“Si j’avais pas été élu”… Au tribunal, Balkany tente de justifier sa fraude

“Si j’avais pas été élu”… Au tribunal, Balkany tente de justifier sa fraude

Interrogé lundi sur les exotiques montages financiers masquant la fameuse villa Pamplemousse, aux Caraïbes, Patrick Balkany a expliqué que sa...
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Par Juliette MONTESSE

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Interrogé lundi sur les exotiques montages financiers masquant la fameuse villa Pamplemousse, aux Caraïbes, Patrick Balkany a expliqué que sa qualité d'élu et celle de son épouse les avait dissuadés de déclarer leurs avoirs à l'étranger.

Jugé à Paris notamment pour blanchiment de fraude fiscale, le maire LR de Levallois-Perret n'en démord pas: l'argent suisse qui a permis aux Balkany d'acquérir deux villas à Saint-Martin par le biais d'un entrelac de comptes offshores et sociétés-écran, n'était "rien que de l'argent familial. Un point c'est tout".

L'argent avec lequel il a construit la première villa en 1989, Serena, provient martèle-t-il de son père, survivant d'Auschwitz qui avait caché sa fortune en Suisse.

Son épouse Isabelle Balkany a quant à elle tardivement reconnu avoir acheté la villa Pamplemousse en 1997 avec 10 millions de francs versés par ses frère et soeur en Suisse, en compensation de la vente fructueuse de l'entreprise familiale dont elle n'avait pas bénéficié.

L'ancien député développe une défense déjà esquissée jeudi: déclarer ces avoirs était périlleux pour des personnalités politiques.

"On s'est retrouvé tous les deux dans des situations peu agréables pour des élus: avoir des biens en France qui appartiennent à des sociétés étrangères", "c'était un peu l'engrenage", assure M. Balkany.

Son épouse "aurait dû" déclarer la villa Pamplemousse, convient-il.

Avant d'insister, faisant sourire un public toujours présent en rangs serrés: "On aurait aimé vivre comme tout le monde, avoir des maisons à notre nom! Mais une fois que le mal était fait au départ, c'était très difficile de changer en cours de route, surtout dans notre situation de personnes publiques".

Déclarer ces fonds? "Oh, si j'avais pas été élu, je l'aurais fait depuis longtemps! jure-t-il.

- Finalement, cette +faute fiscale+, c'est du fait de vos ambitions politiques et pour votre épouse, par solidarité familiale? demande l'imperturbable président Benjamin Blanchet.

- Je vous rappelle qu'elle était première adjointe", réplique Patrick Balkany.

- "Enfer fiscal" -

En 1986, alors qu'il était déjà élu maire, il avait pourtant rapatrié de l'argent suisse à la faveur d'une loi d'amnistie, sans que cela n'entrave sa carrière.

Patrick Balkany (g) et l'un de ses avocats Me Antoine Vey arrivent au tribunal, le 23 mai 2019 à Paris
Patrick Balkany (g) et l'un de ses avocats Me Antoine Vey arrivent au tribunal, le 23 mai 2019 à Paris
AFP/Archives

Isabelle Balkany, sortie vendredi de l'hôpital où elle était admise depuis une tentative de suicide le 1er mai, reste selon son avocat, "trop fragile" pour comparaître.

Ses déclarations devant les enquêteurs ont été lues à l'audience. Détenir une villa non déclarée "me dérangeait", avait-elle assuré: "Je suis prête aujourd'hui à assumer la faute fiscale que cela a représenté".

"Il n'y a pas le moindre centime d'argent public ou d'argent provenant d'entreprises", avait-elle insisté.

Les enquêteurs, qui n'ont pas réussi à remonter la trace de tous les fonds du couple, ont soupçonné Patrick Balkany d'avoir détourné des financements occultes du BTP à destination du RPR, cachés en Suisse à la fin des années 1980. Soupçons farouchement démentis par l'intéressé.

Pour le reste, M. Balkany jure toujours ne rien avoir su des sociétés-écran dissimulant la villa Pamplemousse.

Ces montages étaient pilotés par le même gestionnaire que celui qui gérait déjà ses avoirs en Suisse, Hans Jörin, "un homme charmant qui parle très bien le français avec un fort accent suisse-allemand". Mais il assure que ce n'est pas lui qui a conseillé ses services à sa femme, dont il était séparé en 1995-1996.

En 2004, Isabelle Balkany avait rendu son époux pleinement bénéficiaire de la villa, mais elle avait affirmé aux juges en être l'unique propriétaire. "Elle a complètement oublié le fait qu'elle m'avait rajouté, ce que je ne savais pas", soutient Patrick Balkany.

Pour expliquer la création d'une société seychelloise par M. Jörin, il invoque doctement "la théorie du jeu de piste et du paradis fiscal: on cherche l'endroit où on paie le moins".

"Vous savez, le +paradis fiscal+, c'est toujours par rapport à un enfer fiscal, rigole-t-il.

- En existe-t-il? s'enquiert le président.

- Je sais pas, demandez aux Irlandais ou aux Maltais ce qu'ils pensent de la fiscalité française..."

La justice a saisi les 2 millions de dollars issus de la vente de la villa Pamplemousse en 2015.

Le procès reprend mercredi avec le riad Dar Guycy de Marrakech, un dossier plus embarrassant pour les Balkany, qui ont toujours nié en être propriétaires.

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