Transparence : Transparency International juge le bilan de Macron «mitigé»

Transparence : Transparency International juge le bilan de Macron «mitigé»

Bien mais peut mieux faire. L’ONG Transparency International France pousse l’exécutif et les assemblées à aller encore plus loin en matière de transparence. Elle préconise un meilleur contrôle du financement des campagnes présidentielles.
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C’était le premier grand chantier de la présidence Macron : celui sur la transparence. Près d’un an après son élection, l’ONG Transparency International (TI) France fait un « bilan d’étape » sur le sujet. Verdict : « Un peu mitigé. ». « Il va falloir transformer l’essai. Le quinquennat a démarré très fort, avec la loi rétablissant la confiance dans la vie politique, votée à l’automne 2017. Mais nous avons l’impression que des mesures n’ont pas été prises et que le soufflé est un peu retombé » souligne ce lundi Marc-André Feffer, président de Transparency International France, en présentant le rapport (voir la vidéo, images de Fabien Recker).

Mode de nomination des magistrats du parquet : « La réforme prévue sera très importante » salue l’ONG

Les réformes, présentées l’été dernier par François Bayrou, éphémère ministre de la Justice, se retrouvent en réalité dans plusieurs textes : la loi sur la transparence, déjà votée, et dans la réforme institutionnelle à venir. Le texte sur le rétablissement de la confiance a, par exemple, permis l’interdiction de l’embauche par un parlementaire d’un membre de sa famille, la suppression de la réserve parlementaire ou un meilleur encadrement de l’IRFM, l’indemnité représentative de frais de mandats.

Au chapitre des satisfecits, Transparency applaudit la réforme du mode de nomination des magistrats du parquet, prévue dans la réforme constitutionnelle. « Il faut avoir une justice indépendante qui ne soit pas instrumentalisée par le politique. Donc La réforme prévue sera très importante car elle devrait aligner les conditions de nomination des magistrats du parquet, sur celle du magistrat du siège et faire en sorte que les nominations et les procédures disciplinaires relèvent du Conseil supérieur de la magistrature » salue le président de l’ONG.

Présidentielle : Transparency propose un « contrôle en temps réel des dépenses »

Mais Transparency International France pointe du doigt plusieurs lacunes, voire des manquements. Il n’y a rien sur le financement des campagnes présidentielles, alors que François Bayrou avait annoncé une banque de la démocratie. L’histoire récente montre que le système actuel a pourtant des lacunes. Marc-André Feffer le rappelle :

« Dans trois campagnes, lors des élections de 1995, de 2007 et de 2012, de graves soupçons de corruption et d’irrégularités importantes ont été constatés ».

En 1995, on sait que les comptes du candidat Chirac auraient dû être invalidés par le Conseil constitutionnel, qui a préféré fermer les yeux après l’élection. 2007 a été marquée par l’affaire du financement libyen présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy, pour lequel l’ancien Président a été mis en examen. En 2012, on se souvient de l’affaire Bygmalion liée aux dépenses, là encore, de la campagne de l’ancien chef d’Etat UMP.

Pour l’avenir, l’association propose d’établir « un contrôle en temps réel des dépenses auprès des candidats et partis », avec « une publicité des dépenses mois par mois » et « de ne pas attendre que l’élection ait lieu pour faire un contrôle a posteriori ».

Non-cumul des mandats dans le temps : « Il est important que cette réforme ne soit pas vidée de son sens »

Autre lacune, celle-ci à venir : le non-cumul dans le temps limité à trois mandats successifs. La mesure, qui se retrouve dans la réforme institutionnelle, exclut les communes de moins de 9.000 habitants. Surtout, elle n’est pas rétroactive. Les députés ne seront concernés qu’en 2037 et les sénateurs en 2038.

« Il est important que cette réforme ne soit pas vidée de son sens » pour Marc-André Feffer, qui demande qu’on prenne en compte les mandats en cours. Il « comprend », en revanche, qu’il « puisse y avoir des exceptions pour les petites communes. Mais 9.000 habitants, ce n’est pas une petite commune ». En limitant la portée de sa mesure, l’exécutif cherche en réalité à satisfaire la majorité sénatoriale, pour qui le sujet a longtemps été une ligne rouge.

Reculs sur le casier judiciaire vierge et la place des lobbies

Le président de Transparency International France constate aussi des « reculs », comme l’abandon de l’obligation d’avoir un casier judiciaire vierge pour se présenter aux élections, remplacé par une extension des peines d’inéligibilité. Ou encore l’exclusion des associations cultuelles, c'est-à-dire religieuses, de la liste des lobbies. Le gouvernement a profité du projet de loi sur le droit à l’erreur pour permettre ce recul dans l’encadrement des groupes de pression au Parlement.

Toujours pour le Parlement, l’ONG souhaite un contrôle accru et plus transparent sur les comptes des assemblées et sur ceux des groupes politiques. Il s’agit, écrit-elle dans son rapport, de « tirer les leçons de récents scandales, présomptions de détournement de fonds au Sénat et prêt secret à un parti politique en marge de l’affaire Bygmalion à l’Assemblée nationale ». Au Sénat, depuis la réforme initiée en 2015 par Gérard Larcher, les comptes des groupes sont certifiés par un commissaire au compte et rendu public sur le site du Sénat. Si les grandes lignes sont consultables, les détails ne le sont pas.

Frais de mandat : « Il est difficile d’être juge et partie »

Sur l’IRFM, Marc-André Feffer souligne que les choses vont « dans le bon sens ». Députés et sénateurs n’ont pas voulu avoir un système de notes de frais, préférant des avances avec contrôle sur justificatifs. L’ONG rêve elle d’une transparence des frais qui s’approcherait de ce qui « existe au Royaume-Uni, où vous pouvez regarder en ligne les frais de mandat ». Sans avoir tous les détails, Transparency préconise la publication des frais par types de dépenses. Surtout, elle note encore des lacunes pour le contrôle.

« L’Assemblée nationale a un déontologue et les sénateurs un comité de déontologie, qui est composé de parlementaires (8 sénateurs de tous bords politiques, ndlr). Il nous semble que pour assurer la crédibilité, le sérieux du déontologue, il est bien d’avoir une personnalité indépendante. C’est ce qu’a fait l’Assemblée nationale et c’est ce que nous souhaitons que le Sénat fasse un jour. Non pas que les membres du comité de déontologie fassent mal leur travail, mais il est difficile d’être juge et partie. Il nous paraîtrait normal que ce soit une personnalité indépendante des parlementaires qui assure ces fonctions » explique Marc-André Feffer. Regardez :

Frais de mandat : « Il est difficile d’être juge et partie » selon Marc-André Feffer, président de Transparency International France
01:18

Reste que la déontologue de l’Assemblée est nommée par les députés. Ce qui ne gêne pas le président de l’ONG : « Il me paraît normal, compte tenu de l’indépendance du Parlement, que chaque  chambre nomme le déontologue ». Au Sénat, les contrôles, dirigés sous l’égide du comité de déontologie, sont réalisés par des experts-comptables. Avant la réforme décidée l’hiver dernier, le montant de l’IRFM était de 6.109 euros net mensuels.

« Plus on va dans ce sens de transparence, plus les fantasmes disparaissent et la confiance renaîtra »

Pour Marc-André Feffer, l’ensemble des ces mesures n’ont pas pour objet de contraindre à l’excès les parlementaires et les élus. Elles sont indispensables pour rétablir la confiance dans l’action publique. « L’opacité a une conséquence sur la confiance des citoyens, qui sont persuadés que les élus ne sont pas honnêtes. C’est évidemment faux, mais la perception vient très largement du manque de transparence et de redevabilité. (…) On est redevable de l’argent public. Donc plus on va dans ce sens de transparence, plus les fantasmes disparaissent et la confiance renaîtra. On ne peut plus rester dans un univers où l’opacité règne ». C’est l’enjeu à relever pour avoir une démocratie en bonne santé.

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