Une majorité pour modifier la Constitution, mission impossible pour Macron ?

Une majorité pour modifier la Constitution, mission impossible pour Macron ?

Après les sénatoriales, la possibilité de réunir une majorité des 3/5èmes au Parlement pour une modification de la Constitution semble s’éloigner. En Marche a perdu des sièges et la droite ne semble pas prête à faire de cadeaux à Emmanuel Macron.
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Les sénatoriales sont un revers pour La République En Marche. La droite et le centre renforcent leur emprise sur le Sénat et la gauche limite la casse. Dans ces conditions, quelles sont les chances d’Emmanuel Macron de réunir la majorité des 3/5èmes au Congrès, indispensable pour réformer la Constitution ? Elles s’amenuisent. Si le Président veut réduire le nombre de parlementaires ou réformer le Conseil supérieur de la magistrature, il devra trouver au Parlement les appuis nécessaires au-delà de sa majorité.

A l’Assemblée, il peut compter sur une large majorité : un groupe LREM de 313 membres et 47 députés au groupe Modem. Si on ajoute les 35 députés du groupe Constructifs LR-UDI, on arrive à 395. Pour arriver à une majorité des 3/5èmes, soit 555 voix, il manque donc 160 sénateurs. Mais précision de taille : il faut les 3/5èmes des suffrages exprimés pour modifier la Constitution. Si 30 parlementaires s’abstiennent, il manque alors 142 sénateurs.

Problème pour le Président : le groupe LREM de la Haute assemblée sort affaibli des sénatoriales. Il avait 29 membres. Il en comptera moins. Un décompte large donne 28 membres. Mais il faut attendre de voir où siégera chaque sénateur. Deux LR investis par LREM l’ont emporté : Colette Mélot et Emmanuel Capus. Ce dernier a déjà affirmé qu’il siégerait au groupe Constructifs LR, s’il se constitue. On compte aussi deux Modem, la ministre Jacqueline Gourault et Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce dernier pourrait rester au groupe centriste, mais il faut cependant attendre là aussi. Alain Bertrand pourrait peut-être rester dans son groupe d’origine, le RDSE. Si on prend une fourchette basse, on arrive ainsi à un groupe LREM plus proche de 20 que de 30 sénateurs. Mais si on compte les LR, mais aussi le vallsiste Olivier Leonhardt (Essonne), les Modem, y compris Denise Saint-Pé (Pyrénées-Atlantiques) ou pourquoi pas Bernard Jomier, adjoint d’Anne Hidalgo, qui a réussi à être élu avec sa liste, on arrive à 28.

« Ça dépend du climat général de la relation entre l’exécutif et le Sénat »

LREM regarde du côté des Constructifs LR et de leur possibilité de créer un groupe. Fabienne Keller et Claude Malhuret ont déjà déposé, avec huit autres sénateurs, les statuts de l’association, préalable à la création d’un groupe. Mais la sénatrice du Bas-Rhin était prudente dimanche soir. Chez les sénateurs LR, certains restent dubitatifs sur l’aventure et ses chances d’aller au bout. Et il n’est pas impossible que le projet se limite à une simple amicale.

Début septembre, Fabienne Keller espérait rassembler une vingtaine de sénateurs constructifs. Prenons ce chiffre. En ajoutant les 51 sénateurs du groupe Union centriste, les 12 RDSE et une trentaine de socialistes, où la part des sénateurs opposés à Macron gagne du terrain dans le nouveau groupe de 79 sénateurs, on arrive à un total d’environ 120 sénateurs. On est encore loin du compte.

Du côté de l’Union centriste, le sénateur UDI Hervé Maurey affirme qu’« il n’y a pas de position de principe ni d’accord de principe. Ça dépend avant tout de ce que comportera le texte mais aussi du climat général de la relation entre l’exécutif et le Sénat ». Pour le président du groupe PS, Didier Guillaume, « tout dépendra de la question posée ». « Je ne crois pas qu’on puisse dire à l’issue de ces sénatoriales s’il y aura une majorité des 3/5 » a estimé le sénateur Macron-compatible dimanche, avant l’annonce totale des résultats.

Retailleau : « Pas de chèque en blanc »

Pour trouver cette majorité, il faudra chercher plus loin. D’autres membres du groupe LR, fort de 159 membres, peuvent-ils apporter leurs voix ? Le président de groupe, Bruno Retailleau, n’affiche pas d’opposition de principe, mais il met déjà en garde : « On a toujours une porte ouverte ici mais il n’y aura pas non plus de chèque en blanc. Il n’est pas question d’avaliser n’importe quoi, par exemple de déshabiller les territoires qui sont les plus pauvres en démographie » affirme le sénateur de Vendée sur Public Sénat ce lundi. Regardez :

Réforme constitutionnelle : « Pas de chèque en blanc » prévient Bruno Retailleau
00:26

« Il n’y aura pas de blanc-seing au gouvernement » confirme Philippe Dallier. Le vice-président du groupe LR se dit « prêt à tout regarder ». Mais « le non-cumul dans le temps (promesse d’Emmanuel Macron, ndlr), il n’en est pas question. Les électeurs ont le droit de choisir qui les représente ». Quant à la réduction du nombre de parlementaires, mesure a priori acceptée à droite comme à gauche, Philippe Dallier demande selon « quelle représentativité » celle-ci s’appliquerait. « Si on tombe à 250 sénateurs, comment représente-t-on le territoire dans les départements les moins peuplés ? » Le sénateur LR, réélu en Seine-Saint-Denis, voit d’autres lignes rouges : « Certains imaginent une élection des sénateurs dans un cadre régional. L’immense majorité des sénateurs y serait opposée. D’autres proposeront la proportionnelle partout. Mais les élus seront de plus en plus déconnectés du terrain ».

La majorité au Congrès n’est pas la seule difficulté. Avant cela, on oublie un point : il faut qu’Assemblée et Sénat votent dans les mêmes termes le projet de loi de réforme constitutionnelle. Autrement dit, que députés et sénateurs se mettent d’accord. Un préalable tout aussi, voire plus compliqué… Et les premiers mots de Gérard Larcher après sa réélection dimanche, qui voit le Sénat en « contre-pouvoir », ne sont pas un signal encourageant pour le chef de l’Etat.

« Pas de cadeaux »

En réalité, les stratèges électoraux de La République En Marche ne comptent pas sur les LR, hors Constructifs. « Il n’y aura pas de cadeau » pense l’un d’eux. On se souvient de la déchéance de nationalité voulue par François Hollande. Les discussions entre Assemblée et Sénat avaient duré des mois, avant d’aboutir à un échec, imputé à François Hollande. Au-delà de la question arithmétique, le Congrès est d’abord « une question politique ». Et l’alignement des astres s’éloigne pour  le chef de l’Etat. Dimanche soir, un membre de LREM estimait « difficile » la possibilité de réunir une majorité des 3/5, « d’autant que chez les socialistes, beaucoup de nouveaux élus ne sont pas Macronfiles ».

Du côté de l’exécutif, on semble déjà réfléchir à d’autres pistes. Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a affirmé ce matin sur RMC qu’Emmanuel Macron « assum(ait) » la possibilité de recourir au référendum pour réformer les institutions, comme il l’avait évoqué à Versailles. Le secrétaire d’Etat, Benjamin Griveaux, a lui fait remarquer sur RTL que pour baisser le nombre de parlementaires, « on n'est pas obligé de passer par une révision constitutionnelle, on peut passer par la loi. Donc nous verrons ce qui est de l'ordre du faisable ». Et de l’infaisable.

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