Télétravail : les entreprises récalcitrantes écoperont d’une amende allant jusqu’à 1 000 euros par salarié

Télétravail : les entreprises récalcitrantes écoperont d’une amende allant jusqu’à 1 000 euros par salarié

Face à la dégradation de la situation sanitaire, le gouvernement a décidé de plusieurs mesures dont la généralisation du télétravail obligatoire à raison de trois à quatre jours, dès la rentrée. La ministre du Travail Elisabeth Borne a même annoncé aujourd’hui une amende allant jusqu’à 1 000 euros par salarié pour les entreprises récalcitrantes. ​​Une mesure qui inquiète fortement le patronat. 
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Par Chantal Baoutelman

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« Le gouvernement réfléchirait à une amende de 2000 euros par salarié pour les entreprises qui n’appliqueraient pas les nouvelles mesures relatives au télétravail. C’est hallucinant et tellement typique de ce pays où les chefs d’entreprises sont souvent montrés du doigt ! » s’emporte Eric Chevée, vice-président aux affaires sociales à la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

Avec l’explosion du nombre de contaminations, plus de 200 000 cas dans les dernières 24 heures, le gouvernement a rendu le télétravail obligatoire dans les entreprises à partir de la rentrée, à raison de « trois jours minimum par semaine et quatre jours quand cela est possible ». Les procédures de contrôle seront simplifiées afin de sanctionner les entreprises qui ne respecteraient pas cette règle.

La ministre du Travail Elisabeth Borne a, effectivement, annoncé aujourd’hui sur LCI une amende administrative allant jusqu’à 1 000 euros par salarié, dans la limite de 50 000 euros. ​​Une mesure qui inquiète fortement le patronat. « Ca peut ruiner une petite entreprise. On a l’impression que les chefs d’entreprises sont responsables de tous les maux alors qu’il y a très peu de clusters en entreprise » poursuit Eric Chevée.

Pas sûr que cette mesure se retrouve dans le texte final

Si la CGT accueille favorablement cette nouvelle, le syndicat n’est pas convaincu de son application. Selon l’entourage d’Elisabeth Borne, un amendement au projet de loi sur le passe vaccinal, actuellement à l’étude au Parlement, sera déposé d’ici la fin de la semaine. Objectif : entériner la sanction des entreprises récalcitrantes.

Mais « la loi entrera en vigueur à la mi-janvier alors que le télétravail est obligatoire à compter du 3 janvier » relève Baptiste Talbot membre de la commission exécutive de la CGT. Le sénateur LR Serge Babary, président de la délégation aux entreprises pointe également cette problématique de calendrier : « Je ne suis pas sûr que cette mesure se retrouve dans le texte final ».

Pour le représentant de la CPME, plutôt que d’obliger au télétravail, le gouvernement aurait dû appeler à la responsabilité des chefs d’entreprises. Même son de cloche du côté du sénateur tourangeau : « Il faut leur faire confiance. Le protocole sanitaire en entreprise validé par les partenaires sociaux et le ministère du travail est là pour encadrer le télétravail. »

Ce document définit les postes télétravaillables et ceux qui ne le sont pas. Les chefs d’entreprises craignent qu’avec les nouvelles annonces, le gouvernement n’aille au-delà de ce qui a été circonscrit. Car qui dit sanction, dit contrôle. En l’occurrence, ce sont les inspecteurs du travail qui trancheront.

« Or, la perception d’un poste télétravaillable ou pas n’est pas la même pour un chef d’entreprise ou un inspecteur du travail » précise le président de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Et Serge Babary d’ajouter que cette mesure risque de créer un problème d’intrusion des inspecteurs dans le travail des dirigeants, et que se posera, de toute manière la question du nombre d’inspecteurs de travail disponibles pour cette nouvelle mission.

En clair, la traduction du dispositif sur le terrain n’est pas gagnée. La CPME compte réclamer plus de souplesse dans les indications qui seront transmises aux inspecteurs de travail.

Le télétravail, ce n’est pas la panacée

Quant au dit protocole sanitaire en entreprise, il a été modifié ce jeudi 30 novembre afin d’inscrire l’obligation d’« un nombre minimal de trois jours de télétravail par semaine, pour les postes qui le permettent »  voire quatre, et ce, pendant trois semaines. Question de cohérence avec les trois jours obligatoires dans la fonction publique.

Le syndicat CGT est dubitatif par rapport à la notion d’obligation. « Il est très difficile de mettre en place le télétravail dans certaines entreprises et ce n’est pas la réponse à tout » critique Baptiste Talbot. Cette idée que le télétravail n’est pas la panacée met tout le monde d’accord. D’autant plus que seuls 40 % des emplois sont concernés. Le sénateur Serge Babary trouve même qu’il y a une exagération : « C’est faux de croire que le télétravail va résoudre le problème du Covid au travail. C’est un levier mais ce n’est pas le seul ».

Patrick Martin, président délégué du Medef, confiait mardi sur France info :

« On sait que beaucoup de salariés n’en veulent plus, que cela crée des fractures entre « cols blancs » et « cols-bleus », cela pose des problématiques opérationnelles et cela peut surtout créer des problèmes d’ambiance en entreprise ».

C’est précisément à cause de ces difficultés et des conséquences sur les salariés qui souffriraient de l’isolement créé par ce mode de travail que la CGT n’a pas signé l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 encadrant la mise en œuvre du télétravail. « C’est un dispositif nécessaire pour protéger une partie des salariés mais il doit être organisé en concertation avec les représentants du personnel » défend Baptiste Talbot.

« La durée d’isolement des salariés est fondamentale »

L’autre sujet qui inquiète patronat et syndicats reste la durée de l’isolement des salariés. Aujourd’hui, une personne positive au covid doit s’isoler dix jours à compter des premiers symptômes. Une durée à laquelle peuvent s’ajouter 48 heures d’isolement en cas de température au dixième jour. Compte tenu de la contagiosité du variant Omicron, un cas contact, lui, doit s’isoler sept jours (ou 17 s’il partage le domicile de la personne contaminée), et ce, même si l’on est totalement vacciné.

A l'issue du Conseil de défense sanitaire et du Conseil des ministres du 27 décembre consacrés à la poussée fulgurante du variant Omicron, le gouvernement a indiqué que de nouvelles règles d’isolement pour les malades et leurs contacts seraient fixées. « Il s’agira à la fois d’adapter ces durées en fonction du variant et là encore de faire peser une contrainte moindre sur les personnes vaccinées », a précisé le Premier ministre Jean Castex.

« Plus que l’amende, c’est la durée d’isolement des salariés qui est fondamentale pour l’économie » souligne Eric Chevée. Le chef d’entreprise propose plus de simplicité dans la mise à l’isolement des salariés positifs et des cas contacts. 

« J’attends que les médecins prennent leur responsabilité. On ne peut pas accepter d’enfermer encore tout le monde pendant trois semaines » plaide-t-il.

Pour Serge Babary aussi, des règles d’isolement trop strictes désorganiseraient la vie en entreprise. « Dans les métiers de services, de fabrication, de restauration ou d’hôtellerie, on ne peut pas tout arrêter comme ça. Ce n’est pas gérable. Les salariés ont besoin de travailler en équipe, et de se voir » affirme le sénateur LR.

Du côté des syndicats, la CGT pointe une autre contradiction dans la politique du gouvernement. « En anticipant une réduction des durées de mise à l’isolement comme le demande avec insistance le patronat, le gouvernement privilégie là encore clairement la bonne marche de l’économie, envisageant ainsi de faire courir des risques potentiels s’agissant de la santé des salariés et plus globalement de la population » dénonce le syndicat dans un communiqué publié sur son site.

Au-delà de la volonté de lutter contre l’épidémie, Baptiste Talbot voit dans les dernières déclarations du gouvernement « de la communication et de l’affichage politique ». Pour le syndicaliste : « Le gouvernement et les employeurs doivent prendre leurs responsabilités afin de protéger tous les salariés, ceux qui seront en télétravail mais aussi ceux qui continueront en présentiel. »

« Lire aussi. Télétravail : des entreprises encore « prudentes » voire « réticentes » selon une étude de l’Anact

 

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