dans les objets du quotidien. » Yannick Jadot propose de mieux répartir les moyens budgétaires. « La politique de santé actuelle est tout d’abord une politique de soins. Les dépenses liées à la prévention ne comptent que pour 1,8 % des dépenses de santé en France. »

Interrogé sur ses propositions en matière de lutte contre les addictions, Yannick Jadot défend une légalisation du cannabis. « Il faut sortir du déni des politiques publiques actuelles. Nous sommes le pays le plus répressif alors que la France est championne de la consommation du cannabis », explique l’eurodéputé. « C’est un enjeu de sécurité publique en sortant des quartiers entiers de la mafia du deal mais c’est d’abord et avant tout un enjeu de santé publique. » Le projet présidentiel du candidat prévoit un encadrement de la production et de la vente du produit. Sur les drogues dures, Yannick Jadot préconise une meilleure prise en charge des consommateurs, « il faut les considérer comme des malades et non comme des délinquants. » L’eurodéputé préconise une meilleure politique de prévention et des soins supplémentaires en addictologie : « C’est la seule politique efficace et humaine. »

La France connaît d’après l’INSEE un vieillissement de sa population. « « À l’horizon 2050, il y aura quatre millions de Françaises et Français en perte d’autonomie. C’est considérable », souligne le candidat écologiste et qui préconise d’agir pour le grand âge et la perte d’autonomie avec le développement « de lieux de vie intermédiaires entre le domicile et l’Ehpad », améliorer le taux d’encadrement : « au moins 8 personnels pour 10 résidents. »

Anne Hidalgo, « l’hôpital public va mal »

Pour la candidate du parti socialiste, le constat est sans appel : « M’hôpital va mal. » Cette situation est liée au mode de gestion actuelle. « On ne peut pas demander à l’hôpital, la rentabilité d’une entreprise privée […]. Nous devons absolument considérer l’hôpital public comme un bien commun et mettre un terme à l’hôpital-entreprise. » La candidate du PS suggère de modifier les financements actuels (Odam, T2A) des hôpitaux français. Anne Hidalgo propose un nouveau système basé « sur les besoins réels des populations. Ces objectifs seront débattus au Parlement chaque année. »

« Pour garantir l’égalité » sur le territoire, la candidate socialiste préconise l’application d’une mesure d’urgence pour lutter contre les déserts médicaux. Si elle est élue, Anne Hidalgo demandera aux internes de quatrième année d’effectuer « une année de professionnalisation » dans une région sous-dotée en termes de moyens médicaux. « Cette mesure dès 2022 permettrait de déployer environ 4 000 internes. »

Future grande cause de son quinquennat si elle est élue, Anne Hidalgo veut faire de la santé mentale un thème central de sa politique de santé. D’après la Fédération Nationale de la Mutualité Française, une personne sur cinq est touchée par un trouble psychique chaque année en France. L’étude CoviPrv menée par Santé publique France sur l’évolution des comportements des Français depuis le début de la pandémie, présente un constat alarmant sur les répercussions du covid-19 sur la santé mentale. 9 % des Français ont eu des pensées suicidaires au cours de l’année 2021, un niveau supérieur de 4 points au niveau hors épidémie.

« Ça veut dire quoi, faire de la santé mentale une grande cause du quinquennat ? C’est fixer des objectifs en diminuant de 20 % les suicides dans notre pays, c’est apporter des moyens notamment à la pédopsychiatrie », souligne la candidate socialiste. Une étude menée entre janvier 2020 et avril 201 sur 830 enfants admis aux urgences de l’hôpital pédiatrique Robert Debré à Paris dévoile une augmentation des tentatives de suicide des enfants de moins de quinze ans. La pédopsychiatrie est un secteur en « déshérence. » La candidate socialiste propose de multiplier les recrutements de pédopsychiatres et des psychiatres. La maire de Paris plaide pour un remboursement par la sécurité sociale des consultations chez un psychologue. « La politique c’est faire des choix. Je fais le choix d’une société équilibrée qui prend soin des uns des autres [..]. Il faut qu’on arrête de nous expliquer qu’il y a les winners et les autres. »

L’ancienne inspectrice du travail réfute l’argument selon lequel, le système des retraites serait en déséquilibre. « D’après le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), on n’a pas un problème de financement, ni sur le court, ni sur le moyen, ni sur le long terme de notre système », souligne-t-elle. La maire de Paris affirme sa volonté de maintenir l’âge de départ à la retraite à 62 ans. « Je m’attaque aux inégalités du système en remettant des droits, là où il faut en remettre. » Elle plaide notamment pour « une prise en compte réelle de la pénibilité au travail. » La candidate propose également une revalorisation des pensions, du minimum vieillesse à 1 000 euros, et du minimum contributif à 1 200 euros.

Fabien Roussel, « il faut créer la sécurité sociale du 21ème siècle »

Comme Yannick Jadot et Anne Hidalgo, le candidat communiste à la présidentielle se désole d’un système de santé français affaibli par « des mesures comptables comme la P2A » et déstructuré depuis la Libération. « La protection sociale dans notre pays recule. En l’an 2000, la France occupait la première place des systèmes de santé selon l’OMS. 22 ans plus tard, elle peine à s’accrocher à la 11ème place. »Pour Fabien Roussel, la « santé est de plus en plus marchandisée. » Il faut mettre fin à ces « désengagements » en construisant « la sécurité sociale du 21ème siècle », avec la prise en charge à « 100 % » des soins de santé par l’Assurance Maladie. Cette refonte s’appuiera sur un hôpital public renouvelé avec le recrutement de 100 000 infirmiers, aides-soignants, auxiliaires de vie, aides à domicile. Le candidat demande la titularisation des contractuels et la fin d’un financement à l’activité.

Interrogé sur la question de la fin de vie, Fabien Roussel souligne les progrès qui ont été faits notamment avec la loi Claeys-Leonetti « qui permet d’éviter l’acharnement thérapeutique. » Le candidat communiste plaide pour que « tous les moyens soient alloués pour que cette loi puisse être appliquée. » Fabien Roussel souhaite poursuivre ces efforts entrepris sur la mort médicalement assistée. « Je rencontre des familles qui me racontent leur parcours, leur grand désespoir quand ils sont obligés d’aller dans les pays limitrophes pour pouvoir bénéficier de ce suicide assisté. » Le candidat propose d’ouvrir un grand débat sur l’euthanasie, un débat « dépassionné sur une question qui n’est ni de gauche, ni de droite. 

Pour le secrétaire national du PCF, la pandémie a mis en lumière la dépendance de la France vis-à-vis de l’étranger notamment dans le secteur du médicament. « Nous devons retrouver une forme de souveraineté en matière d’accès aux soins, de production de médicaments, de productions de produits de santé. » Le candidat propose une relocalisation des sites de production pharmaceutiques autour d’un pôle public qui gérerait à la fois la production et la distribution des produits. Ce dispositif serait financé par une taxation de 1 % sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques. Ce pôle public a aussi pour objectif « d’assurer un investissement plus important dans la recherche. » Elle est aujourd’hui essentiellement dans les mains du privé. »

Valérie Pécresse, le numérique pour simplifier l’hôpital

Seule candidate de droite à avoir fait le déplacement, Valérie Pécresse partage le même constat qu’Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Fabien Roussel sur l’état du système de santé français, un système « à bout de souffle » selon la présidente de région Ile-de-France, avec un hôpital appauvri renforcé par une opposition entre le public et le privé. La candidate se désole « d’une recherche française qui n’a pas réussi à trouver de vaccin alors qu’un certain nombre de nos entreprises et de nos entrepreneurs français ont créé Moderna aux Etats-Unis, ou Valneva en Ecosse. Nous avons un vrai sujet avec notre santé. »

L’ancienne ministre préconise « de changer complétement de modèle », un modèle reposant sur la demande de santé des territoires, « une décentralisation de la gestion de l’offre de santé. » Cette réforme s’appuie sur une délégation de certaines compétences aux collectivités territoriales, « la présidence des ARS aux régions et transformer le département comme pilier de la politique médico-sociale, y compris de la médecine de scolaire. » Cette proposition vise à « donner davantage de compétences de territoires. » L’objectif de cette grande réforme voulue par la candidate LR est de diviser par deux le délai « pour avoir des soins à moins de 30 minutes. »

La candidate à l’élection présidentielle souhaite allouer des moyens importants pour « créer une politique de prévention globale. » Valérie Pécresse fixe l’objectif « de donner des années d’espérance de vie en bonne santé d’ici dix ans. » Il est urgent pour elle de simplifier le fonctionnement de l’hôpital public, « il y a beaucoup trop de procédures administratives ». Valérie Pécresse souhaite insuffler une révolution numérique dans l’hôpital public. « Depuis qu’on a eu les QR Code du covid-19, tout a changé. Le numérique peut nous aider à simplifier beaucoup les choses et à éviter la redondance des examens. »

Interrogée sur sa mesure de « docteur junior », la candidate détaille les modalités de sa proposition visant à lutter contre les déserts médicaux.  « Ce sera une année de stage obligatoire au cours des études de médecines générale, en 2022 ce sera sur une base volontaire mais à partir de 2025, le dispositif sera intégré au cursus. »

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