[Série] On rembobine la présidentielle 2017 : l’affaire Fillon éclate, Hamon remporte la primaire et la bonne étoile de Macron

[Série] On rembobine la présidentielle 2017 : l’affaire Fillon éclate, Hamon remporte la primaire et la bonne étoile de Macron

La présidentielle de 2017 semble loin. Deuxième épisode de notre feuilleton hebdomadaire consacré à la semaine de campagne… d’il y a cinq ans. Celle du lundi 23 au dimanche 29 janvier est marquée par l’affaire Penelope Fillon, le tournant de la campagne.
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Chaque semaine, Public Sénat vous fait revivre la campagne 2017 et se replonge cinq années en arrière. Cette semaine, cap sur la semaine du 23 au 29 janvier. Une semaine clef, riche en événements, à droite comme à gauche, où beaucoup de choses vont se jouer.

Voir le premier épisode : [Série] On rembobine la présidentielle 2017 : un duel au PS, l’ambition d’En Marche et le sparadrap de François Fillon

L’affaire Penelope plombe la campagne Fillon, avant de le couler

Lundi 23 janvier. Une bombe politique s’apprête à exploser. Mais jusqu’ici, tout va bien, ou presque. Le candidat Fillon, mis à mal par la polémique sur ses propositions en matière de santé, tente de relancer sa campagne par son premier voyage à l’étranger. Direction Berlin. Choisir l’Allemagne pour son premier déplacement hors de France, « de la part de quelqu’un qui a voté non à Maastricht, c’est un geste politique fort », commente Bruno Le Maire, chargé des affaires européennes et internationales pour la campagne. François Fillon rencontre la chancelière Merkel. Mais son positionnement conciliant à l’égard de la Russie suscite des interrogations outre-Rhin. Cinq ans après, François Fillon a rejoint le conseil d’administration de Sibur, un géant de la pétrochimie russe, contrôlé par l’un des hommes les plus riches de Russie et proche de Vladimir Poutine. Quant à Bruno Le Maire, il est ministre de l’Economie d’Emmanuel Macron. On en fait du chemin en 5 ans.

Le lendemain, en fin de journée, l’info sort. Le tournant de la campagne. Bientôt un cataclysme à droite. C’est l’affaire Penelope Fillon. Le Canard Enchaîné révèle que l’ancien premier ministre a embauché sa femme comme collaboratrice parlementaire, mettant en doute le travail accompli. Elle a aussi été employée à La Revue des deux mondes. Ces révélations jettent la lumière sur les emplois dit « familiaux » des parlementaires. Discutable moralement, la pratique n’a, sur le papier, rien d’illégal. François Fillon n’est pas le seul. Ils sont un certain nombre à avoir employé, ou à employer, leur femme ou leur enfant. 59 sénateurs et de nombreux députés ont alors recours aux « emplois familiaux ».

Mais problème avec Penelope Fillon : on ne trouve aucune trace de son travail. Un travail qui semble fictif, qui plus est, grassement payé. L’enveloppe dévolue à chaque parlementaire est largement utilisée. L’hebdomadaire satirique calcule un total perçu sur plusieurs années de 500.000 euros. Le slogan « rends l’argent » n’est pas encore sur les réseaux sociaux, mais cette affaire de gros sous jette le trouble dans la campagne de Fillon. D’autant que le candidat de la droite se dépeint volontiers en père la rigueur et pourfend « l’assistanat »… Ravageur.

François Fillon crie au machisme, Valérie Pécresse dénonce une « manœuvre politique »

C’est ainsi que l’élection imperdable pour la droite sera perdue. Plutôt que de se retirer, le candidat préférera amener tout le monde, ou du moins ceux qui n’ont pas encore quitté le Titanic, avec lui, dans les limbes de la défaite, en se maintenant coûte que coûte. Mais on n’en est pas encore là. Pour l’heure, l’équipe, avec aux manettes la patronne d’Image 7, Anne Méaux, se met en mode com' de crise. François Fillon allume un contre-feu, crie au machisme et se place en défenseur des femmes. « Je vois que la séquence des boules puantes est ouverte […] Je voudrais simplement dire que je suis scandalisé par le mépris et par la misogynie de cet article », réagit le candidat. Bien tenté. Mais le jour même, le parquet national financier (PNF) ouvre une enquête. Elle porte sur des faits présumés de détournement de fonds publics, d’abus de biens sociaux et recel. « On se serait tous passés de ce buzz » reconnaît le jour des révélations, Jean-Baptiste Lemoyne, alors sénateur LR. Six semaines après, il rejoint Emmanuel Macron.

Valérie Pécresse ne se laisse pas attirer par les sirènes macronistes et prend la défense du candidat. Le camp Fillon va rapidement s’étonner de la célérité du parquet, avant de crier plus tard au « complot d’Etat ». « François Fillon est un homme intègre et droit », soutient alors la présidente de la région Ile-de-France. Dénonçant une « manœuvre politique », elle remarque que la justice « s’est saisie avec une rapidité époustouflante d’une affaire qui tombe à pic en pleine campagne présidentielle ».

Droit dans ses mocassins, François Fillon se défend et accélère

Droit dans ses mocassins, François Fillon se retrouve au 20 heures de TF1, le 27 janvier. Il défend l’emploi « réel » de sa femme. Il affirme qu’il renoncera s’il est mis en examen… Comme on le sait, il le sera, mais restera en course. La folle semaine du candidat continue avec de nouvelles révélations de Mediapart et du JDD, selon lesquelles François Fillon aurait perçu 21.000 euros issus de l’enveloppe destinée à payer les collaborateurs, lorsqu’il était sénateur de 2005 à 2007. Une affaire déjà connue.

Face aux événements et une campagne plombée, reste une seule option pour ce passionné de course automobile : accélérer. Le grand meeting prévu le dimanche porte de la Villette, à Paris, est l’occasion d’une démonstration de force. La droite fait (encore) bloc autour de son candidat. Déclaration d’amour de François Fillon à sa femme, qui « est à (ses) côtés avec discrétion », standing ovation de la salle. Au premier rang, « Penelope » est entourée de Gérard Larcher et du fidèle Bruno Retailleau, coordinateur de la campagne. Deux chaises après, Valérie Pécresse, fait aussi la claque. « Nous n’avons rien à cacher » lance François Fillon. Accélérer.

Hamon remporte la primaire : la revanche des frondeurs

Au même moment, à gauche, et surtout au Parti socialiste, on s’apprête… à désigner son candidat. François Hollande ne s’est pas représenté. Le premier tour de la primaire de la « belle alliance populaire » donne Benoît Hamon et Manuel Valls en tête. Au lendemain du scrutin, lundi, des soupçons de participation gonflée viennent jeter le trouble. Il faut dire qu’au PS, certains ont déjà donné dans le passé dans le bourrage d’urnes. Mais finalement, tout rentre dans l’ordre.

Anne Hidalgo, soutien fervent de Vincent Peillon pour le premier tour, préfère ne pas choisir entre les deux finalistes. Elle salue Benoît Hamon, mais « je n’ai jamais été à la gauche du parti » disait-elle quelques jours avant. Après une courte campagne de second tour d’une seule semaine, où Manuel Valls attaque le revenu universel du candidat de l’aile gauche, Benoît Hamon remporte la primaire avec 58 % des voix. Une surprise. Ses propositions ont imprimé à gauche. C’est la revanche des frondeurs du quinquennat Hollande. Mais bientôt le début de la dégringolade pour le candidat PS… et une chance pour Emmanuel Macron. En délaissant la ligne sociale-démocrate, Benoît Hamon donne de l’espace au président d’En Marche, et son discours qui se veut et de gauche, et de droite.

Des révélations sur Macron éclipsées par l’affaire Fillon

Pendant ce temps-là, un certain Emmanuel Macron continue sa campagne. L’ancien ministre de l’Economie de François Hollande, alors troisième homme de la présidentielle, s’envole en début de semaine pour Beyrouth, au Liban. Le genre de déplacement pour construire la stature internationale d’un candidat. Il plaide pour une « politique d’équilibre » à l’égard du régime et des rebelles en Syrie.

Le 25 janvier, au moment où sort l’affaire Filon, paraît un livre : « Dans l’enfer de Bercy : enquête sur les secrets du ministère des Finances ». Les auteurs, deux journalistes de Radio France, racontent qu’Emmanuel Macron, lorsqu’il était au ministère de l’Economie, multipliait les dîners et les rencontres avec des personnalités de tous horizons. « En 2016, Emmanuel Macron a utilisé à lui seul 80 % de l’enveloppe annuelle des frais de représentation accordée à son ministère par le budget. En seulement huit mois, jusqu’à sa démission en août ». « Je n’ai jamais utilisé l’argent du contribuable pour lancer le mouvement En Marche ! » répond le candidat, qui assume ses dîners : « Je le revendique. Il est bon qu’un responsable politique, un ministre, voit des gens en dehors de son champ strict ministériel ».

Des révélations éclipsées par l’affaire Fillon. La bonne étoile de Macron. Signe que les planètes s’alignent : la victoire de Benoît Hamon à la primaire de gauche va permettre à Emmanuel Macron de récupérer une bonne partie de l’électorat social-démocrate, qui se cherche un nouvel héros.

Marine Le Pen parle aux seniors dans le Nord

En cette fin janvier, Marine Le Pen visite Denain, dans le Nord. Un déplacement pour parler aux seniors, chez qui la candidate du FN fait moins de voix que François Fillon, ou même Emmanuel Macron, selon les sondages. Alors elle parle des « 1,5 million de personnes âgées dépendantes » et de la nécessité d’une cinquième branche pour financer la dépendance. Un électorat essentiel, alors que la candidate d’extrême droite imaginait certainement alors se retrouver face à François Fillon au second tour. Du moins juqu’à l’affaire Fillon.

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