Sénatoriales : si vous n’avez rien suivi et voulez tout savoir

Sénatoriales : si vous n’avez rien suivi et voulez tout savoir

Les sénatoriales ne s’annoncent pas faciles pour La République En Marche dimanche. La droite devrait conserver sa majorité et la gauche perdre des sièges. Mais LREM pourra compter sur des alliés répartis dans la plupart des groupes, avec en ligne de mire la majorité des 3/5 au Congrès.
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Les élections sénatoriales, c’est dimanche. Le scrutin, où la moitié des 348 sièges de la Haute assemblée est renouvelée, est le dernier de la riche année électorale 2017. L’élection se passe au suffrage universel indirect. Autrement dit, ce ne sont pas les Français qui sont appelés aux urnes, mais les grands électeurs, qui devront élire 170 sénateurs de la série 1 (plus un siège pour une élection partielle). Ils sont au total environ 162.000 sont composés des conseillers municipaux, départementaux et régionaux, ainsi que des députés et sénateurs eux-mêmes. Dans les départements les moins peuplés élisants un ou deux sénateurs, l’élection se fait au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Dans les départements les plus peuplés, élisant trois sénateurs et plus, l’élection se fait au scrutin de liste à la proportionnelle.

Les chiffres clefs

Pour ce renouvellement qui concerne la moitié des départements, le corps électoral sera d’environ 75.000 grands électeurs. Le nombre de candidats atteint un record, avec 1.996.

Sur les 171 sièges en jeu, 98 sénateurs se représentent, soit un peu plus d’un sur deux. La loi sur le non-cumul s’applique à tous les sénateurs à partir du 2 octobre. De quoi renforcer le renouvellement. Près d’une soixantaine des sortants sont en situation de cumul, soit 35 % d’entre eux. 36 se représentent et décident de lâcher leur mandat local. A l’inverse, ils sont 21 à préférer conserver leurs responsabilités locales, d'après les calculs de Public Sénat.

L’âge moyen des candidats est de 54 ans, quand la moyenne d’âge des sénateurs est de 62 ans. Le candidat le plus jeune a 24 ans et la plus âgée 87 ans. Pour en savoir plus, voir notre article sur la sociologie des candidats.

Les Républicains vont remporter le scrutin mais tensions internes

Pour comprendre ce scrutin particulier, peu médiatisé et mal connu du grand public, il faut imaginer que les sénatoriales sont en quelque sorte le troisième tour des municipales. Les grands électeurs sont composés à 95 % des conseillers municipaux et de leurs délégués. La droite ayant remporté les municipales de 2014, elle devrait théoriquement renforcer sa majorité au Sénat, qu’elle détient avec les centristes. Sans trahir de secret ou casser le suspense, Gérard Larcher devrait être réélu président du Sénat le 2 octobre est conserver sa place au Plateau.

Les Républicains sont cependant confrontés aux dissidences dans de nombreux départements, de quoi perdre des sièges. C’est le cas dans les Hauts-de-Seine. A Paris, la droite part aussi divisée avec trois listes. Le sortant Pierre Charon a reçu l’investiture. Mais Philippe Dominati, lui aussi sénateur sortant, présente sa liste tout comme Catherine Dumas. Regardez notre reportage :

A Paris, la droite sénatoriale encore et toujours divisée
04:26

Au sein du groupe LR, l’enjeu principal viendra surtout après les sénatoriales. Il risque de se diviser. Les Constructifs LR tentent de constituer leur groupe, notamment avec Fabienne Keller. Mais il faudra voir si l’objectif d’une vingtaine de sénateurs est atteint ou pas. Au-delà des Constructifs censés rassembler juppéistes et lemairistes, certains élus LR mettent aussi en cause la présidence de groupe de Bruno Retailleau. Ce proche de François Fillon a choisi de quitter la présidence de sa région Pays-de-la-Loire pour rester à la Haute assemblée.

En Marche ne pourra pas faire de miracles…

La grande nouveauté de ces derniers mois au Sénat, c’est la création d’un groupe La République En Marche. Mais avec 30 sénateurs (puis 29, après le décès de Nicole Bricq) essentiellement issus du groupe PS, le groupe de François Patriat n’a pas de quoi renverser la majorité sénatoriale. Grisée par la présidentielle, LREM pensait pouvoir surprendre aux sénatoriales, attirants les élus sans étiquette. Mais une succession d’annonces et de décisions de l’exécutif durant l’été – 13 milliards d’économies pour les collectivités, réduction du nombre d’emplois aidés, élus trop nombreux, suppression de la réserve parlementaire, fin de la taxe d’habitation – a cassé cet élan. Les retours de terrain ne sont pas encourageants. « Ces signaux (…) ont pris à contre-pied les élus locaux, qui pouvaient être relativement bienveillants en juin. Ils le sont peut-être un peu moins aujourd’hui » souligne le politologue Pascal Perrineau (voir la vidéo ci-dessus). D’une soixantaine de sénateurs, les ambitions de LREM se sont limitées à 50 voire 40 sénateurs pour le groupe. D’autant plus que la majorité des sénateurs sortants du groupe sont renouvelables et certains ne se représentent pas. Mais dans un scrutin incertain, il faut attendre les résultats dimanche.

Le politologue Pascal Perrineau sur les sénatoriales
00:57

… mais comptera des alliés dans presque tous les groupes

Faute de razzia sur le Sénat, LREM pourra compter sur des alliés dans les autres groupes. Car le tableau sénatorial est souvent nuancé et compliqué. Des soutiens d’Emmanuel Macron seront à trouver au groupe Union centriste (UDI et Modem), au groupe RDSE à majorité PRG, chez les Constructifs LR et au-delà selon les textes, et chez une bonne partie des sénateurs PS. Une stratégie qui se retrouve dans les investitures : le LR Emmanuel Capus (Maine-et-Loire) siégera, s’il est élu, au groupe des Constructifs LR. L’ex-PS Alain Bertrand, sortant en Lozère et investi par LREM, pourrait rester dans son groupe RDSE.

De quoi, après les sénatoriales, constituer un intergroupe, qui n’a pas de réalité dans le règlement du Sénat, mais permettra de constituer des majorités au cas par cas, selon les textes. Le groupe LREM sera peut-être l’arbre qui cache la forêt.

L’enjeu des 3/5 au Congrès pour Emmanuel Macron

En Marche ne fera pas basculer le Sénat. Mais l’enjeu des sénatoriales pour Emmanuel Macron est de trouver la majorité des 3/5 au Parlement pour modifier la Constitution. La réduction du nombre de parlementaires qu’il a promise le nécessite. L’exécutif peut compter sur 395 députés à l’Assemblée. Pour arriver au 3/5, il faut 160 sénateurs. Ce qui semble difficile. Mais détail d’importance : il faut obtenir les 3/5 des suffrages exprimés. Autrement dit, si par exemple 30 parlementaires s’abstiennent, le nombre de voix à obtenir est plus faible. La majorité des 3/5 passe alors de 555 à 537. Il manque alors 142 sénateurs, un objectif qui semble plus réalisable. On sort alors sa calculette et ses hypothèses : si LREM compte 40 sénateurs, que 30 LR apportent leur soutien, 20 PS, environ 15 RDSE, 40 centristes, on arrive à 145… Avec une fourchette plus haute de 50 sénateurs LREM, cela fait 155 sénateurs. Ce sera difficile mais jouable. Mais dimanche soir, il sera certainement difficile de savoir si Emmanuel Macron peut disposer d’une majorité des 3/5.

Pertes en vue au groupe PS

Il y a sept ans, le PS remportait avec ses alliés de gauche une victoire historique en faisant basculer le Sénat. La parenthèse ne dure que 3 ans pour cause de vague bleue aux municipales de 2014. Mathématiquement, le PS va à nouveau perdre des sièges dimanche. Sans compter les divisions. Le président du groupe, Didier Guillaume, ne ménage d’ailleurs pas de faux suspenses. Il annonce déjà la victoire de la droite et la réélection de Gérard Larcher. Aujourd’hui à 86, après le départ de sénateurs vers le groupe LREM, le groupe PS pourrait se retrouver autour de 60 sénateurs. Le parti espère que la colère des élus locaux pourra profiter aux candidats, comme l’ancien ministre des Sports, Patrick Kanner, candidat dans le Nord. Regardez notre reportage :

Sénatoriales: en campagne dans le Nord
04:33

Comme chez les LR, des tensions internes existent sur la ligne politique. Faut-il se placer clairement dans l’opposition à Emmanuel Macron ? Ou être des constructifs de gauche et regarder texte par texte, comme le souhaite Didier Guillaume, ancien directeur de campagne de Manuel Valls ? Un débat qui occupe les esprits si bien que certains évoquent une scission. Rien n’est sûr. Il faudra voir le rapport de force après le scrutin et si les sénateurs arrivent à trouver une méthode de travail commune.

50 nuances de centristes 

Dans la foulée de l’élection d’Emmanuel Macron, le groupe Union centriste du Sénat a pris position, lors d’un vote interne, en faveur du chef de l’Etat. Une ligne notamment poussée par les Modem du groupe, qui font totalement partis de la majorité présidentielle. Mais depuis, l’été et la grogne des élus locaux sont passés par là. Ainsi que les investitures aux sénatoriales. Le vice-président du groupe, l’UDI Vincent Capo-Canellas, n’a pas apprécié qu’En Marche présente des candidats face aux UDI sortants, alors que certaines circonscriptions étaient restées libres aux législatives pour les Constructifs. Et comme chez les centristes, ce n’est jamais simple, les Radicaux valoisiens s’apprêtent à rejoindre le groupe RDSE après les sénatoriales, à la faveur des retrouvailles entre radicaux de droite et de gauche du PRG. Mais tous ne suivront cependant pas Jean-Marc Gabouty, à la manœuvre dans ce rapprochement.

PCF : mission sauver le groupe

Le groupe CRC (communiste) du Sénat a un sérieux handicap pour ces sénatoriales : 16 de ses 18 sénateurs sont renouvelables. Et les communistes n’échappent pas à l’effet des municipales 2014. Si le secrétaire national de la place du Colonel Fabien, le sénateur sortant Pierre Laurent, devrait être réélu à Paris, le groupe perdra des plumes. Avant l’été, une certaine inquiétude était de mise. Mais à la rentrée, les sénateurs PCF ont semblé voir une éclaircie. Là encore, c’est grâce à la grogne des élus et aux premières difficultés dans l’opinion d’Emmanuel Macron. En Isère, une liste écologiste/PCF/hamonistes pourrait remporter un siège (voir notre reportage vidéo ci-dessous). Les communistes pensent jouable de conserver leur groupe, qui se placera dans une franche opposition au chef de l’Etat.

Sénatoriales : la gauche iséroise en pleine recomposition
04:31

Le RDSE à l’heure du rapprochement entre PRG et Radicaux de droite

Le Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) est une particularité sénatoriale. A majorité PRG, il rassemble d’anciens PS (comme Jean-Noël Guerini) ou Robert Hue, qui ne se représente pas, et un LR. Dans son histoire, il a été à majorité de droite ou de gauche. Le PRG Jacques Mézard, président du groupe jusqu’en mai, a soutenu Emmanuel Macron avant d’être nommé au gouvernement. Après les sénatoriales, le groupe pourrait voir l’arrivée de membres du Parti radical valoisien, parti de centre droit, qui se rapproche du PRG, 45 ans après leur scission. De quoi renforcer les voix pro-Macron au Sénat.

Les faibles espoirs du FN

Avec seulement deux sénateurs, le FN n’a pas de groupe au Sénat. L’arrivée de David Rachline et de Stéphane Ravier avait cependant marqué l’élection de 2014. Mais le FN va à nouveau payer sa faible implantation locale, même si le parti d’extrême droite réussi à gagner des élus élection après élection. Sa plus forte chance se trouve dans le Pas-de-Calais, peut-être dans l’Oise à la faveur des divisions de la droite. En Haute-Marne, il espère bousculer le jeu. Regardez notre reportage :

Sénatoriales: en campagne en Haute-Marne
04:21

Mais la crise interne que traverse le FN ne va pas favoriser les minces chances du Front national. Dans le Pas-de-Calais, le FN peut espérer attirer certains grands électeurs non-encartés, avec qui ses élus locaux sont en contact. Mais le départ du parti de Florian Philippot pourrait faire réfléchir certains élus sensibles à sa ligne. Si l’effet se mesure à la marge, il ne sera pas anodin. L’élection se joue parfois à quelques voix près…

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