[Série] On rembobine la présidentielle 2017 : un duel au PS, l’ambition d’En Marche et le sparadrap de François Fillon

[Série] On rembobine la présidentielle 2017 : un duel au PS, l’ambition d’En Marche et le sparadrap de François Fillon

La présidentielle de 2017 semble loin. Premier épisode de notre feuilleton hebdomadaire consacré à une semaine écoulée de campagne, avec cinq années de recul. Premier épisode : du lundi 16 janvier au dimanche 22 janvier 2017.
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Une présidentielle en chasse une autre. Que reste-t-il de la présidentielle de 2017 ? Chaque vendredi, Public Sénat vous fait replonger cinq années en arrière, dans l’élection de 2017. Cette semaine, cap sur la semaine du 16 au 22 janvier, où la course s’accélère. Ce sont aussi les derniers jours avant les révélations du Canard Enchaîné sur le couple Fillon, qui bouleverseront la campagne.

Mi-janvier 2017, la France grelotte, frappée par une vague de froid comme de nombreux pays européens. Dans le chaudron de la campagne présidentielle, en revanche, la température monte. Tous les ingrédients ne sont pourtant pas encore au complet. L’électeur de 2022 jugera peut-être cette situation étonnante, mais avant la fin du mois de janvier 2017, le candidat du Parti socialiste n’était toujours pas en piste.

Les sept candidats de la « Belle alliance populaire » sont dans la dernière ligne droite avant le premier tour de la primaire, le 22. Celle-ci oppose plusieurs anciens ministres de François Hollande – Benoît Hamon, Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, Sylvia Pinel (Parti radical de gauche) – auxquels s’ajoutent François de Rugy (Parti écologiste) et Jean-Luc Bennahmias (Front démocrate). A l’issue du second débat, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, tous deux issus de l’aile gauche du PS, sont jugés les plus convaincants. Ce soir-là, François Hollande affiche son désintérêt pour la primaire, en se rendant au théâtre.

Le match Benoît Hamon / Manuel Valls s’installe

Manuel Valls se retrouve isolé sur la question du nombre de réfugiés ou encore la légalisation du cannabis. Le match entre Manuel Valls et Benoît Hamon semble déjà installé avant même le premier tour. Le 18 janvier, ils s’affrontent par interviews interposées sur le thème du revenu universel, la proposition emblématique de Benoît Hamon. Ce dernier se dit « heureux » d’avoir réussi à « structurer » la campagne autour de sa proposition, lors du dernier meeting avant le premier tour de la primaire. « Quand j’ai commencé la campagne on ne parlait que d’identité, sécurité… C’était là-dessus qu’allait se jouer l’élection à gauche. » La fin de campagne n’est pas de tout repos pour Manuel Valls. L’ancien Premier ministre reçoit une gifle lors d’un déplacement à Lamballe (Côtes-d’Armor), le 17 janvier. Le geste est condamné de toutes parts.

Le 22 janvier, au soir du premier tour, Benoît Hamon arrive en tête (36,5 %) face à Manuel Valls (31,9 %), et prend l’avantage pour le second tour grâce au soutien du troisième homme, Arnaud Montebourg (17,8 %). L’évènement suscite des commentaires au sein des partis de gauche. L’écologiste Yannick Jadot (EELV) écarte toute idée d’alliance au profit de Benoît Hamon, si ce dernier était choisi. C’est pourtant ce qu’il fera un mois plus tard. Dans un entretien au Journal du Dimanche, Jean-Luc Mélenchon estime quant à lui qu’un désistement de Benoît Hamon « fait partie des probabilités ». Le candidat de la France insoumise, dont les équipes peaufinent le meeting en hologramme à venir, détaille ses propositions sociétales, et plaide par exemple pour le « suicide assisté ».

En réalité, c’est l’ombre d’Emmanuel Macron qui plane sur la primaire du Parti socialiste. Le 19 janvier, un sondage Ipsos-Sopra Steria montre que l’ancien ministre renforce son statut de troisième homme, avec une progression de trois à quatre points dans les intentions de vote. Il est crédité de 17 à 21 % (le haut de la fourchette est atteint sans candidature de François Bayrou et avec une hypothèse d’une désignation de Benoît Hamon). François Fillon est en perte de vitesse par rapport à décembre (entre 23 et 25 %), Marine Le Pen semble être en tête, avec un score estimé entre 25 et 26 %. Jean-Luc Mélenchon recueillerait 13 à 15 %, le PS serait relégué à la cinquième position. Sans François Bayrou, Manuel Valls recueillerait 10 %. En cas d’hypothèse Benoît Hamon, il tomberait à 7 %.

Démonstration de force d’Emmanuel Macron en Bretagne

Le 16 janvier, Emmanuel Macron fait salle comble à Quimper, plusieurs centaines de personnes ne peuvent pas entrer. Plus de 2 200 personnes sont venues écouter l’ancien ministre de l’Économie. Il énumère quelques-unes de ses mesures, notamment en matière de santé (prothèses dentaires et auditives remboursées à 100 %), d’éducation (dédoublement des classes au primaire dans les zones prioritaires) ou encore d’emploi (allègement des cotisations sociales pour que le « travail paye mieux »). La tonalité générale reste néanmoins floue, et la droite peine donc à trouver des angles d’attaque. « Quand nous connaîtrons son programme, nous en ferons la critique », prévient le directeur de campagne de François Fillon, Patrick Stefanini.

Histoire de s’assurer que son message imprime, Emmanuel Macron répète à 73 reprises durant le discours le mot « ambition » et compare son mouvement En Marche à une « confluence ». « Il y a des socialistes, des radicaux, des écologistes, des Modem, des UDI, des républicains, des femmes et des hommes de la société civile, vibrante, qui s’étaient détournés de la vie politique. »

Dans l’immédiat, celui qui rêve de faire voler en éclat les clivages politiques classiques, reçoit surtout des soutiens à gauche. Le 18 janvier, une cinquantaine d’élus socialistes du Rhône menés par le sénateur-maire de Lyon Gérard Collomb annoncent leur boycott de la primaire de gauche et leur engagement aux côtés d’Emmanuel Macron. En parallèle de ces ralliements, un travail est déjà engagé sur les investitures aux législatives, dans l’équipe du candidat. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’assurance domine. « On ne prendra pas les crevards ! » soutient un « pilier de l’équipe » au Parisien.

La semaine de la santé de François Fillon

A droite, François Fillon, fraîchement investi par son parti, tente de faire oublier la polémique suscitée par ses propositions sur la Sécurité sociale, qu’il voulait « focaliser » sur les « affections graves », en déremboursant la « bobologie » et les soins de confort. Quelques jours après avoir amendé son programme, un « zigzag » dont il se serait bien passé, le candidat espère se débarrasser de ce qui ressemble de plus en plus au sparadrap du capitaine Haddock. Durant une semaine, le candidat des Républicains enchaîne les auditions et les consultations à son siège de campagne sur le thème de la santé.

« Le but des réunions que nous allons avoir est d’orienter le discours vers le droit à la santé », explique à l’époque le sénateur Alain Milon. Le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, le « coordinateur et stratège » de la campagne, monte également au créneau pour confirmer que l’hôpital sera exclu par le projet de suppression de 500 000 postes de fonctionnaires. « Notre système de santé est à bout de souffle », reconnaît ce proche de François Fillon.

Le faux pas sur la Sécurité sociale est pourtant symptomatique d’un malaise plus profond chez une partie de la droite. Le programme, qui prévoit notamment une hausse de deux points de la TVA, ressemblerait à une « purge ». Le 18 janvier, plusieurs parlementaires LR s’érigent contre la radicalité du projet et l’implorent de « rajouter de l’espoir ». Froissée personnellement par l’investiture de Nathalie Kosciusko-Morizet dans la circonscription qu’elle convoitait, Rachida Dati se mêle à ce concert de critiques. « Il est urgent que François Fillon corrige le cap de sa campagne sinon on va droit dans le mur […] Si on continue comme ça, il ne faut pas exclure un second tour Macron - Le Pen. »

La présidente du Front national affiche sa sérénité face à la dynamique Macron. « Un face-à-face entre un mondialiste aussi caricatural et décomplexé que lui et une patriote comme moi, c’est l’idéal », déclare-t-elle le 17 janvier à l’Agence France Presse. « Macron est un gaffeur absolument gigantesque et quand il va s’agir de parler du fond, ça va être beaucoup plus compliqué pour lui. Pour l’instant, ce qu’il dit dans ses meetings, c’est une succession de platitudes ».

Marine Le Pen fait campagne sur ses fondamentaux. Depuis Coblence (Allemagne), le 21 janvier 2017, dans le cadre d’un congrès des partis d’extrême droite et populistes européens, elle se déchaîne contre l’immigration et les institutions européennes. Elle vitupère contre le « coût considérable » de l’immigration, qu’elle qualifie de « source d’insécurité ». « On sait très bien que parmi les flux de migrants se cachent des terroristes », enchaîne-t-elle. Un message sans filtre envoyé à son électorat français, dans cette première campagne présidentielle sous état d’urgence.

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