Suppression d’options, temps de travail : les propositions du rapport Longuet sur les profs

Suppression d’options, temps de travail : les propositions du rapport Longuet sur les profs

C’est un rapport explosif. Son auteur : le sénateur LR Gérard Longuet. Il fait une série de propositions pour le collège et le lycée. Dans ce rapport réalisé pour la commission des finances du Sénat (voir l’intégralité sur le site du Sénat et une synthèse de 4 pages), l’ancien ministre de la Défense propose de réduire […]
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C’est un rapport explosif. Son auteur : le sénateur LR Gérard Longuet. Il fait une série de propositions pour le collège et le lycée. Dans ce rapport réalisé pour la commission des finances du Sénat (voir l'intégralité sur le site du Sénat et une synthèse de 4 pages), l’ancien ministre de la Défense propose de réduire le coût des heures supplémentaires en les annualisant. Il propose aussi d’augmenter de 2 heures par semaine l’obligation de service des professeurs tout en alignant le temps de travail des agrégés et des certifiés. Soit 20 heures pour tous, durée pouvant être inférieure selon le type de classe. En contrepartie, il propose d’améliorer la rémunération des enseignants en début de carrière.

Autre proposition choc : réduire le nombre d’options pour les élèves, qui participent à la « dégradation » du lycée français, selon Gérard Longuet. Il évoque les langues étrangères et les enseignements artistiques. Globalement, il note que « l’encadrement du secondaire en France est plus coûteux que dans les autres pays de l’OCDE car il y a une dispersion des classes et une diversité de l’offre ». Il souligne que « quand la densité est plus forte, on peut regrouper les élèves plus facilement ».

Alors que François Fillon, soutenu par Gérard Longuet lors de la primaire, veut réduire de 500.000 le nombre de fonctionnaires, les propositions de son rapport serait le moyen de supprimer des postes de professeurs. « Il faudra ramener les effectifs de l’éducation dans le secondaire dans la moyenne européenne » souligne Gérard Longuet. Il précise que ses propositions n’ont « rien à voir » avec le projet du candidat Fillon. Entretien.

Votre rapport porte sur les heures supplémentaires dans le secondaire. On peut y lire qu’elles représentent un coût de 1,1 milliard d’euros sur l’année scolaire 2014-2015. Pourquoi avoir travaillé sur cette question ?
Je me suis posé la question de savoir si les heures supplémentaires ne servaient pas d’ajustement. Quand on diminue le nombre d’emplois, comme de 2007 à 2012, on pourrait penser en apparence qu’on va augmenter les heures supplémentaires et quand on en crée, comme depuis 2012, qu’on va diminuer les heures supplémentaires. Or l’expérience montre que les heures supplémentaires n’ont pas cessé d’augmenter dans les deux cas. Je me puis posé la question de savoir quelle était la règle de gestion. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de politique nationale des heures supplémentaires. Il y a des capacités budgétaires qui sont affectées par le ministère de l’Education aux rectorats puis entre le rectorat et les établissements pour faire fasse à des difficultés réelles. Il est impensable de tout figer à partir de Paris donc les heures supplémentaires en elles-mêmes ne sont pas répréhensibles et sont même souhaitables. Mais est-ce que leur objectif est de pallier des insuffisances ou d’accompagner un système qui évolue ? Pour l’instant, les heures supplémentaires pallient les faiblesses du système et ne permettent pas l’accompagnement vers un système plus souple, flexible et adapté à la diversité de l’enseignement.

Qui bénéficient de ces heures supplémentaires ?
Les heures supplémentaires compensent le statut financier des enseignants. Or quand on compare avec leurs collègues de l’OCDE, c’est plutôt dans le primaire que dans le secondaire et plutôt en début de carrière qu’en fin, que les écarts sont les plus spectaculaires entre enseignants. Les heures supplémentaires ne font que consolider le système en place. Elles consolident les revenus des professeurs les plus anciens, les plus qualifiés.

Votre rapport aborde aussi la question de la prise en compte du temps de travail des professeurs. Quel constat faites-vous ?
On découvre qu’il n’y a pas de réflexion approfondie sur la durée réelle du temps de travail des enseignants. Seule l’obligation minimum de présence devant les élèves – 18 heures pour les certifiés et 15 heures pour agrégés – et le nombre de semaines par an – au minimum 36 – sont conditionnées. Mais la vérité du travail enseignant est plus complexe. Une heure de cours vaut en réalité 2 heures, entre la préparation et la correction. Je suis très attentif à la prise en compte du travail réel de l’enseignant. Mais la préparation d’un cours n’est pas la même s’il s’agit d’un cours traditionnel répété d’année en année, ou qu’il s’agisse d’un nouveau cours issu d’une redéfinition des programmes. S’ajoute le travail de correction. C’est le lien avec les élèves. Ce lien aboutit a un temps de correction, d’attention et d’explication à l’élève plus ou moins variable. Puis vous avez le temps que l’enseignant passe avec d’autres enseignants ou les parents. Tout ce temps de travail n’est pas évalué, même approximativement. Il y a une espèce de frustration chez l’enseignant, quand on leur dit qu’ils font 18 heures alors qu’en réalité ils en font plus. Mais on ne sait pas qui en fait plus et qui en fait moins. Ce rapport, fait à l’origine pour la commission des finances, visait aussi à voir si le chiffre des effectifs avait un lien direct avec les heures supplémentaires.

Vous faites notamment des propositions sur le temps de travail des professeurs du collège et du lycée et l’annualisation des heures supplémentaires. C’est-à-dire ?
Je propose 2 heures supplémentaires pour les obligations réglementaires de service des professeurs. Comparé aux autres pays de l’OCDE, nos enseignants du secondaire sont à 2 heures de moins de présence face aux élèves. Ce qui ouvre un débat que je comprends. Les enseignants diront qu’il faut comparer les classes comparables en fonction du nombre d’élèves.

Aujourd’hui, l’obligation c’est d’accepter une heure supplémentaire par semaine. Mon idée est d’annualiser le volume d’heures supplémentaires et de pouvoir le rendre utilisable quand on en a besoin. Par exemple, pour compenser la fermeture d’établissements en période d’examen. Cette annualisation des heures supplémentaires donne une flexibilité qui va assez bien aux chefs d’établissement.

En réduisant le nombre d’heures supplémentaires, est-ce un moyen de réaliser des économies ?
Ce que je propose réduirait les heures supplémentaires. Il faut une réflexion globale. Pour l’instant, je ne suis pas allé assez loin pour savoir l’impact sur les besoins globaux.

En augmentant de deux heures les obligations de service des professeurs afin de réduire le nombre d’heures supplémentaires, cela se traduira-t-il par un manque à gagner pour certains professeurs ?
Je ne pense pas. Globalement, je propose une meilleure répartition et une meilleure reconnaissance du travail effectué réellement. Il y a quand même une petite conséquence : si on part du principe que les heures supplémentaires sont davantage reparties sur l’ensemble des enseignants, on n‘aura pas ce phénomène d’une concentration des heures supplémentaires en général sur les enseignants les plus confirmés, les plus anciens, ce qui coûte plus cher en heure supplémentaire.

Concrètement, combien d’heures feraient les professeurs, selon les préconisations de votre rapport ?
On passerait de 15 à 17 heures pour les agrégés et de 18 à 20 heures pour les certifiés. Mais pour les enseignements identiques, je propose d’aligner le régime horaire des professeurs agrégés sur celui des certifiés, soit 20 heures dans l’esprit de mes propositions. Si les professeurs ont les mêmes classes, ils feraient les mêmes horaires. La durée des cours dépendrait plus des classes que du statut initial. Je pose la question du « face à face pédagogique » pour faire varier la durée en fonction de la difficulté de la classe. Si vous êtes devant une classe prépa, ça demande un travail plus exigeant de correction, il est normal d’être à 15 heures pour un agrégé. Le nombre d’heures doit se faire en fonction du public, pas en fonction de son grade.

Par l’augmentation du nombre d’heures par professeur et l’annualisation des heures supplémentaires, serait-il possible de réduire le nombre total de professeurs ?
C’est le problème de la gestion des effectifs. L’encadrement du secondaire en France est plus coûteux que dans les autres pays de l’OCDE car il y a une dispersion des classes et une diversité de l’offre. Je constate que le nombre d’élèves par professeur dans le secondaire est en moyenne 20% inferieur que dans l’OCDE, car notre organisation aboutit à une dispersion. Ce n’est pas choquant en soi car la densité française est moins forte que dans d’autres pays l’OCDE. Quand la densité est plus forte, on peut regrouper les élèves plus facilement. Je constate aussi qu’on dépense moins dans le primaire et plus dans le secondaire par élève.

Voyez-vous des marges d’évolution ?
Oui, sur la diversité de l’offre. Dans le secondaire, il faudrait une offre un peu moins diversifiée et restructurer la localisation de cette offre.

Cela permettrait-il de supprimer des postes de professeurs ?
Il faudra ramener les effectifs de l’éducation dans le secondaire dans la moyenne européenne.

Pour « rationaliser l’offre scolaire », vous proposez « d’augmenter la taille moyenne des classes grâce à la réduction du nombre d’options au lycée ». Dans votre rapport, vous donnez l’exemple des 22 langues vivantes possibles au lycée ou celui de l’enseignement artistique en prenant exemple sur l’option arts du cirque. Quelles options pourraient être supprimées selon vous ?
Précisément, je n’en sais rien. C’est une réflexion d’ensemble qui doit être conduite. En disant cela, chaque catégorie va hurler, c’est logique. Mais il faut quand même se poser la question de savoir si on peut tout se payer. La réponse est non. C’est une question de soutenabilité financière. On ne peut pas dire qu’il faut renforcer les enseignements fondamentaux et entretenir un système, qui a sa place sans doute, mais pas dans les premières priorités.

Faudrait-il moins d’options d’arts plastiques, de danse, de musique ou de cinéma ?
Je ne veux pas dire car je n’ai pas la prétention de le dire.  C’est le métier du ministre de l’Education nationale.

Ces options multiples ne font-elles pas la qualité de l’offre d’enseignement du lycée français ?
Ça fait surtout sa dégradation. On peut considérer que la dispersion des moyens ne risque pas de contribuer à la dégradation de la performance dans les matières principales. C’est un choix, si on préfère le cirque… Mais quelles sont les priorités ? 

Diriez-vous que c’est un luxe qu’on ne peut pas se payer ?
C’est un luxe qu’il faut se payer autrement. Mais pas au détriment de la formation de base.

Vous avait soutenu François Fillon pendant la primaire de droite. Les propositions de votre rapport peuvent-elles être reprises par le candidat Fillon ?
Ça n’a rien à voir.  C’est un rapport fait pour la commission des finances du Sénat. Je précise qu’il ne l’engage pas.

Les mesures que vous proposez sont explosives. Elles risquent d’être très mal reçues par le corps enseignant…
Oui, vraisemblablement. Mais il faut se dire des vérités. Si on veut se faire plaisir en permanence,  c'est certain qu’on ne bougera pas beaucoup le pays.

Votre rapport ne traite-il pas trop la question par le seul prisme budgétaire ?
Le rôle de la commission des finances est de regarder la façon dont la dépense publique est assurée. Est-ce que l’argent du contribuable est correctement utilisé quand on est dans des coûts par élève supérieurs au coût moyen européen ? Chacun est dans son rôle. Je ne suis pas à la commission des affaires culturelles.

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