Stade de France : le rapport gouvernemental invite à « relativiser » le nombre de 35 000 supporters excédentaires

Stade de France : le rapport gouvernemental invite à « relativiser » le nombre de 35 000 supporters excédentaires

Le gouvernement a livré mardi sa propre version des dérapages au Stade de France, en marge de la finale de la Ligue des Champions, à travers la publication du rapport commandé à la délégation interministérielle aux Grands Evènements Sportifs. Ce document s’intéresse notamment à la comptabilisation du nombre de fans présents sur place au moment des débordements, et constate l’impossibilité d’obtenir des données chiffrées « objectives ».
Romain David

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Le gouvernement a rendu public, ce vendredi 10 juin, le rapport commandé à la Délégation interministérielle aux Grands Evènements Sportifs sur les débordements qui ont entaché la finale de la Ligue des Champions au Stade de France, le 28 mai. Ce document de 30 pages, dont la rédaction a été pilotée par l’ancien préfet de Paris Michel Cadot, vient appuyer les versions délivrées par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, et le préfet de police Didier Lallement, lors de leurs auditions respectives au Sénat. Il nuance toutefois plusieurs éléments d’interprétation des événements qui ont conduit à une série de violences inédites en marge du coup d’envoi du match Liverpool-Real Madrid. Notamment sur la présence supposée de 35 000 à 40 000 supporters excédentaires à l’intérieur et autour du Stade de France.

Un dispositif de sécurité qui n’était pas suffisamment flexible

Ce rapport relève l’importance du dispositif de sécurité déployé pour cette finale : 1 680 agents de sécurité, 6 800 policiers et gendarmes dont 1 300 rien qu’au Stade de France. Ce dispositif « s’inscrit dans la continuité d’une préparation sérieuse et sans aucune intention de minimisation des enjeux sécuritaires autour de ce match de renommée internationale. »

Néanmoins, le rapport dénonce un manque de souplesse et de réactivité pour pouvoir canaliser les flux importants de spectateurs, notamment ceux du RER D, alors que les organisateurs attendaient le plus gros des arrivées à la sortie du RER B, pourtant impacté par un mouvement social (quatre trains sur cinq en circulation en fin de journée).

« Une délinquance d’opportunité » qui a pris de court les forces de l’ordre

Les engorgements auraient été provoqués par la lenteur du dispositif de double filtrage (contrôle antiterroriste et contrôle des billets) voulu par l’UEFA, au regard du nombre de supporters qui continuaient d’arriver par le RER. Cette situation a obligé la préfecture de police à ouvrir le barrage pour éviter des écrasements, mais a permis du même coup l’intrusion de « délinquants » sur le mail autour du stade. Le rapport évoque « un phénomène de délinquance d’opportunité ». « Ce risque d’atteinte aux personnes et aux biens n’a pas été suffisamment traité lorsque les individus ont profité de l’aubaine de l’ouverture du filtrage pour pénétrer à l’intérieur du périmètre de sécurité. Le prisme de l’ordre public a été dominant ».

Face à l’envahissement de la dalle du stade, les forces de l’ordre ont fait usage de « gazeuses à main et de grenades lacrymogènes », notamment pour contrer des tentatives d’intrusion à l’intérieur de l’enceinte sportive. 2 700 supporters de Liverpool munis de vrais billets n’ont jamais pu accéder au match.

35 000 supporters en trop ? Un chiffre qu’aucune donnée technique ne peut confirmer

Ce document rappelle que le déplacement massif de supporters sans billet en soutien à l’équipe de Liverpool, lors des rencontres à l’étranger, est un phénomène bien connu, sans être toutefois spécifique à ce club, qui avait été identifié par le renseignement. L’Intérieur et la préfecture de police ont estimé à 35 000 – 40 000 le nombre d’individus sans billet ou détenteurs de faux billets qui se sont acheminés en direction du stade. Concernant le nombre total de personnes présentes à l’intérieur et autour de l’enceinte avant le coup d’envoi, la DIGES effectue le calcul suivant :

  • 21 000 supporters arrivés via 450 bus
  • 6 000 en taxis et chauffeurs privés
  • 4 100 en véhicules particuliers
  • 79 200 via les transports en commun, c’est-à-dire le RER B, le RER D et la ligne 13 du métro

Ces informations recoupent celles déjà communiquées par le ministère de l’Intérieur et la préfecture. Toutefois, le dernier chiffre (79 200) a été établi à partir d’une estimation des agents en service à la RATP le soir du match, « en fonction des jauges des matériels roulants ». Il s’agit donc d’une simple appréciation, réalisée par des personnes physiques, et qui n’a pas été « corroborée par des capteurs techniques permettant de disposer de résultats objectivés », souligne le rapport. Par ailleurs, « il n’existe pas de possibilité de quantifier précisément par catégories entre les riverains, les personnes de passage et les spectateurs. »

En conséquence, « l’indication selon laquelle 35 000 personnes excédentaires, sans billet ou munies de faux billets, se sont retrouvées aux abords du stade est à relativiser, car ce nombre de 35 000 correspond à la déduction entre le volume total de personnes arrivées par tous les moyens jusqu’au Stade de France et le nombre de spectateurs comptabilisés dans le stade. » Et d’ajouter : « Il est donc difficile de documenter plus précisément cette proportion de 30 000 à 40 000 supporters en situation d’être démunis de billets ou porteurs de faux billets désignés par le préfet de Police dans son rapport d’incidents du 29 mai 2022 ».

Par ailleurs, les retours n’ont pas été comptabilisés, indique encore le rapport, mais la SNCF fait état de « flux importants » sur le RER B, avant la fin du match.

Billets papier : les organisateurs ne se sont pas inquiétés du risque de fraude

Revenant sur la fraude aux faux billets, pour laquelle le parquet de Bobigny a ouvert une enquête, le document rapporte que la volonté du club de Liverpool de recevoir la totalité de ses billets au format papier, plutôt que dans une version électronique, n’a pas suscité chez les organisateurs d’interrogation particulière quant au risque de falsification.

Lors de leurs auditions respectives devant le Sénat, Gérald Darmanin et plusieurs responsables de la Fédération française de football ont dénoncé cette demande, qui a selon eux facilité les possibilités de fraude. Parmi ses recommandations, le rapport de Michel Cadot évoque d’ailleurs la nécessité d’une billetterie « intégralement » électronique sur les événements de grande ampleur.

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