Soupçons d’emplois fictifs : une « affaire » transformée en « combat » politique par Marine Le Pen

Soupçons d’emplois fictifs : une « affaire » transformée en « combat » politique par Marine Le Pen

Mise en cause pour des emplois fictifs d’assistants parlementaires au Parlement européen, Marine Le Pen n’en paye pas le prix dans les sondages. Et pour cause, cette affaire conforte sa ligne nationaliste et anti européenne.
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Si l’affaire « Pénélope Fillon » pourrait être fatale aux ambitions présidentielles du candidat LR, l’affaire « Marine le Pen » ne semble pas, pour le moment, provoquer les mêmes répercussions dans l’opinion. Sanctionnée  financièrement par le Parlement européen pour des emplois fictifs d’assistants parlementaires. Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire pour « abus de confiance », « escroquerie en bande organisée », « faux » et « travail dissimulé ». Pourtant, là où François Fillon  flanche (perte de 5 à 6 points d’intentions de vote entre 19 et 20% selon un sondage Elabe pour les Echos), la présidente du Front National grimpe (+ 3 points entre 26 et 27% d’intentions de vote).

300 000 euros à rembourser pour un seul emploi

Députée européenne depuis 2004, Marine Le Pen est sommée de rembourser environ 300 000 euros au Parlement européen au titre de salaires perçus par son assistante parlementaire, Catherine Griset. Suite à des investigations de l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf), les hauts fonctionnaires du Parlement européen estiment que Mme Griset, « dont le contrat prévoyait comme lieu de travail Bruxelles, n’a pas été en mesure de démontrer qu’elle résidait de façon continue ou avec un caractère permanent en Belgique, ni qu’elle se rendait régulièrement à son lieu de travail » selon un document révélé par Challenges. Pour ce seul emploi, le Parlement réclame à Marine Le Pen la somme de 298.500 euros correspondant à la période 2010-2016. En effet, le Parlement reproche à Marine Le Pen d’avoir détourner le règlement applicable aux assistants. Contrairement aux assistants locaux, les assistants accrédités ont l’obligation de travailler aux Institutions européennes et sont sous statut européen. Ils sont en charge  des affaires administratives, du secrétariat, et peuvent s’occuper de questions politiques.

Six députés FN concernés

Egalement dans le collimateur du secrétaire général du Parlement européen Klaus Welle, le garde du corps de Marine Le Pen,Thierry Légier, rémunéré comme assistant assermenté, fait l’objet d’une procédure pour un montant de 41 500 euros. Selon l’hebdomadaire l’Obs, c’est au total 1,1 million d’euros que 6 députés FN dont Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch, Mylène Troszczynski, Sophie Montel et Dominique Bilde, devront rembourser à l’institution européenne pour avoir rémunéré en tant qu’assistants parlementaires accrédités à Bruxelles  des personnes qui travaillaient en réalité pour le parti en France.

Martin Schulz ciblé par Marine Le Pen

Depuis plusieurs jours, la candidate du FN  a indiqué publiquement son refus de remboursement dont l’échéance arrivait le 31 janvier. A partir du mois prochain, son indemnité parlementaire sera donc réduite de moitié de 6200 à 3100 euros. 100% de ses indemnités de frais généraux seront ponctionnées, ainsi que 50% de ses indemnités journalières. Invitée de l’émission Question d’Info sur LCP, Marine Le Pen a fustigé « un combat politique » mené contre son parti par le Parlement européen. « Je suis combattue tous les jours que Dieu fait, tous les mois que Dieu fait, de toutes les années que Dieu fait, depuis que je suis en politique, et particulièrement depuis que le FN est devenu le premier parti de France. Nous ne nous soumettrons pas, nous nous battrons ». « Nous sommes condamnés sur la base d'un rapport dont nous n'avons pas connaissance » a pointé également la cheffe frontiste. Selon l’eurodéputé belge (Verts) Philippe Lamberts, « Marine Le Pen se sert du Parlement comme d’une tribune pour faire des discours en séance plénière. Mais avant sa réélection en 2014 elle faisait l’impasse sur le travail en commission ». De là, date un violent conflit entre Marine Le Pen et le socialiste allemand Martin Schulz, ancien président du Parlement Européen (ndlr il a quitté ses fonctions le 17 janvier 2017). Quelques jours avant les élections européennes de 2014, Martin Schulz déclarait à l’hebdomadaire L’Obs « le Front national n’a rien à offrir, à part des rémunérations confortables, aux frais du contribuable, pour ses élus absentéistes ». L’ancien président du Parlement européen a n’a jamais caché son combat idéologique à l’encontre du Front National. Sans préjuger de la véracité des faits, il offre aujourd’hui à Marine Le Pen un axe de défense qui coïncide avec ses positions nationalistes et anti-européennes. Le «  Parlement européen (…) n'est pas une administration mais un organe politique dirigé par un socialiste qui a toujours dit qu'il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour briser notre groupe, nous combattre politiquement » a déclaré la candidate frontiste cette semaine. « Que Martin Schulz ait monté cette affaire en épingle, ce n’est pas impossible. C’est même une affirmation fondée, mais cela n’enlève rien à la véracité des faits » estime Philippe Lamberts.

La riposte en droit de Marine Le Pen

Contacté par publicsenat.fr, l’avocat de Marine Le Pen, Me Marcel Ceccaldi voit dans la chronologie de l’enquête un élément pour appuyer cette thèse. « Marine Le Pen a été élue le 25 juin 2014. L’enquête interne a démarré le 27 à la demande du Parlement et donc de son président ». Me Ceccaldi conteste également la validité réglementaire de la procédure de recouvrement contraire selon lui « à tous les principes du droit européen », comme l’absence d’accès au dossier d’enquête de l’Olaf ainsi qu’ « une collusion » entre l’Office européen de lutte anti-fraude et le secrétariat général du parlement européen. Il annonce le dépôt prochain, devant la cour de justice européenne, d’une requête en suspension de la procédure de recouvrement. Marine Le Pen annonce également qu’elle porte plainte contre l'Olaf et Klaus Welle, secrétaire général du Parlement européen, pour « faux et complicité de faux ».

En transformant ces accusations d’emplois fictifs en un combat politique que l’on pourrait résumer de la façon suivante - « la France des patriotes » contre le « diktat de Bruxelles », Marine Le Pen  ne souffre pour le moment d’aucune baisse de popularité. Il est vrai que pour un parti qui propose dans son programme un référendum de sortie de l’Union européenne, « l’affaire des assistants parlementaires » est pour le moment peu enclin à rebuter son électorat.

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