SNCF : « On a expliqué à Elisabeth Borne que c’est une honte de stigmatiser les cheminots »

SNCF : « On a expliqué à Elisabeth Borne que c’est une honte de stigmatiser les cheminots »

C’est le début des concertations entre les syndicats de la SNCF et le gouvernement. Et ça se passe déjà mal. Après une première rencontre, ce jeudi, avec la ministre des Transports Elisabeth Borne, la CGT-cheminots, premier syndicat de l’entreprise, s’est dite « pas rassurée du tout » sur les intentions de l’exécutif. L’Unsa, deuxième organisation à la […]
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C’est le début des concertations entre les syndicats de la SNCF et le gouvernement. Et ça se passe déjà mal. Après une première rencontre, ce jeudi, avec la ministre des Transports Elisabeth Borne, la CGT-cheminots, premier syndicat de l'entreprise, s’est dite « pas rassurée du tout » sur les intentions de l’exécutif. L’Unsa, deuxième organisation à la SNCF, a rappelé que « le recrutement au statut reste un élément majeur ».

Du côté de Sud-Rail, troisième syndicat, l’impression n’est pas meilleure. « C’est monté dans les tours » raconte à publicsenat.fr Bruno Poncet, secrétaire fédéral de Sud-Rail, après sa rencontre avec Elisabeth Borne. La négociation « commence mal » ajoute-t-il, d’autant que Guillaume Pepy, patron de la SNCF, « est déjà calqué sur ce qu’a dit Jean-Cyril Spinetta dans son rapport ». Selon Bruno Poncet, avec la fin du statut de cheminot, « la sécurité ferroviaire va en pâtir et la qualité de service baissera ». Entretien.

Comment s’est passée cette première rencontre avec Elisabeth Borne ?
C’était houleux. Au début, c'est monté dans les tours ! Déjà, on lui a expliqué que c’était une honte d’avoir stigmatisé les cheminots depuis lundi. A entendre le discours d’Edouard Philippe, le seul problème de la SNCF, ce n’est pas la dette, c’est le statut. Après, mes collègues se retrouvent en porte-à-faux par rapport aux usagers qui sont en colère contre nous. C’est compliqué dans le travail.

Y a-t-il eu un dialogue ?
On a essayé de dialoguer, mais c’est compliqué. Hier, Guillaume Pepy, le président de la SNCF, a fait des annonces à ses managers sur des éléments qui devaient être les points de sortie de la négociation... Il est déjà calqué sur ce qu’a dit Jean-Cyril Spinetta dans son rapport. Guillaume Pepy a déjà commencé le travail.

C’est une fausse concertation selon vous ?
Ça commence mal. Si Guillaume Pepy annonce déjà ce qu’il va faire, pourquoi nous recevoir pour des négociations pendant deux mois ? La méthode employée n’est pas la bonne. Il aurait fallu commencer par faire des assises du ferroviaire où on met tout sur la table. Ils ont mis la charrue avant les bœufs.

Elisabeth Borne a-t-elle donné des précisions sur le recours aux ordonnances ?
On lui a expliqué que c’était difficile de venir négocier quand la menace des ordonnances est là. Ce n’est pas ce qui se fait de plus démocratique… Elle nous a dit que les ordonnances ne sont qu’un outil et qu’il y aurait un vrai débat démocratique au Parlement pendant trois mois. Ça nous paraît compliqué.

Mais y a-t-il des points sur lesquels vous êtes prêts à négocier ?
Oui, l’organisation de l’entreprise. Aujourd’hui, on s’est rendu compte – et la ministre fait le même constat –  qu’il y avait la nécessité d’avoir une seule entreprise intégrée et pas trois Epic (établissement public industriel et commercial). On fait le constat que ça ne fonctionne pas avec SNCF réseau d’un côté et SNCF mobilité de l’autre. Il y a une vraie réflexion là-dessus. Mais elle parle plutôt de société anonyme et nous d’Epic ou d’établissement public.

Les syndicats décideront le 15 mars, le lendemain de la présentation du projet de loi d'habilitation des ordonnances, s’ils appellent à un mouvement de grève. Dans ces conditions, vous semble-t-il inévitable ?
Aujourd’hui, on ne fait pas dans l’incantatoire. On va communiquer, expliquer ce qui se passe, ce que veut faire le gouvernement et expliquer aux cheminots ce qui leur est réservé. La mobilisation se fera dans le cadre des assemblées générales. La base est inquiète et remontée. On n’arrête pas de la stigmatiser.

Par contre, on sait déjà que Sud Rail sera dans la manifestation du 22 mars (manifestation organisée d’abord par les syndicats de fonctionnaires, à laquelle la CGT-cheminots et l’Unsa-cheminots se sont ralliés aussi, ndlr). Comme c’est une attaque en règle contre les services publics dans toute leur variété, il est normal de faire une vraie convergence entre nous.

Ce gouvernement entend passer en force sur tous les sujets. A un moment donné, une vraie résistance commence par une manifestation. Mais elle peut passer aussi pas autre chose. On espère que tous les Français qui se sentent lésés par ce gouvernement vont bouger. Le privé prend beaucoup aussi. Le premier résultat des ordonnances de la loi travail, c’est un plan de départ chez PSA. Public-privé, même combat.

Le gouvernement veut mettre un terme au statut des cheminots pour les nouvelles embauches. Certains estiment qu’il s’agit d’un privilège alors que vous le défendez. Pourquoi est-il nécessaire selon vous ?
Car il protège les usagers. Quand vous avez l’emploi à vie, vous pouvez vous permettre de dire non à votre patron quand il veut transgresser la sécurité ferroviaire. On l’a déjà vu. Des collègues ont refusé de donner le départ d’un train car les conditions de sécurité n’étaient pas réunies. Le manager disait pourtant d’y aller. Dans le privé, avec le chantage à l’emploi, si vous faites ça, vous perdez votre boulot. La sécurité ferroviaire va en pâtir. Et la qualité de service baissera aussi.

Quelle est la suite ?
On rencontre la ministre à partir de lundi et jusqu’au 24 avril. On est en négociation avec elle sur la plupart des sujets, sauf la dette. On va rentrer dans un cycle de discussion pendant presque deux mois. Mais il ne faut pas que ce soit que dans un seul sens.

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