Vers la fin des consignes de vote ?

Vers la fin des consignes de vote ?

Interrogés ce vendredi matin sur d’éventuels appels au vote dans le cas d’un 2nd tour Macron – Le Pen, Valérie Pécresse et Jean-Luc Mélenchon ont tous les deux refusé le principe de consigne de vote. Des déclarations forcément motivées politiquement à quelques jours du 1er tour, mais qui reflètent aussi l’érosion du sentiment d’appartenance partisan.
Louis Mollier-Sabet

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Alors que la question des consignes de vote commence à se poser pour les candidats qui n’accéderont vraisemblablement pas au 2nd tour, il semble difficile de se positionner – si l’affiche promise a bien finalement lieu – entre l’extrême droite de Marine Le Pen et la politique du président sortant que les candidats ont souvent critiquée en tant qu’opposants. C’est par exemple le cas de Valérie Pécresse, dont l’équipe a pourtant vivement critiqué la reprise de son programme par Emmanuel Macron, qui expliquait ce matin sur France Inter qu’elle « ne donnerait jamais de consigne de vote » si elle n’était pas au 2nd tour. De même pour Jean-Luc Mélenchon, qui expliquait ce matin sur BFM TV « ce n’est pas vraiment une bonne idée pour moi d’appeler à voter pour des gens que je combats continuellement dont les positions sont diamétralement opposées. » Le candidat de l’Union populaire s’est en effet placé en opposant du président sortant tout au long du quinquennat, tandis que ses passes d’armes avec la candidate d’extrême droite ont marqué la vie politique de ces dernières années. Jean-Luc Mélenchon veut aussi probablement continuer d’incarner une alternative crédible pour l’accession au 2nd tour, lui qui reste le seul autre membre du wagon de tête dans les derniers sondages. Difficile dans ce cas d’appeler à un éventuel « barrage républicain. »

>> Lire aussi : Chez LR, on appelle déjà à une » remise à plat » et à un « devoir de réflexion » sur la ligne

L’érosion du « front républicain »

Ce n’est de toute façon pas ce que le candidat insoumis avait décidé en 2017 en appelant « à ce qu’aucune voix n’aille à l’extrême droite », mais sans donner de consigne de vote précise. Une consultation avait été effectuée auprès des 400 000 membres de la plateforme de campagne de La France Insoumise pour sonder les troupes, avec 3 options : le vote Macron (36,12 %), l’abstention (19,05 %) ou le vote blanc ou nul (36,12 %). Finalement, les sondages après le 2nd tour ont semblé montrer qu’un électeur de Mélenchon sur 2 avait finalement voté Emmanuel Macron, autour de 10 % pour Marine Le Pen et les 40 % restants se seraient abstenus. Aujourd’hui, le report de voix en cas de nouveau 2nd tour Macron – Le Pen n’est plus du tout le même, avec, selon les sondages, plus de 50 % d’abstention pour les électeurs de Jean-Luc Mélenchon au 1er tour, environ 30 % qui choisiraient Marine Le Pen et seulement 15-20 % qui voteraient pour Emmanuel Macron.

Il reste difficile de tirer des leçons d’enquête d’opinion sur un 2nd tour hypothétique alors que le 1er tour n’a pas encore eu lieu et que les intentions de vote se fixeront une fois l’affiche définitivement connue. Mais il n’en reste pas moins que la situation semble avoir changé depuis 2017. Même à droite, alors que François Fillon avait appelé à voter Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, politiquement plus proche du Macron de 2022 que François Fillon ne l’était du Macron de 2017, « ne souhaite pas avoir de responsabilité avec un président qui a une politique que je réprouve, qui n’est pas la mienne. »

Avec l’affaiblissement des partis traditionnels, la fin des consignes de vote ?

En dehors des considérations politiques à quelques jours du 1er tour, ces déclarations reflètent aussi une évolution structurelle et profonde du champ politique : l’érosion du sentiment d’appartenance partisane. « Les Français sont libres et c’est eux qui votent », explique Valérie Pécresse, quand Jean-Luc Mélenchon affirmait sur BFMTV ce vendredi matin que « les consignes n’ont plus de sens » et qu’il « ne veut pas donner un droit qu’il n’a pas. » En somme, ces candidats expliquent ne pas être propriétaires de leurs voix et que leurs électeurs feront de toute façon leur choix sans accorder d’importance aux « consignes. » C’est une analyse qui leur évite d’avoir à se positionner, mais elle reflète aussi une certaine réalité : les Français s’identifient de moins en moins à un parti ou à une famille politique. Ceux qui votent le font pour diverses raisons, mais de moins en moins par fidélité à leur camp. C’est ce que montrent par exemple les baromètres de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), souvent cités par le politiste Vincent TIberj.

En 2019, un tiers des répondants à l’enquête se déclaraient « apartisans », c’est-à-dire qu’ils ne s’identifiaient à aucun parti politique, 20 points de plus que dans les années 2000. L’analyse de Vincent Tiberj montre par ailleurs que cette proportion augmente fortement chez les cohortes plus jeunes. 50 % des personnes nées après 1981 se déclarent « apartisans », contre seulement 30 % des personnes nées entre 1941 et 1960. Les dynamiques démographiques et la fragmentation du paysage politique font que cette érosion du sentiment d’appartenance partisan est vouée à se répandre dans la société. Ainsi, les candidats défaits semblent effectivement être de moins en moins propriétaires des voix de leurs électeurs, qui votent certes pour eux, mais ne se sentent pas appartenir à un collectif (un parti politique) qui devrait déterminer une position commune au 2nd tour. Ce sont d’ailleurs les partis « traditionnels » de gauche qui ont déjà assez clairement exprimé leur volonté de « faire barrage » dans un éventuel 2nd tour Macron – Le Pen, et qui restent donc dans cette logique partisane de construction d’une position commune après la défaite. Il faudra tout de même attendre dimanche soir, pour avoir l’affiche finale du 2nd tour, et les positions définitives des uns et des autres.

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