Une réforme des retraites avant la fin du quinquennat : « Pas le bon moment », selon les sénateurs

Une réforme des retraites avant la fin du quinquennat : « Pas le bon moment », selon les sénateurs

Le président de la République pourrait relancer une partie de la réforme des retraites dès septembre afin de la mener avant la fin de son mandat. Un calendrier qui laisse dubitatifs les sénateurs.
Alexandre Poussart

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Le retour de la réforme des retraites. Ce sujet sera sans doute évoqué à l’occasion du séminaire du gouvernement, ce mercredi. Selon le quotidien économique Les Echos, Emmanuel Macron veut rouvrir cet épineux dossier fermé par la crise sanitaire : Il souhaite supprimer les régimes spéciaux et instaurer une pension minimum à 1000 euros.

En juillet dernier, le président de la République avait laissé la porte entrouverte : « J’ai entendu les débats sur le moment : faut-il faire cette réforme dès ce mois de juillet, à la rentrée, ou bien plus tard ? Alors, si je demande au gouvernement de Jean Castex de travailler avec les partenaires sociaux sur ce sujet dès la rentrée, je ne lancerai pas cette réforme tant que l’épidémie ne sera pas sous contrôle et la reprise bien assurée. »

Alors l’épidémie est-elle sous contrôle ? Le directeur général de la Santé Jérôme Salomon l’a affirmé, dimanche sur BFMTV, « la 4e vague évolue favorablement. Le nombre de cas a baissé de 20 % en une semaine », hormis en Outre-mer. La reprise économique est-elle bien assurée ? Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a indiqué, ce lundi matin sur BFMTV, que les principaux indicateurs économiques avaient dépassé leur niveau d’avant crise et que la France aurait une croissance à 6 % fin 2021.

Un calendrier compliqué

Les critères fixés par Emmanuel Macron semblent donc remplis, mais à 8 mois de la fin du quinquennat, est-ce le bon moment pour faire une réforme des retraites ? « Ce n’est pas le moment et il n’y a pas d’urgence », tranche l’écologiste Sophie Taillé-Polian. « Le pays est à vif. Nous sortons d’une crise qui a fait augmenter le taux de pauvreté, et a révélé les difficultés de l’hôpital public. Il faut d’abord panser nos plaies avant de prendre le temps de réfléchir à notre modèle social. »

« Même si cette réforme est juste, cela semble très compliqué dans l’agenda parlementaire qui nous est soumis », estime Martin Lévrier, sénateur du groupe (RDPI-LREM) en pointe sur cette réforme.

Suppression des 42 régimes spéciaux

Pour le rapporteur de la Commission des Affaires sociales au Sénat en charge des retraites, le sénateur (Les Républicains) René-Paul Savary, "supprimer les 42 régimes spéciaux de retraite avant la fin du quinquennat est impossible. C’est une réforme qui s’étale sur plusieurs années et qui demande une concertation pour harmoniser les différentes caisses de retraite. »

« C’est sûr que ça prend du temps mais cette réforme il faudra bien la faire un jour », ajoute Martin Lévrier. « Ce système des régimes est profondément inéquitable et pénalise les plus pauvres de nos compatriotes. » Pour l’écologiste Sophie Taillé-Polian, une telle mesure serait stigmatisante : « Les privilégiés sont bien ailleurs que dans les régimes spéciaux de retraite. A l’heure actuelle, le gouvernement devrait prendre des décisions qui unissent le Français, plutôt que de les opposer. »

Retraite minimum à 1000 euros

L’autre mesure de la réforme des retraites qui pourrait voir le jour dans cette fin de quinquennat est la garantie d’une retraite minimum à 1000 euros pour tous les travailleurs ayant réalisé une carrière complète. « C’est une mesure de justice sociale comme le « quoi qu’il en coûte » qui a été mis en œuvre pendant la crise sanitaire », explique Martin Lévrier. « Ce serait contre-productif », analyse René-Paul Savary. « Cela va créer une dépense supplémentaire pour le régime des retraites, alors qu’on nous dit qu’il faut prendre des mesures paramétriques pour l’équilibrer. »

Réformer avant l’élection présidentielle

Le contexte de l’élection présidentielle pourrait expliquer l’empressement d’Emmanuel Macron pour mener une réforme des retraites et l’inclure dans son bilan. « Ce n’est qu’une manœuvre politique pour mettre la droite en difficulté », analyse Sophie Taillé-Polian. « Bien sûr que c’est électoraliste », ajoute le sénateur (LR) René-Paul Savary. « La droite propose de rééquilibrer le régime des retraites en reculant l’âge de départ, d’ailleurs la droite sénatoriale le fera dès cet automne (avec un âge reculé à 63-64 ans) comme tous les ans dans le budget de la Sécurité sociale. Emmanuel Macron veut donc montrer qu’il est concerné par le sujet. » Des arrière-pensées électorales que dément le « marcheur » Martin Lévrier : « Le président de la République n’est pas dans le court-termisme de l’élection. Malgré la campagne, la France doit continuer d’avancer et a besoin de cette réforme de justice sociale. »

Un risque de fronde sociale

Une réforme de justice mais qui pourrait provoquer une fronde sociale. Les syndicats - et même le patronat - ont refusé de relancer la concertation autour de cette réforme, lors des réunions de rentrée avec le Premier ministre Jean Castex. Nul doute qu’un retour de cette réforme provoquerait d’importantes manifestations comme à la fin de l’année 2019. « Il est vrai que ce projet de loi avait provoqué de l’incompréhension », admet Martin Lévrier. « Pour le relancer, il faudrait prendre le temps du dialogue et de l’explication auprès des Français. Mais en même temps, on ne va pas s’arrêter de gouverner au prétexte que les syndicats ne sont pas d’accord. » Pour l’écologiste Sophie Taillé-Polian, une réforme des retraites cet automne ne ferait que tendre un peu plus le pays : « Emmanuel Macron serait alors le président du désordre. »

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