Stations de ski : « Les annonces du Premier ministre n’ont pas de sens ! » critiquent les sénateurs

Stations de ski : « Les annonces du Premier ministre n’ont pas de sens ! » critiquent les sénateurs

Le Premier ministre Jean Castex a annoncé jeudi que les stations de sports d’hiver seront autorisées à ouvrir à Noël, mais pas leurs remontées mécaniques. Les sénateurs en pointe sur le sujet ne cachent pas leur incompréhension face à cette décision.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

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L’hiver sans les sports. Du moins sans ski alpin. Les stations de sports d’hiver pourront rouvrir durant la période des fêtes de fin d’année, mais les remontées mécaniques devront rester fermées, a annoncé jeudi le Premier ministre Jean Castex. « Bien entendu, il sera loisible à chacun […] de se rendre dans ces stations pour profiter de l’air pur de nos belles montagnes, des commerces - hors bars et restaurants - qui seront ouverts. Simplement, toutes les remontées mécaniques et les équipements collectifs seront fermés au public », a déclaré le Premier ministre lors d’une conférence de presse. « Mais il ne serait en effet pas prudent de laisser se rassembler des flux très importants de population avec des activités susceptibles de solliciter par ailleurs les services hospitaliers », a justifié Jean Castex.

Une décision ou plutôt une « absence de décision » qui ne passe pas auprès des sénateurs qui poussaient depuis plusieurs jours pour une ouverture des pistes à Noël. « Monsieur le Premier ministre, dire que les stations seront ouvertes, c’est comme confirmer que Noël aura bien lieu le 25 décembre ! Le sujet reste celui des remontées mécaniques ! Il faut revenir sur cette décision prise à la hâte ! », fulmine sur Twitter le sénateur centriste de Haute-Savoie, Loïc Hervé (Union Centriste). Contacté, il ne décolère pas face à une vision des sports d’hivers qu’il juge très « parisienne ». « En bref, on demande aux CSP + de faire une croix sur leurs vacances au ski. Mais un exemple dont personne ne parle, ce sont les locaux qui vont skier une journée dans la semaine. Ce qui est d’autant plus aberrant, c’est que Noël n’est pas la période de l’année où les stations sont les plus remplies, avec des jauges à environ 50 % », regrette-t-il.

Très investi sur le sujet depuis deux semaines, Cyril Pellevat, sénateur les Républicains de Haute-Savoie fait part de son sentiment de « déception ». « Même si cette décision était inéluctable suite aux annonces du Président mardi, elle nous laisse un goût amer… En effet le travail que nous avons accompli chacun dans ses compétences, professionnels, élus, services de l’Etat n’a même pas été pris en considération », déplore-t-il après avoir mené une série d’auditions ces deux dernières semaines avec les acteurs du secteur pour fournir au gouvernement des préconisations dans un rapport qu’il publiera le 1er décembre. D’autant que Jean Castex avait annoncé lundi, après avoir mené une réunion avec les acteurs du secteur, une décision « dans 10 jours ». Emmanuel Macron a finalement annoncé dès mardi soir que les pistes resteraient fermées. « Jean Castex et Jean-Baptiste Lemoyne (secrétaire d’État en charge du Tourisme) n’étaient pas au courant de la décision du président de la République. Ils l’ont découverte devant leur télévision », souffle un parlementaire, qui estime que le Premier ministre en est réduit à « faire une espèce de commentaire de Macron ». « Le seul point positif dans tout cela c’est que le Premier ministre a bien rappelé que les stations seraient ouvertes mais sans remontées mécaniques, ce qui n’avait pas été dit par le président de la République », souligne Cyril Pellevat.

D’autres sont plus mesurés. « Sur l’aspect hospitalier, on peut le comprendre », reconnaît le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard. Mais il reste des imprécisions : « Est-ce qu’une piste de ski de fond, par exemple, pourra être ouverte ? », interroge le sénateur de l’Isère, qui plaide par ailleurs pour que le gouvernement tire les enseignements de la crise et engage un plan afin de « repenser le tourisme de montagne » en intégrant la problématique du réchauffement climatique.

Lettre à Emmanuel Macron

Cette décision était très redoutée par les professionnels du ski et les élus des régions concernées. Déjà plusieurs parlementaires issus de la droite comme de la gauche ont cosigné une tribune publiée ce jeudi matin appelant Emmanuel Macron à revenir sur sa décision. La sénatrice socialiste des Hautes-Pyrénées, Viviane Artigalas en fait partie. « Les annonces du Premier ministre n’ont pas de sens. Les remontées mécaniques sont soumises au même protocole sanitaire que les transports, et on va bien laisser des TGV bondés circuler… C’est faire deux poids deux mesures », dénonce-t-elle. Elle alerte aussi sur la concurrence des stations d’autres pays européens : « Pour les stations pyrénéennes, par exemple, c’est une catastrophe. En Espagne, les stations proches de la frontière vont rouvrir ». Sur ce point, Jean Castex a indiqué que la France était active « sur le plan européen pour que ces règles puissent être le plus harmonisées possible ».

Immédiatement après l’annonce du Premier ministre, François Calvet, sénateur les Républicains des Pyrénées-Orientales, s’est attelé à la rédaction d’une lettre au président de la République. « Nous notons sur le terrain une disparité de traitements au sein de la communauté européenne qui interpelle nos populations. En effet, plus loin de nous, la Suisse et l’Autriche ouvrent leurs stations. Plus près de nous, de 5 à 10 km à vol d’oiseau, d’après nos informations, l’Espagne et la Catalogne ainsi que l’Andorre, ouvrent leurs station  : l’Espagne, le 14 décembre et l’Andorre le 4 décembre », écrit-il, demandant à Emmanuel Macron, habitué de la station de Super Bagnères (Pyrénées), de « revenir sur cette décision ». L’élu estime que dans son département, « un euro dépensé contribue à injecter 7 euros dans notre économie » et que cette décision menace près de 5000 emplois. « Je veux vous dire que s’est installé un mouvement, non seulement d’incompréhension, mais aussi un sentiment d’injustice concernant ces décisions qui n’ont aucune cohérence sur le plan de la politique européenne, dont seules nos populations françaises souffriront encore une fois », conclut-il.

Dans la tribune, élus et professionnels ont estimé qu’il n’y avait « aucune raison crédible à ne pas rouvrir » dès les vacances de Noël, qui représentent entre 20 et 25 % de leurs recettes. Selon eux, il y a « un enjeu économique et social majeur pour une filière qui représente plus de 11 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, 2 milliards d’euros d’exportations » et qui « fait vivre un tissu d’entreprises locales, qui emploie plus de 120 000 personnes dans des territoires dont l’économie locale repose souvent pour l’essentiel sur ce secteur ». Jean Castex a promis des discussions en vue « d’indemniser les pertes de recettes occasionnées par cette décision » et de « préparer au mieux la période suivante, à partir de janvier », où une ouverture « plus large » pourrait être décidée si la situation sanitaire s’améliore. « La mobilisation du monde de la montagne va se poursuivre par des actions qui resteront à déterminer », persiste Cyril Pellevat, qui prévoit de nouvelles pétitions, lettres et tribunes. Les Domaines skiables de France (DSF), opérateurs des remontées mécaniques des 250 stations de ski françaises, ont, elles, immédiatement dénoncé « une aberration » après l’annonce de Jean Castex.

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