« Vaccinodromes » : le gouvernement et les sénateurs contraints de revoir leur position

« Vaccinodromes » : le gouvernement et les sénateurs contraints de revoir leur position

Le 17 décembre, lors d’un débat organisé au Sénat sur la stratégie vaccinale pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, le ministre de la Santé a rappelé la place centrale qu’occupait la confiance dans cette stratégie. Si le gouvernement et les sénateurs tablaient sur la vaccination en cabinet médical pour gagner la confiance des citoyens, cette méthode semble aujourd’hui inconciliable avec une vaccination massive de la population.
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Par Laurelène Vion

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« Confiance ». C’est le mot qui semble sur toutes les lèvres ces derniers mois. La crise sanitaire s’ensuit d’une crise de confiance à laquelle le gouvernement et le Parlement tentent de remédier. Cette confiance est d’autant plus nécessaire que la campagne vaccinale vient tout juste de commencer.

Pour inciter à la vaccination du plus grand nombre, la France a donc fait le choix des cabinets médicaux, alors que de nombreux pays européens comme l’Allemagne ont aménagé des espaces publics en guise de « vaccinodromes ». Cette stratégie propre à la France ne rencontre finalement pas un franc succès : le démarrage très lent de la vaccination est pointé du doigt, avec seulement 516 vaccinations au 1er janvier, là où l’Allemagne est aujourd’hui déjà à plus de 238 000 personnes vaccinées.

La proximité, alternative aux « vaccinodromes » d’abord jugés inefficaces

L’entente était de mise. Le 10 décembre, lors de son audition au Sénat, le directeur général de la Santé Jérôme Salomon insistait sur le lien de confiance qui existe entre le médecin traitant et son patient. « Il y a un lien très étroit, la conviction se bâtit essentiellement là-dessus » affirmait-il, avant de préciser que l’« on n’écoute pas un ministre ou la Direction générale de la Santé, on écoute son médecin ». Olivier Véran confirmait l’importance de ce lien de proximité en assurant ne pas croire aux « vaccinodromes », mais plutôt à des « petits centres de vaccination ».

Les sénateurs, eux aussi, rejoignaient la position du gouvernement en ne jurant que par la vaccination de proximité. « Reconstruire la confiance passe par le lien humain, avec les généralistes et les pharmaciens notamment » affirmait Guillaume Gontard, président du groupe écologiste. Pour sa part, Bruno Belin, sénateur rattaché LR, rappelait que « tout acte médical doit être solennel » en refusant catégoriquement la mise en place de vaccinodromes. Aussi, le 15 décembre, lors du rendu de ses premières conclusions sur la stratégie vaccinale, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) du Sénat recommandait que la vaccination s’appuie sur les professionnels de santé de ville, qui ont une relation privilégiée de connaissance et de confiance avec leurs patients.

Ce rejet français des « vaccinodromes » paraissait de prime abord justifié après l’expérience de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 en 2009. « On avait essayé en France, et ça n’avait pas marché » rappelle Olivier Véran sur France 2, le 29 décembre. L’expérience récente du dépistage massif au Havre confirmait alors ce manque d’efficacité. Une fois de plus, l’OPECST appuyait le gouvernement en précisant que la stratégie vaccinale massive n’était pas envisageable en raison de la quantité limitée de doses de vaccin, ces dernières étant réservées aux populations les plus à risque.

Les « vaccinodromes », aujourd’hui seule solution à « une véritable épreuve logistique »

Il semble que la stratégie de « confiance » qui faisait l’unanimité ne soit plus au goût du jour. Au cours du débat sur la stratégie vaccinale, certains sénateurs avaient pourtant rappelé l’importance de la « logistique » pour une campagne de vaccination réussie. Si la plupart s’accordent à dire que le vaccin est une « avancée scientifique majeure », « la question de la logistique va être essentielle dans les tout prochains jours » alertait déjà Bruno Belin, sénateur rattaché LR. Les citoyens attendent beaucoup de leurs représentants sur ce point, d’autant plus que la gestion de la crise a été jusqu’ici vivement critiquée. Il s’agirait en effet de ne pas reproduire les erreurs liées à la gestion de la distribution des masques qui ont longuement fait parler d’elles.

Lors de son audition le 16 décembre, Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale française, insistait également auprès des sénateurs sur la logistique propre aux vaccins à ARN messager. « Si on est uniquement avec le vaccin Pfizer qui a besoin d’être stocké à -70 °C, il y aura un problème de logistique pour vacciner dans les cabinets. Il faudra que la vaccination se fasse dans des centres » affirmait-il. Il en est de même pour le vaccin Moderna, qui nécessite d’être conservé à -20 °C. Or, les sénateurs et le gouvernement ne semblent pas avoir pris en considération cette mise en garde. Certains vaccins pourraient pour leur part être facilement administrés en cabinets médicaux comme celui du laboratoire AstraZeneca, dont l’administration commence ce lundi au Royaume-Uni. Mais pour cela, il faudrait que l’Agence européenne du médicament approuve ce vaccin.

Le gouvernement et les sénateurs se voient donc contraints de changer de cap pour que la campagne vaccinale soit une réussite : soit ils continuent à privilégier le lien de confiance, auquel cas ils devront faire face à une véritable « épreuve logistique » difficile à réaliser, soit ils satisfont aux exigences logistiques du vaccin à ARN du laboratoire Pfizer, tout en prenant le risque de créer des « vaccinodromes » inefficaces.

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