Soutien de Wauquiez à Ciotti : un choix « prévisible » pour les sénateurs qui plébiscitent Bruno Retailleau pour « secouer les neurones » de LR

Soutien de Wauquiez à Ciotti : un choix « prévisible » pour les sénateurs qui plébiscitent Bruno Retailleau pour « secouer les neurones » de LR

Laurent Wauquiez a apporté officiellement son soutien à Éric Ciotti pour la présidence de LR. Pas de quoi perturber les sénateurs majoritairement en faveur de Bruno Retailleau le mieux à même, selon eux, de rassembler et de refonder le parti.
Simon Barbarit

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Dans les rangs LR du Sénat ou l’écrasante majorité soutient la candidature de Bruno Retailleau à la présidence du parti, le choix de Laurent Wauquiez en faveur d’Éric Ciotti est loin de produire un effet retentissant. « Soutien prévisible » se borne à nous répondre par SMS un cadre du groupe.

Dans les colonnes du Figaro, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a confirmé, jeudi, qu’il votera « avec conviction pour Éric Ciotti » au congrès de décembre tout en précisant avoir « beaucoup d’estime pour les différents candidats », notamment Bruno Retailleau qui « a fait un très gros travail comme président de groupe au Sénat ».

L’ancien président de LR loue les qualités de son « ami Éric » avec qui il partage « beaucoup de combats communs ». « Il a ce lien avec les militants qui est pour moi la première condition pour être président du parti », ajoute-t-il. Laurent Wauquiez rend également hommage à « un élu qui a du courage, de la clarté sur des sujets difficiles comme la sécurité et l’immigration ».

« Laurent Wauquiez n’insulte pas l’avenir »

« Les qualités qu’il prête à Éric Ciotti sont également celles de Bruno Retailleau. Ce n’est pas discriminant. D’une certaine façon, Laurent Wauquiez n’insulte pas l’avenir », relève Sophie Primas, la présidente de la commission des affaires économiques et soutien de Bruno Retailleau.

« Laurent Wauquiez, Éric Ciotti et Bruno Retailleau s’entendent bien. Ils sont sur la même ligne politique. J’ai apporté mon soutien à Éric Ciotti dès la fin du mois de juillet. Mais Bruno Retailleau a finalement décidé d’y aller un mois plus tard. J’aurais aimé qu’ils fassent un ticket tous les deux », se remémore la sénatrice des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer.

L’actualité récente, la mort tragique de la petite Lola, n’a effectivement fait que confirmer la proximité idéologique des deux favoris à la présidence du parti, une droite conservatrice qui place les questions d’identité, d’immigration et de sécurité en tête de ses préoccupations. On se souvient d’ailleurs qu’Éric Ciotti, durant sa campagne pour obtenir l’investiture LR à la dernière présidentielle, avait cité à plusieurs reprises Bruno Retailleau comme possible ministre de l’Intérieur. Le troisième candidat de cette campagne, le député du Lot Aurélien Pradié fait figure de challenger avec sa ligne de droite sociale.

Le principal antagonisme entre le député des Alpes-Maritimes et le sénateur de Vendée porte sur la stratégie pour 2027. Car si personne n’est surpris par l’annonce de Laurent Wauquiez, c’est parce qu’Éric Ciotti s’est engagé, s’il était élu, à le désigner rapidement, candidat à la présidentielle. De son côté, le président du groupe LR du Sénat préfère se concentrer sur la construction d’un projet rassembleur et innovant pour la droite qui reste bloquée dans l’opposition depuis plus de 10 ans.

Lire notre article. Présidence LR : la pression monte entre Pradié, Retailleau et Ciotti

« Nous ne voulons pas d’un parti en location-gérance »

« Il ne faut pas se tromper d’élection. Nous ne sommes pas en train d’élire un candidat à la présidentielle par procuration. Nous ne voulons pas d’un parti en location-gérance. Nous avons besoin de refonder le parti, de le réorganiser et de travailler à un nouveau projet de société. Et dans trois ans on verra qui pourra l’incarner », explique Stéphane Le Rudulier, ancien porte-parole d’Éric Ciotti à la primaire 2021, passé dans l’équipe de campagne de Bruno Retailleau.

Le sénateur du Nord, Marc-Philippe Daubresse, qui soutient Bruno Retailleau, voit également des désavantages à désigner un candidat à la présidentielle aussi rapidement. « Avant la présidentielle, il y a les sénatoriales qui ne bousculent pas les foules mais il y a surtout les Européennes où il est plus que probable que nous ne fassions pas un très bon score. Un échec, ce n’est pas la meilleure manière d’entamer une campagne présidentielle. Bruno Retailleau a raison de dire que ce n’est pas la priorité de désigner un candidat ».

Aux dernières Européennes, Laurent Wauquiez alors président de LR en avait fait l’amère expérience. Le score, plus que décevant de la liste de François-Xavier Bellamy, l’avait conduit à assumer la défaite en quittant son poste, obérant ainsi sa stature de « candidat naturel de la droite » à la présidentielle.

« Bruno Retailleau est un gros travailleur »

« J’ai un peu de mal à me dire qu’on va tout de suite désigner Laurent Wauquiez avec qui je m’entends bien par ailleurs. On a besoin d’une incarnation, certes, mais on a aussi besoin d’un parti qui se secoue les neurones pour présenter un projet. Et Bruno Retailleau est un gros travailleur », estime Sophie Primas.

« Ça fait des années que nous sommes dans l’opposition. La moindre des choses c’est de s’y prendre à l’avance pour désigner un candidat. On a vu ce que ça a donné de faire une primaire au dernier moment », met en avant Valérie Boyer.

D’une différence de tactique qui sépare les deux favoris, on bifurque rapidement vers une différence de personnalité. Chez ses soutiens, Bruno Retailleau est perçu comme plus rassembleur que le député du Sud même si Laurent Wauquiez se dit « convaincu » que le député « saura rassembler les sensibilités diverses de notre famille politique ».

Rien n’est moins sûr pour Marc-Philippe Daubresse, proche de Xavier Bertrand qui n’a pas apprécié qu’Éric Ciotti privilégie Éric Zemmour dans un duel hypothétique face à Emmanuel Macron à la dernière présidentielle. « Dans notre espace politique, pour l’investiture vous avez deux candidats, Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand. Si Bruno Retailleau est à la tête de LR, Xavier Bertrand restera dans le parti donc il y aura une compétition ».

« Les arrivées, les départs… C’est la vie d’un parti. C’est un mauvais procès fait à Éric Ciotti qui est sensiblement sur la même ligne politique que Bruno Retailleau », répond Philippe Tabarot, sénateur des Alpes-Maritimes soutien du député. Quant à ce fameux positionnement en faveur d’Éric Zemmour lors de la dernière présidentielle ? « Je crois qu’il en est revenu. Et Éric Zemmour n’est plus au cœur de la vie politique. Ça a été un effet de mode », balaye le sénateur.

« Éric Ciotti est plus médiatique mais il est difficile de mesurer son lien avec les militants »

« Je n’aime pas cette façon de penser comme quoi d’un côté, vous avez les intellectuels et de l’autre les bouseux. Éric Ciotti a parmi ses soutiens des gens comme Jean Leonetti qui ne sont pas uniquement centrés sur les thématiques régaliennes. Et puis, quand on a été réélu, à deux reprises, à la tête du conseil départemental des Alpes-Maritimes, président de la commission d’investiture du parti, On sait rassembler », appuie Valérie Boyer.

Pour Stéphane Le Rudulier qui est proche des deux hommes, il ne faut pas confondre « adhésion aux idées et notoriété ». « Oui, Éric Ciotti est plus médiatique mais il est difficile de mesurer son lien avec les militants. Au fur et à mesure, je vois que Bruno Retailleau tisse un lien avec les militants. Il peut être la révélation du congrès de 2022 comme Éric Ciotti fut celle de la primaire de 2021 ».

Le président de la commission des lois, François-Noël Buffet abonde. « Il reste un mois et Bruno Retailleau fait une bonne campagne avec un niveau de débat élevé. C’est ça dont nous avons besoin et ne pas rester monothématique ».

« Ce qui compte c’est que cette élection à la présidence de LR ne devienne pas un sujet de division entre nous », conclut Sophie Primas. Le même impératif à chaque élection chez Les Républicains, en somme.

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